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Prix record des carburants: baisse de la TVA ou taxe flottante, une solution pour limiter la casse?

La baisse des taxes sur le carburant est de nouveau sur la table face à la flambée des prix à la pompe. Evidente sur le papier, cette mesure pose cependant de nombreuses questions.

Les cours du pétrole s'envolent et, pour les automobilistes, cela se traduit par un plein toujours plus cher. Alors que ces derniers semblent résignés devant la hausse vertigineuse des prix à la pompe, de nombreuses voix s’élèvent pour demander une baisse des taxes.

"Il serait très simple de mettre [la TVA, ndlr] à 5,5% ce qui permettrait de réduire de 10 centimes d’un seul coup le coût pour les automobilistes, demande ce mercredi sur BFMTV Daniel Quero, président de l’association 40 millions d’automobilistes. Le gouvernement devrait prendre cette mesure très simple et très rapide".

Une proposition également faite aussi bien par la candidate socialiste à l'élection présidentielle Anne Hidalgo que par celle du Rassemblement national Marine Le Pen.

Dix centimes de baisse, cinq milliards d'euros

Sauf qu’à quelques rares exceptions, à chaque fois que cette proposition de baisse de la TVA ou de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), revient lors des pics de prix à la pompe, l’idée finit par être invariablement retoquée. Comme ce mercredi où le ministre de l’Economie Bruno Le Maire l’a une nouvelle fois écartée.

Les taxes représentent indéniablement une part considérable du prix d'un plein. Sur un litre de sans–plomb 95, 57,1% du montant payé par le consommateur relève des taxes. "La plus grosse charge, relève de la TICPE, qui va 60 à 70 centimes selon les carburants, la taxe sur laquelle on rajoute une TVA, une TVA à 20%", détaille Francis Pousse, président de la branche carburant du Conseil Nationale des professions de l’Automobile (CNPA).

Or, qui dit baisse de la TVA ou de la TICPE dit baisse des recettes pour l’Etat. L'argument du manque à gagner pèse dans le débat. La réduction nécessaire de la dépense publique que défend Valérie Pécresse amène ainsi la candidate de LR à écarter cette proposition.

"Sur l’essence on n’a pas l’argent aujourd’hui, a répondu ce mardi sur BFMTV à un auditeur la candidate des Républicains. La baisse de la TVA à 5,5, c’est juste financièrement pas possible, ou alors je ne fais pas la hausse des salaires. Il y a un moment, il faut que je choisisse".

Ce potentiel "trou" dans les finances publiques est loin d'être négligeable. Comme le résume sur BFMTV Olivier Gantois, président de l’Union française des industries pétrolières (UFIP): "Si on veut compenser 10 centimes de hausse, 10 centimes c’est 5 milliards d’euros".

Une baisse de quelques centimes par litre

Baisser le prix du sans-plomb 95 de 1,68 euro en moyenne le litre à 1,58 euro se traduirait par une économie de 5 euros sur un plein de 50 litres. Une économie modeste supportée par tous les contribuables y compris ceux qui ne roulent jamais en voiture. En 2012, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault avait baissé de 3 centimes pendant trois mois la TICPE. Cette mesure avait coûté 300 millions d’euros aux finances publiques, rappelait à l'époque Le Monde. Mais pour la TICPE flottante, instaurée par le gouvernement Jospin entre 2000 et 2002, la facture avait été bien plus salée. Comme le rapporte le HuffPost, le manque à gagner avait atteint 2,7 milliards d’euros (3,6 milliards d'aujourd'hui) pour une baisse de "l'ordre de 2,19 centimes d'euros par litre", avait évalué la Cour des Comptes.

A quelques semaines de la présidentielle

Cette mesure pose également la question de l’équité car elle ne distingue pas le conducteur qui fait le plein de sa sportive -et en a, a priori, les moyens - et les conducteurs du quotidien qui n’ont d’autres choix que de prendre leur voiture pour se rendre au travail.

La baisse des taxes a également des implications politiques, à quelques semaines de la présidentielle. Comment expliquer une baisse des taxes sur les carburants quand la question du réchauffement climatique prend une place de plus en plus importante dans le débat public?

"L’Etat intervient dans la fixation du prix [des carburants, ndlr] par l’intermédiaire de sa fiscalité, résume ce mercredi sur BFM Business l’économiste et éditorialiste Jean-Marc Daniel, qui plaide pour une TICPE flottante. L’enjeu est de faire un prix qui correspondent à deux choses: un prix qui répercute le coût, [le coût du pétrole, ndlr] et qui répercute une politique, celle de la lutte contre le réchauffement climatique et donc l’incorporation d’une taxe carbone. Un des enjeux est de déterminer un prix qui soit prévisible dans le temps, qui soit un prix qui a comme objectif de déterminer le comportement des gens vis-à-vis de cette consommation pour lutter contre le réchauffement climatique".

Si l'économiste plaide pour une TICPE flottante, plutôt qu'un chèque énergie, il appelle surtout une vision de long terme. Cette question des prix de l’essence, comme de l’énergie, risque en effet d’occuper une place importante des débats de la campagne présidentielle. Ce mercredi après-midi, le baril de brent valait plus de 88 dollars.

Pauline Ducamp
https://twitter.com/PaulineDucamp Pauline Ducamp Rédactrice en chef adjointe web