BFM Business
Mobilités

Pourquoi les trottinettes ne vont pas disparaitre des rues de Paris

Si Paris va interdire les trottinettes en libre-service, ces engins de plus en plus prisés des urbains affichent des scores de ventes impressionnants. En 2022, 759.000 trottinettes ont été vendues.

Les Parisiens ont décidé d'exclure les trottinettes en libre-service de la capitale, mais les trottinettes personnelles vont continuer de se multiplier dans les rues. Cette mesure s'appliquera le 1er septembre. Les Parisiens vont devoir vivre encore longtemps avec ces engins utilisés au quotidien par entre 2,5 et 3 millions de Français. Une étude réalisée par Smart Mobility Lab et la Fédération des Professionnels de la Micro-Mobilité (FP2M) montre le poids des trottinettes dans les déplacements quotidiens et dans l'économie française.

"Les trottinettes électriques ne se résument pas à celles en libre-service. Ce sont au total 2,5 millions de trottinettes personnelles qui sont en usage dans notre pays, ce n’est plus du tout anecdotique", explique à BFM Business Jean Ambert, président fondateur de Smart Mobility Lab, un organisme qui étudie le développement de ces nouvelles formes de mobilité et directeur des études de la FP2M.

345 millions de chiffre d'affaires en 2022

Selon les derniers chiffres publiés par la FP2M, 900.000 trottinettes ont été vendues dans l'Hexagone en 2021 et 759.000 en 2022, soit trois fois plus qu'en 2019. En prenant seulement en compte les trottinettes en libre-service, ces dernières ont permis de réaliser 100.000 trajets l'an dernier. "C'est la face émergée de l'iceberg", nous explique Jean Ambert.

Les trottinettes électriques personnelles comme partagées simplifient les déplacements multimodaux. Il n'est ainsi plus rare de voir dans les transports en commun des utilisateurs avec une trottinette pliée.

"Les ventes baissent [en 2022, ndlr], mais le chiffre d'affaire du secteur est en augmentation. Ce marché se consolide et on assiste à un ancrage de cette pratique au quotidien", indique à BFM Business Jean Ambert, président fondateur de Smart Mobility Lab (FP2M).

Le chiffre d'affaires total du marché des EDP (Engin de déplacement personnel) a atteint a atteint 450 millions de chiffres d'affaires en France en 2021. Sur ce montant, le poids des trottinettes est d'environ 300 millions d'euros. Un chiffre passé à 345 millions d'euros l'an dernier.

Le prix moyen en hausse

"On est encore loin du vélo électrique, bien sûr, mais c'est un usage qui est complémentaire. On voit par exemple que les ventes de trottinettes électriques ont été supérieures l'an dernier à celles des vélos électriques", constate Jean Ambert.

Le prix moyen de chaque trottinette vendue est en hausse l'an dernier: 455 euros en 2022 contre 341 l'année précédente. Surtout, les ventes de véhicules de moins de 300 euros se sont effondrées (-54%) quand celles de véhicules à plus de 500 euros représentent désormais 20% des achats.

Le vol des engins de mobilités sans immatriculation joue sans doute en faveur de la trottinette par rapport au vélo. Elle peut en effet être transportée dans son domicile et rechargée sur une prise domestique d'un appartement. Leur faible coût d'usage est aussi un atout. Selon l'étude de Smart Mobility Lab, 50% des usagers économisent entre 30 et 100 euros par mois dans leur budget de déplacement.

Mieux réguler les usages

Cet engouement a eu des conséquences néfastes sur la sécurité routière avec des accidents, parfois mortels, en augmentation. En cause, une hausse de la pratique, mais aussi les risques pris par les pilotes et la circulation à plusieurs sur une même engin qui rendent son pilotage dangereux.

A Paris, en 2022, 3 personnes sont mortes et 459 autres ont été blessées dans 408 accidents d'engins de déplacement personnel motorisés (EDPM) qui regroupent trottinettes électriques, monoroue, gyropodes et hoverboards. Entre 2019 et 2022, le nombre d'accidents à augmenter de 600%.

Le service de médecine physique et réadaptation de l'hôpital Cochin, à Paris, a enregistré une "explosion" des accidents liés aux trottinettes électriques. Cette hausse détone face à la "baisse" des accidents de la route impliquant "la voiture, les scooters, les motos, les piétons".

Pour endiguer cette courbe, le ministre des Transports a annoncé son intention de mieux réguler l'usage de ces engins. Si le port du casque obligatoire ne fait pas partie des mesures. Par contre, l’âge minimum pour utiliser une trottinette électrique sur la voie publique passera à 14 ans contre 12 actuellement. Les comportements dangereux, comme la conduite à deux ou la circulation sur des voies interdites, sera sanctionner plus fortement. Les amendes qui les sanctionnent passeront de 35 euros à 135 euros.

De leur côté, Lime et Dott, opérateurs d'EPDM en libre service, ont développé des systèmes pour empêcher de monter à plusieurs sur un même engin. "Nous devons accepter qu’il y a des nouvelles mobilités et de nouveaux moyens de transport mais comme nous l’avons fait pour tous les moyens de transport auparavant, il faut passer d’un stade anecdotique, parfois folklorique, parfois des mobilités malheureusement considérées comme des jeux ou des jouets à une étape d’encadrement, de régulation, de sérieux et d’apaisement des esprits", estime Jean Ambert.

Pauline Ducamp et Pascal Samama