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Fin du moteur thermique en 2035: le blocage de l’Allemagne embarrasse les industriels européens

A la surprise générale, l'Allemagne a décidé de ne pas voter pour le texte interdisant les voitures thermiques en 2035. Le vote a été repoussé dans l’attente d’un compromis. Ce revirement de dernière minute laisse la filière automobile française très perplexe.

"Mais enfin, qu’est-ce qu’il se passe?" Un acteur de l’industrie automobile française avoue avoir été complètement pris de court par la situation actuelle à Bruxelles. "Cela amène de l’incertitude, alors que 2035, c’est demain!" ajoute-t-il. Chez le fournisseur automobile Valeo, on explique "être prêt pour 2035". "On n’a plus besoin de gagner du temps et de grappiller 4 ou 5 ans", nous confie un porte-parole de l'équipementier.

Même son de cloche chez un constructeur automobile français. "Si cet été on était vent debout contre la fin des moteurs thermiques en 2035, on s’est mis depuis en ordre de marche". Là aussi, c’est l’incertitude qui est particulièrement redoutée.

"Le plus compliqué, ce sont les aller-retour", s’inquiète le constructeur.

Des milliards d’euros investis dans l’électrique

Le cas de Renault illustre bien les doutes de la filière automobile française. Le groupe, avec son pôle Electricity dans les Hauts-de-France, vise la production de 500.000 voitures électriques à horizon 2025. Si l’échéance de 2035 est effectivement repoussée, comment s’assurer que ces voitures soient vendues? La demande sera-t-elle au rendez-vous alors que les véhicules électriques restent encore beaucoup plus chères que les thermiques?

Les constructeurs français comme européens, ont investi des milliards d’euros pour se convertir à l’électrique. Une question les taraude, comme d’ailleurs la plupart des acteurs européens: comment expliquer un tel revirement allemand?

"Cette situation est totalement inédite", affirme l’un des négociateurs du texte, qui suit le dossier depuis le premier jour.

Le vote au conseil de l’Union Européenne, qui devait avoir lieu ce mardi et a été reporté sine die, était sur le papier une formalité. "On en était au stade de la caisse d'enregistrement", ajoute ce négociateur.

Les libéraux allemands pointés du doigt

La position allemande reste en travers de la gorge des institutionnels européens qui y voient un coup politique. Ils pointent du doigt un coupable: Christian Lindner, chef du parti libéral-démocrate allemand, membre de la coalition gouvernementale dirigée par Olaf Scholz avec les Verts et les sociaux-démocrates du SPD.

Le FDP veut absolument autoriser l'utilisation de carburants synthétiques au-delà de 2035. Or les libéraux sont aujourd’hui très affaiblis sur la scène politique. "Nous sommes pris en otage par un parti qui fait 4% dans les sondages", rage le négociateur que nous avons interrogé. Dans ce revirement allemand, il faut aussi sans doute voir la patte de certains constructeurs nationaux, comme Porsche par exemple, qui ont beaucoup misé sur les carburants de synthèse.

A Bruxelles, on négocie activement pour trouver une issue et un compromis avec l’Allemagne. Car pour la plupart des acteurs européens, il est tout simplement inimaginable, que ce texte, qui a fait couler tellement d'encre, ne soit finalement pas voté. 

Justine Vassogne