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Procès de l'attentat de Strasbourg: l'accusé tente de garder ses distances avec le "monstre" Chekatt

L'entrée de la salle d'audience du procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg en 2018, au palais de justice de Paris, le 29 février 2024

L'entrée de la salle d'audience du procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg en 2018, au palais de justice de Paris, le 29 février 2024 - Ian LANGSDON © 2019 AFP

La cour d'assises de Paris est revenue ce vendredi 22 mars sur la relation entre Chérif Chekatt, l'auteur de l'attentat de Strasbourg et Audrey Mondjehi, accusé d'avoir aidé le jihadiste à se procurer une arme.

Chérif Chekatt, l'auteur de l'attentat de Strasbourg, était "juste une connaissance", "j'ai rien à voir" avec ce "monstre". Devant la cour d'assises spéciale de Paris, Audrey Mondjehi, accusé d'avoir aidé le jihadiste à se procurer une arme, a tenté vendredi 22 mars de minimiser son rôle, au risque de s'enferrer dans ses contradictions.

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Avant même d'évoquer les faits qui lui sont reprochés - à savoir les circonstances dans lesquelles Chekatt s'est procuré un pistolet quelques heures avant de tuer cinq personnes au marché de Noël le 11 décembre 2018 -, la Cour a examiné pendant de longues heures les relations qu'entretenaient les deux hommes avant l'attentat. Or, même sur cet aspect, l'accusé a peiné à présenter une version claire.

"Je voulais rendre service"

Qu'ils aient fait connaissance en prison en 2007 n'est pas contesté. La suite est plus floue: en garde à vue, Audrey Mondjehi avait expliqué avoir été recontacté par Chekatt dès 2015 ou 2016, mais devant la cour il affirme ne l'avoir revu qu'à partir de septembre 2018, soit trois mois avant l'attentat.

"Il m'a dit: 'est-ce que tu peux me trouver une arme?' (...) Je pensais pas que ça pouvait arriver à l'acte gravissime qu'il a fait."

L'accusé le dit et le répète: pour lui, Chekatt était un voleur, et il en a donc "déduit" que s'il cherchait une arme, c'était en vue d'un braquage. Mais il admet ne pas lui avoir posé la question pour en avoir le coeur net, car "jamais il va me le dire, chacun son secret personnel!".

"Je voulais rendre service... je lui ai présenté des gens qui vendaient des armes", raconte l'accusé. "C'est une erreur, mais pour moi j'ai juste présenté quelqu'un... comme quelqu'un qui cherche un garagiste." Un peu plus tard, alors que l'avocat de plusieurs victimes s'offusque de cette comparaison, il en tente une autre, évoquant une "boulangerie".

Présidente, parquet et parties civiles s'étonnent par ailleurs que Mondjehi et Chekatt, qui n'étaient "pas amis", selon l'accusé, aient pourtant eu des relations suivies et de nombreux échanges entre septembre et décembre 2018.

Mondjehi pouvait-il ignorer la radicalisation de Chekatt?

Au point même que le premier a accompagné en voiture le second, à sa demande, jusqu'à la frontière suisse un soir d'octobre 2018. Là non plus, Mondjehi n'y voit rien d'extraordinaire: "Je m'ennuyais, je me sentais utile à être entouré par du monde".

Autre élément qui cristallise les questions: comment Mondjehi pouvait-il ignorer la radicalisation de Chekatt, pourtant bien visible aux yeux d'une grande partie de son entourage?

"Il ne m'a jamais parlé de religion, je l'ai jamais vu aller à une mosquée", assure-t-il. "Je l'ai pas détecté. C'est des mecs qui sont dans la dissimulation", ajoute-t-il, qualifiant Chekatt de "monstre".

Pourtant, il a spontanément pensé à lui en apprenant qu'un attentat avait été commis à Strasbourg, rappelle la présidente: "Je me suis dit 'j'espère que ce n'est pas ce fou de Chérif'", selon son récit aux policiers, lors de sa première garde à vue, le surlendemain de la tuerie. Des propos, consignés sur procès-verbal, qu'il nie aujourd'hui avoir tenus.

"Vous devez quand même admettre qu'il y a certains éléments du dossier un peu en votre défaveur", le recadre calmement l'un des représentants du parquet antiterroriste.

"Idiot utile"

Pour Me Michaël Wacquez, l'un de ses défenseurs, ce qu'on reproche en fait à Audrey Mondjehi, c'est "de n'avoir pas pu anticiper quelque chose que n'ont pu appréhender ni la DGSI, ni la SDAT", les services de renseignement et antiterroriste.

Après plusieurs heures d'interrogatoire, son client fatigué, multiplie les approximations et s'emporte: "J'ai rien à voir" avec Chekatt, "à part que (...) je me suis fait avoir pour lui fournir une arme. Je sais plus quoi dire, je suis fatigué avec cette merde, j'ai tué personne, je suis pas islamiste!".

"Dans des situations de base, vous êtes complètement paumé", résume Me Wacquez, qui tente de lui porter secours. "Ne pensez-vous pas que dans cette histoire, vous avez servi d'idiot utile à Chérif Chekatt?"

"'Idiot', je ne sais pas, c'est un peu blessant. En tout cas, il m'a pris pour un âne, pour un con."

A.F avec AFP