BFMTV
Strasbourg

Au procès de l'attentat de Strasbourg, la terreur des victimes qui ont croisé l'assaillant

Des policiers dans les rues de Strasbourg, capitale Européenne touchée par un attentat mardi 11 décembre 2018.

Des policiers dans les rues de Strasbourg, capitale Européenne touchée par un attentat mardi 11 décembre 2018. - AFP

Au procès de l'attentat du marché de Noël à Strasbourg, des victimes ont raconté vendredi 8 mars leur face-à-face avec l'assaillant et la terreur qu'ils ont vécue ce 11 décembre 2018.

Son regard, son "sourire démoniaque" ou son geste "d'une froideur glaçante" sont gravés à jamais dans leur mémoire. Au procès de l'attentat du marché de Noël à Strasbourg, des victimes ont raconté vendredi leur face-à-face avec l'assaillant et la terreur qu'ils ont vécue ce 11 décembre 2018.

Ce soir-là, Chérif Chekatt, un homme de 29 ans radicalisé, a tué en plein centre de Strasbourg et en l'espace de dix minutes cinq personnes et en a blessé grièvement onze autres. Après avoir passé la journée à couvrir la session du Parlement européen pour un projet de radios universitaires, Caterina et Clara décident, avec Antonio Megalizzi et Piotr Orent-Niedzielski, alias "Bartek", de se rendre au marché de Noël en quête de cadeaux pour leurs proches.

Rue des Orfèvres, "je vois cet homme avec des habits sombres, avec une capuche et un bonnet", se souvient Clara à la barre. Elle croise son regard.

"Ce qui restera gravé dans ma mémoire à perpétuité, c'est le geste très calme, très lent, d'une froideur glaçante", poursuit dans un français impeccable cette Italienne de 33 ans.

"Il a tiré alors qu'il était accroupi"

"Il lève son bras très lentement, lève son arme et j'entends un premier coup, et je vois tout de suite que Bartek tombe sur le ventre les bras en croix".

Antonio Megalizzi, juste à côté, se baisse. "Il lui a tiré un coup de feu dans la tête alors qu'il était accroupi", relate de son côté Caterina. Les deux hommes sont les premières victimes de Chérif Chekatt. Les deux jeunes femmes s'enfuient alors, se réfugient dans un restaurant où des gens dînent sans se douter de ce qui se passe et se cachent au sous-sol, terrifiées que l'assaillant ne surgisse de nouveau.

Au même moment, Julien, écouteurs sur les oreilles, revient de l'université de Strasbourg. Il attache son vélo place du Marché-Neuf, avant de se diriger vers son domicile.

"Une sensation irréelle"

Un homme l'interpelle. "Il m'a demandé comment je m'appelais et si j'étais chrétien. J'ai répondu "rien du tout", se remémore à la barre, la voix souvent brisée par l'émotion, le jeune homme de 29 ans.

" À ce moment, il a eu des mouvements très raides en direction de mon abdomen, je me suis éloigné", poursuit-il. "Quand j'ai réalisé qu'il m'avait poignardé, j'ai eu très peur, je me suis retourné et me suis enfui".

Julien finit par s'écrouler de douleur. Il sent "une sensation un peu irréelle", "de sang qui s'en va" et d'"entrailles" qui "commencent à sortir".

Une infirmière et un ancien pompier interviennent, tentent de stopper l'hémorragie, lui parlent pour éviter qu'il ne perde conscience en attendant les secours. "J'avais peur qu'ils m'abandonnent, j'avais peur de mourir dans le froid".

"Tout le monde avait peur que l'assaillant revienne, on ne savait pas où il était parti", se souvient de son côté Loïc, l'ancien pompier.

"Ça s'est passé en trois secondes"

Nabila, qui rendait visite à une amie à Strasbourg, se retrouve elle aussi en face de Chérif Chekatt. "Il me regarde avec ce sourire démoniaque qui a hanté mes nuits depuis", raconte cette mère de 45 ans, qui dit n'être depuis "plus que l'ombre" d'elle-même.

Le couple Naghchband, des Afghans installés depuis plusieurs années en France, profitait de la soirée pour se promener avec ses trois enfants de 2, 5 et 6 ans quand l'assaillant touche l'épaule du père, Ahmad Kamal. "Je me disais qu'il allait poser une question", relate son épouse. Mais "il a pris son pistolet et ça s'est passé en trois secondes, il (son mari) est tombé", poursuit-elle, racontant avoir d'abord cru à une blague.

"A ce moment, tout est devenu sombre, la nuit s'est abattue, j'ai vu le sang au front et je me suis mise à crier". Les enfants, eux, étaient "en état de choc, blêmes", se souvient-elle.

Depuis, "je fais la mère et le père, c'est compliqué d'être les deux à la fois", témoigne cette femme, toujours suivie par des psychiatres cinq ans après les faits. Son frère, qui a obtenu l'asile politique, vit avec elle depuis quatre ans.

M.B. avec AFP