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Procès de l'attentat de Strasbourg: les explications des proches de l'assaillant

La cour d'assises spéciale de Paris le 29 février 2024 à l'ouverture du procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg.

La cour d'assises spéciale de Paris le 29 février 2024 à l'ouverture du procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg. - IAN LANGSDON / AFP

Le père de l'assaillant de l'attentat de Strasbourg, ainsi que l'un de ses frères et un ancien co-détenu ont été interrogés ce jeudi 7 mars devant la cour d'assises spéciale de Paris sur le parcours de Chérif Chekatt.

Au procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg, la cour d'assises spéciale de Paris a été confrontée ce jeudi 7 mars aux explications, parfois lunaires, de plusieurs proches de l'assaillant, abattu par la police deux jours après son attaque qui a fait cinq morts.

Une semaine après l'ouverture des débats, l'objectif de la journée était de saisir un peu plus la personnalité de Chérif Chekatt, de comprendre son parcours de vie et ce qui l'avait mené, à l'âge de 29 ans, à tuer cinq personnes et à en blesser onze autres ce soir du 11 décembre 2018.

"Vous noterez que j'ai menti"

Premier à témoigner, en visioconférence, un frère aîné du meurtrier apparaît en costume cravate à l'écran. Après avoir retiré masque anti-covid, puis lunettes de soleil à la demande de la présidente de la cour, il refuse dans un premier temps de prêter le serment "de témoigner sans haine et sans crainte", expliquant "craindre" pour sa vie.

Puis il finit par répondre "je le jure", la présidente lui ayant indiqué que le refus de déposer était puni d'une amende de 3.750 euros, tout en lançant à la présidente: "vous noterez que j'ai menti".

Il débute son propos par une citation de Dostoïevski: "Aucun homme ne peut vivre sans aucun but, s'il n'a ni but ni espoir, sa détresse fait de lui un monstre", avant d'évoquer un des accusés, Audrey Mondjehi.

Cet homme, un ancien codétenu de Chérif Chekatt, est le seul des quatre accusés comparaissant devant la cour à devoir répondre de faits de nature terroriste: il a été renvoyé pour complicité d'assassinats et de tentatives d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste, pour avoir selon l'accusation joué "un rôle indispensable dans la fourniture d'une arme". Lui affirme ne pas avoir su quel était le projet de l'assaillant.

"C'est le pauvre bouc émissaire", affirme le frère de Chérif Chekatt. "La seule erreur qu'il a faite, il a vendu une arme. A la base il pensait qu'il rendait juste service à un petit voyou", poursuit-il, disant alternativement le détester et ne pas avoir "la haine" contre lui.

"Mon frère c'était quelqu'un de bien"

Puis il se lance dans des explications décousues, fait l'éloge de Nicolas Sarkozy, évoque Jésus-Christ et l'apôtre Pierre, affirme être "chrétien", "pas encore baptisé", ou dit encore avoir pu mentir pendant l'enquête pour sauver sa peau.

"Mon frère c'était quelqu'un de bien, qui avait beaucoup de valeurs, de qualité, sauf qu'il a vécu beaucoup d'injustices", estime-t-il, jugeant qu'il était "la première victime de l'attentat".

"Vous êtes théâtral, vous êtes vindicatif, contradictoire et inquiétant", lui lance Me Eric Amiet, un avocat de parties civiles.

Après le frère, vient le tour du père, 76 ans, qui explique s'être séparé de la mère de Chérif lorsque celui-ci avait douze ans et ne rien pouvoir dire sur sa jeunesse, n'ayant pas eu de contact avec lui jusqu'en 2010.

"Mon fils il était toujours calme, c'était quelqu'un de souriant, de gentil", assure celui qui a été accusé par plusieurs de ses enfants d'avoir été violent avec eux et qui défend, devant la cour, une vision rigoriste du rôle de la femme.

"Je n'aurais jamais pensé qu'il ferait une chose aussi horrible", affirme-t-il à plusieurs reprises, évoquant des "victimes innocentes" parmi les "mécréants".

"J'étais sûr que c'était lui"

Dernière personne à être entendue, depuis la prison de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), Michaël Chiolo, un ancien co-détenu de Chérif Chekatt.

En mars 2019, cet homme radicalisé, qui purgeait une peine de trente ans de réclusion pour un crime de droit commun, avait, avec sa compagne venue lui rendre visite, grièvement blessé deux surveillants dans le centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, dans l'Orne. Lors de l'attaque, il avait affirmé vouloir "venger" Chérif Chekatt.

Devant la cour d'assises, le trentenaire, barbe fournie, chante les louanges de ce dernier, un "frère de religion" et un "ami proche", avec qui il a été incarcéré à la maison d'arrêt d'Epinal entre septembre 2014 et mars 2015, et avec lequel il a ensuite gardé des contacts.

"A ce moment-là, il avait déjà en tête de s'en prendre à la France d'une façon ou d'une autre", révèle-t-il. "Quand j'ai entendu qu'il y avait un attentat à Strasbourg, j'étais sûr que c'était lui".

E.R. avec AFP