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Mayotte: un projet de loi "d'urgence" présenté le 22 mai, les barrages encore maintenus "quelques jours"

Des barrages continuent de paralyser le département le plus pauvre de France. Alors que le préfet vient d'être remplacé, le gouvernement entend lutter pour agir contre l'insécurité et l'immigration incontrôlée dans l'île, notamment par l'interdiction du droit du sol.

Les collectifs citoyens de Mayotte ont annoncé mercredi le maintien pour encore "quelques jours" des barrages qui paralysent le département le plus pauvre de France, malgré les engagements écrits reçus du gouvernement pour agir contre l'insécurité et l'immigration incontrôlée dans l'île.

Première "victime" de cette crise, le préfet de Mayotte, Thierry Suchet, remplacé mercredi en Conseil des ministres par François-Xavier Bieuville, actuel sous-préfet de Dunkerque, la région du ministre de l'Intérieur.

Un remplacement aussitôt interprété localement comme un limogeage. "Il était temps que le préfet soit limogé, il a laissé Mayotte dans une situation de crise ingérable. Il a fallu que ce soit la population qui se manifeste", s'est réjoui auprès Abdou Badirou, un représentant des "Forces vives", coalition de collectifs citoyens.

Un rassemblement des "Forces vives" à Petite-Terre

Face à une situation de plus en plus explosive à Mayotte, Gérald Darmanin, accompagné de la ministre déléguée aux Outre-mer Marie Guévenoux, avait tenté dimanche lors d'une visite éclair dans l'île de ramener le calme, avec dans sa besace des annonces fortes, dont la fin du droit du sol.

Mais les "Forces vives" avaient posé un préalable à la levée des barrages qui paralysent l'île de Grande-Terre depuis trois semaines pour protester contre l'insécurité et l'immigration incontrôlée: un écrit avant mercredi du ministre sur ses engagements.

Mercredi, 4 à 500 personnes se sont réunies à Pamandzi, une commune située sur l'île de Petite-Terre, pour participer au "congrès" des "Forces vives", une rencontre où tous les Mahorais étaient invités et où devait se décider la suite du mouvement.

Toute la matinée, les barrages étaient donc ouverts et la barge qui relie Grande-Terre à Petite-Terre fonctionnait.

Fin du droit du sol à Mayotte : la solution ? - 12/02
Fin du droit du sol à Mayotte : la solution ? - 12/02
10:54

Les barrages maintenus au moins "quelques jours"

Beaucoup, parmi les femmes présentes, portaient des vêtements noir et rouge aux motifs jaunes de fleurs d'ylang-ylang, la tenue emblématique de Zena M'Dere, chef de file du mouvement des "Chatouilleuses" lors de la révolte de Mayotte contre les Comores dans les années 1960.

Alternant prises de parole et chants, le déroulement du congrès a été perturbé par le courrier de Gérald Darmanin annonçant notamment la fin du titre de séjour territorialisé, une revendication des manifestants.

Ce dispositif, spécifique à Mayotte, empêche actuellement les étrangers (essentiellement Comoriens et Malgaches) ayant un titre de séjour local de se déplacer ailleurs en France.

"Les barrages sont maintenus. Même les forces de l'ordre ne passeront pas", a dans un premier temps asséné sur scène un porte-parole des "Forces vives", Abdou Badirou, avant que l'annonce du courrier provoque des débats entre participants.

"Les barrages vont être maintenus" au moins "quelques jours", le temps d'analyser le courrier, a finalement dit Safina Soula, une des représentantes les plus visibles du mouvement, chapeau de cowboy aux couleurs bleu-blanc-rouge sur la tête.

Un projet de loi d'urgence présenté le 22 mai

Parmi les participants au congrès, les réactions étaient variées. "Les décisions prennent trop de temps, les Mahorais n'en peuvent plus, l'insécurité n'est plus tolérable. Mais à part mettre des moyens supplémentaires, je ne vois pas comment on peut agir", a affirmé Djoumoi Ramia, expert-comptable à Mamoudzou.

"Sur le fond, je suis complètement en accord avec les revendications, mais sur la manière de faire, je suis plus réservé. Dans le courrier de Gérald Darmanin, tout ce qui a été demandé apparaît. Au moins, on a une date butoir, le 22 mai", celle de la présentation en Conseil des ministres d'un projet de loi d"urgence pour Mayotte". Le texte devrait inclure la fin du titre de séjour territorialisé.

"Si on n'a pas de réponse à ce moment-là, on pourra rebloquer l'île", a prévenu Djoumoi Ramia.

"Wuambushu 2" annoncé par Darmanin

Guère optimiste, Safina Soula a confié son "sentiment d'amertume", soulignant que "le problème le plus difficile, qui n'est pas réglé, reste l'insécurité" dans ce petit territoire dans l'océan Indien.

Pourtant, en avril dernier, le ministre de l'Intérieur s'était fait fort de rétablir la sécurité en lançant une opération baptisée "Wuambushu" destinée à lutter contre l'immigration illégale, le logement insalubre et la délinquance.

D'une durée de trois mois au départ, elle s'était prolongée jusqu'à la fin d'année dernière. Devant la persistance des problèmes, Gérald Darmanin a annoncé une nouvelle opération, "Wuambushu 2".

Elle est désormais dénommée "opération civilo-militaire" avec les mêmes objectifs, actant ainsi l'échec des actions précédentes.

H.G. avec AFP