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Mort des passagers du Titan: comment le sous-marin a-t-il pu imploser?

Le sous-marin Titan d'Ocean Gate lors d'un précédente immersion.

Le sous-marin Titan d'Ocean Gate lors d'un précédente immersion. - Hamish Harding - Ocean Gate

L'insubmersible de la société OceanGate a été victime d'une "implosion catastrophique" selon les premiers éléments de l'enquête. Un incident probablement lié à une défaillance matérielle.

Dimanche 18 juin, le submersible Titan a été embarqué par le bateau canadien Polar Prince à 740 kilomètres au large de Terre-Neuve, dans l'océan Atlantique. C'est à cet endroit, 3800 mètres plus bas, que gisent les restes du tristement célèbre Titanic. Pour atteindre ce point dans les abysses, le sous-marin et ses cinq passagers devaient descendre pendant environ 2h30.

Pourtant, au bout d'1h45, l'appareil a cessé de donner signe de vie. Contrairement à ce qui a pu être supposé dans les premiers jours de recherche, le sous-marin n'avait pas disparu. Dès ce moment-là, le Titan a été victime d'une "implosion catastrophique", comme l'ont annoncé jeudi les garde-côtes. Les passagers n'y ont pas survécu, même si leurs corps demeurent introuvables.

Le contre-amiral John Mauger, qui supervise les recherches, a mentionné en conférence de presse une "chute de pression catastrophique" dans la "colonne d'eau", ce qui veut dire durant la descente. En clair, le volume d'eau qui se trouvait autour du sous-marin exerçait une pression immense, au point qu'il s'écrase sur lui-même.

"La pression augmente d'un bar (unité de mesure de la pression;ndlr) tous les 10 mètres. On ne se rend pas bien compte de ce que cela veut dire mais, à 350 mètres de profondeur, c'est comme s'il y avait 350 kg de pression par centimètre carré [du sous-marin]", a expliqué l'ancien officiel de la Marine Nationale François Narolles sur BFMTV.

Pour se représenter l'effet de la pression, l'expert a proposé une image très parlante:

"C'est comme faire monter un éléphant sur 4 canettes de soda", décrit-il.

Quelques millisecondes seulement

Même si la pression sous l'océan est immense et augmente proportionnellement à la profondeur, les sous-marins sont - en théorie - conçus pour y résister. Alors comment expliquer le sort du Titan? Plusieurs hypothèses se détachent selon les spécialistes. Une fragilité de la proue, un hublot trop grand ou des matériaux utilisés inadaptés pour la coque pourraient avoir joué.

Cette dernière a été composée avec un mélange de fibre de carbone et de titane. Un matériel léger, mais pas conventionnel. Un risque que Stockton Rush le PDG d'OceanGate et victime de l'incident assumait lors d'une interview à CBS en 2022.

"Vous savez, j’ai enfreint certaines règles pour réaliser ce projet. Je pense que je les ai transgressées en m’appuyant sur la logique et une bonne ingénierie. Il y a une règle qui interdit d’utiliser la fibre de carbone et le titane. Et bien je l’ai fait", assumait Stockton Rush.

Pour ce qui est du hublot, la taille de celui-ci n'était pas conventionnelle. La fenêtre circulaire du Titan avait un diamètre d'environ 60 centimètres, contre 35 centimètres en moyenne pour des appareils similaires. Celui-ci était particulièrement grand pour permettre aux touristes à bord de mieux voir l'épave du Titanic.

Selon un ancien employé licencié en 2018 après avoir alerté sur les dangers de l'insubmersible , l'entreprise "a refusé de payer le fabricant pour qu'il construise un hublot conforme à la profondeur requise de 4000 mètres". Plus globalement, il avait émis des inquiétudes quant à la sécurité et au contrôle qualité" du Titan auprès de sa direction. Ce qui, selon lui, a mené à son licenciement.

L'usure de ces éléments déjà douteux aurait également pu jouer, le Titan ayant déjà servi à plusieurs plongées. "L'élasticité a ses limites", pointe le consultant défense de BFMTV Jérôme Clech.

Les passagers n'auraient pas souffert

Quelle que soit la source du dysfonctionnement, une fois que l'intégrité de l'appareil a été compromise, il n'était plus possible pour celui-ci de résister à la pression de l'eau, d'où l'implosion. Les cinq passagers n'auraient a priori pas souffert, la défaillance et l'implosion n'ayant vraisemblablement été séparées que de quelques millisecondes.

Un cas similaire s'était présenté en 2017 avec le sous-marin argentin San Juan. Comme l'explique une note rédigée par Bruce Rule, un analyste acoustique du bureau américain de renseignement naval. L'implosion de l'appareil à seulement 400 mètres de profondeur avait dégagé une énergie équivalente à "l'explosion de 12.500 livres de TNT", environ 6000 kg.

"La coque sous pression a été entièrement détruite en 40 millisecondes environ, ce qui correspond à la moitié du temps minimum nécessaire à la reconnaissance cognitive d'un événement", précise cette note.

Le Titan se trouvait encore plus profondément sous l'eau que le San Juan, les passagers ont donc pu connaître la même mort instantanée. Mais il est aussi possible qu'un signe alertant sur une faiblesse de l'appareil se soit présenté, sans qu'ils ne puissent y répondre. C'est l'une des questions parmi tant d'autres à laquelle devra répondre l'enquête menée dans la zone. Sans certitude que les réponses arrivent un jour.

Tom Kerkour