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Les enfants youtubeurs sont-ils des travailleurs? Le ministère du Travail va étudier la question

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Sur YouTube, les chaînes "familiales" ont un succès retentissant. Mais cette activité échappe à tout cadre légal puisqu'elle est aujourd'hui considérée comme un loisir privé. Le ministère du Travail a annoncé début décembre lancer une expertise.

À quel moment cesse le loisir et commence le travail? Sur YouTube, des parents aux manettes de “chaînes familiales” mettent en scène leurs enfants quasi-quotidiennement. Début décembre, le ministère du Travail a révélé que ses services allaient mener une expertise pour clarifier le cadre légal de cette activité, ont repéré nos confrères de Numerama. Le ministère de Muriel Pénicaud avait été interrogé sur le sujet par la sénatrice Michelle Meunier, membre du groupe socialiste et républicain, le 7 juin. Puis par le député LREM Bertrand Sorre le 26 juin.

En septembre dernier, le ministère du Travail avait indiqué considérer l’unboxing (vidéos dans lesquelles les personnes se filment en déballant des produits) comme un “loisir privé”. En conséquence, cette activité n’entre pas dans le champ de compétence du code du travail. Sauf que ces vidéos génèrent plusieurs milliers d’euros et qu’elles attirent de plus en plus l’attention. Finalement, le ministère se penchera sur la question: “La ‘superposition’ entre lien de subordination et autorité parentale ne doit pas servir à masquer une éventuelle prestation de travail de la part des enfants”. 

Des vidéos qui pourraient être assimilées à des publicités

Sur YouTube, la première chaîne du genre en France est Studio Bubble Tea, suivie par 11,3 millions de personnes. Depuis plus de quatre ans, Mickaël filme quasi-quotidiennement ses deux filles Kalys, 11 ans, et Athena, 6 ans. Quatre vidéos de quinze minutes sont publiées en moyenne chaque semaine. D’autres chaînes similaires existent comme Néo et Swan (3,4 millions d’abonnés) ou Démo Jouets (993 000 abonnés)

Studio Bubble Tea
Studio Bubble Tea © Capture d'écran YouTube

“La forte mise en valeur de produits ou de marques laisse penser que ces vidéos pourraient être assimilées à des publicités. En outre, elles peuvent générer des revenus conséquents aux parents des enfants filmés”, écrit Michelle Meunier dans sa question au ministère. “De plus, leurs rapports vis-à-vis de leurs parents peuvent les empêcher de se révolter face aux situations humiliantes qu’ils se voient obligés de subir”, expose le député Bertrand Sorre.

Modifier la loi existante

Ces chaînes familiales sont très prolifiques. Ce qui a conduit fin mai l’association Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open), à faire deux dénonciations aux parquets de Lyon et de Bobigny pour “travail illicite”. En juillet, l’Open a même saisi le défenseur des droits. Thomas Rohmer, son président, se dit satisfait de la réponse du ministère, qu'il juge "claire". "Ils font ce qui est logique. A savoir, mener l’enquête". 

Selon lui, il n'est pas question d'interdire. Il faut simplement que les enfants youtubeurs répondent aux mêmes règles que les enfants artistes de moins de 16 ans, définies par l’article L7124-1 du Code du travail. Pour employer le mineur, l’entreprise doit déposer une demande d’autorisation auprès du Préfet via la direction départementale de la cohésion sociale du département du siège de l’entreprise. 

En mai 2017, un décret a d'ailleurs modifié la loi pour inclure les mineurs de moins de 16 ans qui participent à des compétitions de jeux vidéo.

"Pourquoi ne pourrait-on pas simplement inclure les enfants youtubeurs?", s'interroge Thomas Rohmer. “D'autant plus que certains parents à la tête de chaînes familiales ont monté des sociétés. Donc rien n’empêche que leurs enfants soient employés par ces entreprises”.

Comme Thomas Rohmer, la sénatrice Michelle Meunier pense qu’il faut modifier la loi existante. “Mais il faut peut-être rajouter ‘ou tout autre support numérique’. Il ne faut pas faire l’erreur d’inscrire YouTube dans le texte. Car si quelque chose d’autre apparaît dans les prochaines années, la loi ne s'appliquera plus”, précise Michelle Meunier. "En tout cas, la réponse du ministère va dans le bon sens". 

https://twitter.com/Pauline_Dum Pauline Dumonteil Journaliste BFM Tech