Tech&Co
Vie numérique

Comment les publications Instagram et Facebook peuvent faire basculer un procès

Les juges de Nanterre ont mis à profit des photos Instagram du couple Hallyday pour trancher sur son lieu principal de résidence.

Les juges de Nanterre ont mis à profit des photos Instagram du couple Hallyday pour trancher sur son lieu principal de résidence. - PATRICK KOVARIK / AFP

Le tribunal de Nanterre s'en est remis à des publications Instagram du couple Hallyday pour trancher sur leur lieu principal de résidence. Les contenus publiés sur les réseaux sociaux deviennent progressivement des pièces à conviction.

Tout ce que vous publiez sur les réseaux sociaux pourra être retenu contre vous. Le couple Hallyday en est le dernier exemple en date. Le tribunal de Nanterre s'est appuyé sur les comptes Instagram des époux pour trancher sur leur lieu de résidence principal, comme le rapportait France Inter ce 29 mai.

Les photographies régulièrement diffusées sur leurs comptes Instagram respectifs étaient en effet bien souvent accompagnées de leur géolocalisation. "David Hallyday a ainsi produit un "tableau de géolocalisation Instagram des époux Smet de 2012 à 2017", note France Inter. "Il en ressort que le couple a passé 151 jours en France en 2015, 168 jours en 2016, et les huit derniers mois de 2017". Ce tableau, qui a fait office de preuve, a conduit les juges de Nanterre à considérer la France comme le lieu de résidence principal du couple.

Résultat: la contestation de la légitimité du testament signé par Johnny Hallyday aux Etats-Unis tombera sous le coup de la justice française, et non plus américaine. L’avocat de Laeticia Hallyday a d'ores et déjà indiqué faire appel de la décision. La Cour d’appel de Versailles devra elle aussi statuer sur l’affaire, probablement en 2020. Pour le moment, le fond du litige, à savoir la répartition de l’héritage, n’a pas été abordé.

Des preuves privilégiées

A l'heure où 35 millions de Français utilisent régulièrement Facebook, les publications diffusées sur les réseaux sociaux viennent de plus en plus régulièrement nourrir les procès et constituer des pièces à conviction. "On en voit quasi systématiquement devant les Prud'hommes, à l'occasion de litiges avec les employeurs", souligne Olivier Iteanu, avocat à la Cour d'appel de Paris et Président d'honneur de l'Internet Society France.

"En matière de fait juridique, tel qu'un accident, vol ou meurtre, la preuve est libre. Il est donc possible de venir prouver ce fait par tous moyens, publications sur les réseaux sociaux comprises. Depuis la réforme du droit de la preuve, en 2000, l'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier", complète Olivier Iteanu. Ces preuves électroniques pourront bien évidemment être contestées, si on les considère comme fausses. "Il s'agit en revanche de la première fois que je vois une telle recherche sur Instagram présentée au tribunal", conclut-il.

Ainsi, dans un litige de 2011, un tribunal de Nancy en est venu à prendre en compte des photographies Facebook pour prouver qu'une mère ayant refait sa vie avec un autre homme ne devait plus bénéficier de la prestation compensatoire versée par le plaignant, son ex-mari.

Les commentaires sur Facebook peuvent également être pris en compte dans des dossiers d'attribution d'autorité parentale. Ainsi de commentaires mis à profit par la Cour d'appel de Limoges, dans un arrêt du 30 mars 2011, qui soulignaient le caractère "inconstant, inconséquent et désinvolte" ainsi que "l'immaturité et l'instabilité" d'une mère, fait savoir Thierry Vallat, avocat spécialisé en droit du numérique. Cette exploration des réseaux sociaux par les avocats vaut également aux Etats-Unis, ajoute-t-il. A Detroit, les membres d'un gang ont ainsi été confondus sur la base de publications Facebook et Instagram, ainsi que de vidéos YouTube, comme le raconte en détail Detroit News

Quelques contre-exemples existent néanmoins. Ainsi, les informations issues du compte Facebook d’un salarié et publiées auprès d'un nombre restreint de contacts ne peuvent être utilisées comme mode de preuve contre lui ou elle par l'employeur, selon un arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2017. La situation serait en revanche différente si les informations avaient été accessibles publiquement.

Les réseaux sociaux sont un tel reflet de la vie quotidienne de ceux qui les détiennent que le fisc entend également y accorder une vigilance particulière. L'administration fiscale expérimente début 2019 la surveillance des comptes des contribuables sur les réseaux sociaux pour lutter contre la fraude. De quoi donner aux contrôleurs des impôts des éléments de comparaison avec les revenus officiellement déclarés par le contribuable.

https://twitter.com/Elsa_Trujillo_?s=09 Elsa Trujillo Journaliste BFM Tech