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Vie numérique

A-t-on le droit de fouiller dans le smartphone de son enfant?

Dans une interview, la secrétaire d'État chargée de la Citoyenneté et de la Ville assure que les parents ont le droit de fouiller dans le téléphone de leurs enfants. Une affirmation à tempérer.

Gros coup de vis de l'exécutif pour endiguer la délinquance juvénile. Ce mardi, la Secrétaire d'État chargée de la Citoyenneté et de la Ville Sabrina Agresti-Roubache était interviewée sur France 2.

Selon elle, les parents doivent désormais restaurer leur autorité auprès de leur enfant, quitte à s'immiscer dans leur vie privée en fouillant dans leur smartphone.

"Quelque chose qui me frappe ces dernières années, c'est de penser qu'un adolescent a une vie privée" explique-t-elle. "Un adolescent est un mineur. Donc les parents ont le droit de fouiller dans le téléphone, chercher quelque chose dans la chambre s'il y a des stupéfiants par exemple".

"Ce n'est pas se mêler pour se mêler" poursuit-elle. "Chacune a droit à son petit jardin secret" concède-t-elle néanmoins avant de réitérer: "moi, non seulement je surveille, non seulement je me mêle, non seulement je protège, mais je sanctionne."

La sortie doit néanmoins faire grincer quelques dents. Le parent a-t-il légitimement le droit de fouiller dans le smartphone de son enfant? La réponse n'est pas si simple. Le sacro-saint article 9 du Code civil qui protège le respect à la vie privée "vaut pour tout le monde, y compris les mineurs" rappelle auprès de Tech&Co Me Alexandre Archambault, avocat spécialisé dans le Numérique.

Mais ce principe est forcément tempéré par l'exercice de l'autorité parentale qui s'exerce sur ses enfants. Mais, là encore, l'article 371-1 du Code civil vient rappeler que cette autorité parentale "est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant." Le même article souligne que "les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité."

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) souligne aussi dans de récents avis le "juste équilibre" à trouver "entre contrôle parental et respect des droits des mineurs". Enfin, un rapport de la Défenseure des droits, daté de 2022 demande à "préserver une sphère personnelle et intime dans le quotidien de l’enfant" car le droit au respect de la vie privée participe "à sa construction en tant que personne et individu libre".

Enfin, à l'international, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant rappelle aussi dans son article 16 le droit à la vie privée de son enfant.

"Un mauvais signal"

En réalité, si la loi ne tranche pas ce débat entre respect de la vie privée et protection de l'enfant par son parent, la question semble plus évidente pour les psychologues et pédiatres qui promeuvent le dialogue et l'accompagnement.

"C'est un mauvais signal pour la confiance et la relation parent-enfant", expliquait récemment à BFMTV Marie Danet, psychologue et maîtresse de conférences en psychologie du développement à l'Université de Lille. "C'est du même ordre que fouiller dans la chambre de son enfant ou lire son journal intime".

Un contrôle trop intrusif peut ainsi provoquer plus de dissimulations de part de l'adolescent, qui peut trouver beaucoup de possibilités pour camoufler des applications ou des messages. En réalité, mieux vaut entamer le dialogue avec son enfant, quitte aussi à limiter l'utilisation du smartphone avec les outils inclus dans les appareils.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business