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"D'intérêt public": Twitter assume la diffusion massive d'images choquantes des attentats du Hamas

La plateforme annonce avoir modifié ses règles de modération, revendiquant "l'intérêt public" de la diffusion de certaines séquences violentes. Contredisant toutefois sa propre politique.

C'est l'une des nombreuses images d'horreur qui aura le plus marqué une partie des utilisateurs de Twitter (désormais baptisé X). Depuis le début des attaques terroristes du Hamas ce 7 octobre au matin, une vidéo de propagande, montrant un corps inanimé qui pourrait être celui de Shani Louk, une jeune femme de 20 ans, sur lequel crache un terroriste, cumule des millions de vues. De nombreuses autres vidéos montrent des corps sans vie, ou des otages israéliens détenus à Gaza. Face aux critiques sur l'absence de modération, Twitter a fait une mise au point ce 10 octobre.

"Au cours du week-end, nous avons mis à jour notre politique sur les exceptions d'intérêt public. Nous savons qu'il est parfois très difficile de voir certains contenus, surtout dans le contexte actuel. Dans ces situations, X estime que, bien que cela soit difficile, il est dans l'intérêt public de comprendre ce qu'il se passe en temps réel" explique ainsi l'entreprise. Elle assure par ailleurs avoir supprimé des "milliers de publications" partageant des contenus choquants ou des messages haineux.

Exception d'intérêt public

Si Twitter interdit en principe la diffusion d'images choquantes et violentes, des exceptions étaient jusque-là prévues en cas d'information d'intérêt public, notamment si la publication émane d'un élu, s'il s'agit d'un compte cumulant plus de 100.000 abonnés, et d'un compte certifié. Sur ces deux derniers critères, la nouvelle politique élargit la possibilité d'exception à tous les comptes "très suivis", sans davantage de précision.

Dans sa nouvelle politique, Twitter fait disparaître toute mention de l'étude des contenus litigieux par "des responsables de différentes équipes internes spécialisées dans divers domaines (gouvernement, droits de l'homme, journalisme, actualités, technologies et droit)". Désormais, l'entreprise se contente de préciser que la décision sera prise par ses équipes internes.

Malgré ses déclarations, Twitter est en revanche en contradiction avec sa propre politique sur les contenus sensibles liés au terrorisme, pour lesquels la plateforme ne prévoit aucune exception concernant l'intérêt public.

"Il n'y a pas de place sur X pour les organisations terroristes. [...] En raison des graves blessures physiques qui peuvent résulter de leurs activités, nous ne prévoyons aucun cas où l'exception d'intérêt public pourrait s'appliquer" peut-on ainsi lire sur le site du réseau social.

Cette stratégie pourrait toutefois poser problème à l'entreprise dans les prochains mois, avec l'application de la nouvelle réglementation européenne, le DSA, qui vise justement à davantage encadrer la modération des réseaux sociaux.

"Si on ne veut pas que le DSA soit mort-né, il faut que la Commission européenne tire dès maintenant les conclusions, toutes les conclusions des manquements de certaines plateformes à modérer les contenus ce week-end et à respecter les obligations nées du règlement" a notamment appelé le député Renaissance Eric Bothorel, spécialisé dans les sujets liés au numérique.

L'opposition avec le régulateur européen pourrait être d'autant plus forte que selon le média The Information, Twitter a récemment supprimé plusieurs outils de modération, justement destinés à repérer la diffusion coordonnée par plusieurs comptes de photos et vidéos illicites. Depuis sa reprise en main par Elon Musk, Twitter ne répond plus aux questions des journalistes.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co