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Attaques du Hamas en Israël: pourquoi Twitter franchit un cap dans ses défaillances

Depuis ce 7 octobre, les réseaux sociaux, en particulier Twitter, sont envahis de fausses informations et contenus illicites.

En quelques heures, Twitter est devenu un champ de bataille numérique. Déjà visé pour ses lacunes en matière de modération par le passé, le réseau social, piloté et détenu par Elon Musk, est l'épicentre de la guerre de communication autour de l'attaque du Hamas contre Israël.

Désormais, c'est la plateforme elle-même qui invite à suivre des comptes aux contenus douteux, voire ouvertement racistes.

C'est ainsi que ce dimanche 8 octobre, Elon Musk a invité ses quelque 160 millions d'abonnés à suivre deux comptes, pourtant habitués aux fausses informations, et pour l'un d'entre eux aux publications antisémites. Il a finalement supprimé sa publication au bout de trois heures, après que celle-ci a été vue 11 millions de fois.

Pour la plateforme, qui a licencié 90% de ses salariés, les attentats terroristes du Hamas font figure de véritable "stress test", en matière de modération. Un test auquel la plateforme a largement échoué, selon les spécialistes.

"Allez sur Twitter et recherchez des informations sur Israël et Gaza. Vous n'aurez pas à parcourir la plateforme très longtemps pour trouver de l'information douteuse ou fausse", regrette dans le Washington Post Mike Caulfield, chercheur au Centre pour un Public Informé de l'Université de Washington.

Des vidéos toujours en ligne

Twitter s'est également illustré par son absence totale de modération, y compris dans la diffusion de propagande terroriste. Deux jours après le déclenchement de l'attaque, des vidéos non floutées de victimes continuent de circuler activement sur le réseau social. Parmi les plus choquantes, la vidéo de celle qu'on pense être Shani Louk, germano-israélienne immobile à l'arrière d'un camion, en partie dévêtue.

Si la plateforme a supprimé l'une des publications ayant cumulé le plus de vues (12 millions), elle n'a pas pris le soin de faire disparaître la vidéo d'origine, pourtant accessible en un clic. Cette dernière, qui montre le corps inanimé supposé de Shani Louk, sur lequel crachent certains terroristes, était toujours accessible, sans le moindre avertissement, ce 9 octobre au matin, soit 48 heures après sa mise en ligne.

L'algorithme, censé faire le ménage, est terriblement défaillant et opaque. "Il est facile de tromper les algorithmes", expliquait récemment à Tech&Co Olivier Ertzscheid, enseignant-chercheur en sciences de l'information et de la communication à l'université de Nantes. Il suffit par exemple de transformer légèrement l'image: "Cela trompe le système d'identifiant unique associé à chaque vidéo". Des précautions dont n'auront même pas eu besoin ceux qui ont relayé les vidéos de propagande du Hamas, pour la plupart toujours en ligne.

Explosion des thèses complotistes

L'effet de la reprise en main de Twitter par Elon Musk est en revanche plus facile à mesurer concernant la diffusion de théories ouvertement complotistes. Le compte de Silvano Trotta, figure complotiste lors de la pandémie de Covid-19, en est l'un des symboles. Banni du réseau social, il a retrouvé l'accès à son compte et à ses quelque 150.000 abonnés sur décision d'Elon Musk.

De quoi reprendre ses sorties sur ses sujets de prédilection, comme les vaccins ou la guerre en Ukraine, mais aussi sur les attaques du Hamas. Dans une publication vue près de 300.000 fois, il laisse penser que les attentats ont été secrètement autorisés par Israël pour justifier de futures représailles contre les Palestiniens. Un discours complotiste qui n'est pas sans rappeler celui du 11-Septembre.

Tiktok n'est pas épargné

Si Twitter a été envahi par la diffusion de fausses informations, d'autres plateformes comme Tiktok ne sont pas en reste. Sur le réseau social chinois, prisé par les plus jeunes, une vidéo francophone aux relents complotistes cumule désormais plus d'un million de vues. Il s'agit d'une des séquences les plus vues sur le sujet au cours du week-end.

Une autre vidéo sur la plateforme chinoise, visionnée des centaines de milliers de fois, comparait les juifs "à des cafards", avant de finalement être supprimée, suite à un signalement.

Raphaël Grably et Thomas Leroy