TOUT COMPRENDRE - Pourquoi les algorithmes de recommandation des réseaux sociaux posent problème

L'expérience des utilisateurs sur les réseaux sociaux est en majeure partie définie par les algorithmes de recommandation, propres à chaque entreprise. Entre contenus polémiques, valorisation du "buzz" et manque de transparence, ces lignes de code sont régulièrement critiquées.

Au coeur des problématiques des réseaux sociaux se trouvent les algorithmes de recommandation. Indispensables dans leur fonctionnement actuel, ces lignes de code informatique sont -en partie- responsables des polémiques liées aux contenus mis en avant sur les différentes plateformes, que ce soit Facebook, Twitter ou encore TikTok.

· Qu'est-ce qu'un algorithme de recommandation?

L'algorithme de recommandation fonctionne de manière à proposer les contenus les plus pertinents aux utilisateurs, selon des critères définis par les réseaux sociaux qui les emploient. Ce sont des intelligences artificielles. Ils sont définis pour faire apparaître les publications qui suscitent le plus d'engagement, en fonction des goûts - supposés - de l'utilisateur.

Pour les plateformes, l'efficacité de l'algorithme de recommandation est déterminante: c'est lui qui incitera les internautes à passer du temps à faire défiler les contenus sur leur smartphone ou leur ordinateur, et donc à regarder davantage de publicité.

· Quels problèmes posent ces algorithmes?

Depuis le lancement de Facebook en 2006, son algorithme de recommandation a subi de multiples refontes, pour l'adapter aux modes de consommation des utilisateurs. Aujourd'hui, il est reproché à l'entreprise d'avoir misé sur le "buzz" au détriment de publications et articles de qualité.

Pourtant, de nouveau modifié en 2018, l'algorithme a eu pour vocation de promouvoir davantage de contenus partagés par les cercles d'amis proches ou la famille. Or, ce fonctionnement n'a pas eu l'effet escompté, orientant les utilisateurs vers des publications populaires à caractère politique, souvent issues de milieux extrêmes.

L'entreprise de Mark Zuckerberg n'est pas la seule à faire l'objet de reproches. En juillet, une vidéo du Wall Street Journal a mis en évidence les dérives de l'application chinoise TikTok. Sa programmation algorithmique enferme les utilisateurs dans des bulles de filtres, les poussant à consommer des contenus de plus en plus extrêmes sur un sujet. Une personne regardant beaucoup de vidéos sur le chagrin d'amour se voyait ainsi peu à peu proposer des vidéos sur le thème de la dépression ou du suicide.

Du côté de YouTube, une étude produite par la fondation Mozilla a démontré, en juillet 2021, que 71% des contenus jugés "nuisibles" pour les utilisateurs proviennent directement de l'algorithme de recommandation.

Récemment, les ingénieurs de Twitter ont publié un rapport sur leur algorithme. Ils y ont expliqué que celui-ci avait une forte tendance à valoriser les contenus émergeants des personnalités politiques de droite plutôt que de gauche.

· Pourquoi ces algorithmes ne peuvent-ils pas être mieux encadrés?

La situation chez Twitter est d'autant plus étonnante que les chercheurs à l'origine du rapport ont affirmé ne pas en connaître les causes réelles. Ce n'est pas un cas isolé. Ce 26 octobre, un nouveau document interne paru dans le cadre des "Facebook Papers" fait état d'une incompréhension générale du comportement des algorithmes par leurs concepteurs au sein du réseau social.

Les nombreux critères ajoutés au fur et à mesure, et le très grand nombre de données à traiter, couplés à des intelligences artificielles que les ingénieurs ne maîtrisent pas encore complètement: voici les raisons qui semblent avoir mené à cette situation, à croire les témoignages des différents employés.

D'autre part, il faut souligner que les algorithmes ne fonctionnent pas de la même manière selon les pays - ou plutôt les langues dans lesquelles ils sont configurés. Tant de paramètres qui les rendent difficilement contrôlables.

· Une régulation de ces algorithmes est-elle prévue?

Si les algorithmes relèvent du secret industriel pour les réseaux sociaux, les régulateurs américains et européens songent désormais à imposer des audits externes. La future législation sur les services numériques, actuellement en discussion à la Commission européenne, a pour vocation de mieux les encadrer.

Parmi les changements annoncés figure l'ajout de "mesures de transparence de large portée pour les plateformes en ligne, y compris en ce qui concerne les algorithmes de recommandation". De même, "les chercheurs auront accès aux données des principales plateformes, afin de pouvoir examiner leur mode de fonctionnement", précise le site de l'institution.

· Peut-on désactiver les algorithmes de recommandation?

A ce jour, Twitter est le seul réseau social à proposer de désactiver totalement et dans la durée l'algorithme de recommandation, en proposant un affichage chronologique, qui peut être activé en un clic.

Sur Facebook, un mode d'apparition chronologique est de nouveau disponible depuis quelques mois. Mais il est difficilement accessible et doit être activé à chaque connexion. Auprès de BFMTV, Facebook n'a pas souhaité communiquer le nombre d'utilisateurs utilisant ce mode d'affichage.

Victoria Beurnez