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TOUT COMPRENDRE - Pourquoi des compagnies aériennes se battent contre la 5G

Plusieurs compagnies américaines luttent contre l’implantation d’antennes-relais 5G à proximité des aéroports. Elles affirment craindre des interférences avec le matériel de navigation.

Ils vont jusqu’à parler de “chaos”. Ce 17 janvier, les dirigeants de dix compagnies aériennes américaines mettaient en garde contre le déploiement de la 5G autour des aéroports, prévu ce 19 janvier. Leur crainte: que les altimètres des avions en approche soient brouillés par les fréquences des antennes-relais, avec des risques pour la sécurité des passagers. Ces appareils sont en effet indispensables pour déterminer l’altitude en cas de faible visibilité.

Face à la menace des compagnies d’annuler des centaines de vols devant rejoindre des aéroports désormais entourés d’antennes 5G, les opérateurs AT&T et Verizon ont finalement accepté de reporter ce déploiement de six mois. Retour sur une polémique technique, qui pourrait également être politique et financière.

• Comment fonctionne la 5G?

La 5G s’appuie sur des bandes de fréquences plus larges que celles de la 4G. Pour comprendre son fonctionnement, il est possible de comparer ces bandes de fréquences à des autoroutes plus larges, pouvant laisser transiter davantage d'informations.

En France, les principales bandes de fréquences de la 5G, réparties entre les quatre opérateurs après un système d’enchères, oscillent entre 3,4 et 3,8 GHz. En reprenant l’analogie ci-dessus, ces derniers ont ainsi acheté des voies de cette autoroute pour y faire transiter le plus rapidement possible les données de leurs abonnés.

Le choix de ces bandes de fréquences a été âprement discuté pour respecter la frontière avec les autres fréquences, utilisées dans bien d’autres domaines, et ainsi éviter toute interférence. Sur le site de l’Agence nationale des fréquences (ANFR), une frise interactive permet d’observer l’ensemble de ces usages.

• Quel lien entre la 5G et les altimètres?

Toute la polémique des effets de la 5G sur les altimètres des avions pourrait s'apparenter à une querelle de voisinage. Aux Etats-Unis, les bandes principales de la 5G sont légèrement plus élevées qu’en France, oscillant entre 3,7 et 3,98 GHz. Dans le même temps, les altimètres des avions fonctionnent sur des bandes de fréquences de 4,2 à 4,4 GHz. Les deux systèmes mobilisent donc des fréquences très proches, laissant craindre des interférences.

• Que craignent les compagnies aériennes?

Avant les débuts de la 5G, plusieurs institutions ont évoqué des craintes d’interférences entre ces nouvelles antennes-relais et les altimètres des avions. Parmi elles, la Federal Aviation Administration (FAA), le régulateur américain de l’aviation civile, qui évoque depuis plusieurs semaines des risques potentiels en raison de la proximité entre les fréquences des antennes 5G et des altimètres.

Concrètement, la crainte concerne un éventuel “aveuglement” de ces systèmes de navigation par les antennes-relais, en raison de leur puissance d’émission, si leur faisceau venait à se diriger vers un avion en phase d’atterrissage. Avec à la clé le risque, dans de mauvaises conditions météorologiques, de brouiller la mesure d’altitude communiquée aux pilotes.

• Le risque est-il réel?

Face à ces alertes, certains spécialistes du domaine sont dubitatifs, du moins concernant la façon dont il est présenté. Tandis que les risques évoqués par la FAA sont théoriques, de nombreux pays ont effectué des tests en conditions réelles.

“Nous avons testé les principaux altimètres, sans avoir rencontré le moindre problème. Avant le déploiement de la 5G en France, fin 2020, nous avons travaillé de concert avec les opérateurs, les acteurs industriels de l’aéronautique comme Airbus ou Thalès, ou encore la direction générale de l'Aviation civile (DGAC)” précise Gilles Brégant, directeur de l’ANFR, à BFMTV. “Le problème vient du fait que certains altimètres sont de moins bonne facture que d’autres et peuvent être éblouis par des antennes émettant sur des fréquences qui ne sont pas les leurs” ajoute-t-il.

Pour éviter tout risque, les opérateurs français ont accepté de déployer des antennes-relais qui ne sont pas orientées vers le ciel lorsqu’elles sont situées près des pistes d’atterrissage en France, et de réduire au besoin leur puissance, à la suite d'échanges avec l'ANFR et la DGAC.

“Pour donner une analogie, c’est comme si l’on assimilait les antennes-relais à des phares, passant d’un fonctionnement en pleins phares à un fonctionnement en feux de croisement à l’approche des avions” résume Gilles Brégant, qui rappelle qu’aucun incident n’a été constaté dans les quelque 40 pays qui ont déjà déployé la 5G.

Interrogé par BFMTV, Air France confirme qu’aucun problème à ce niveau n’est à signaler.

“À ce stade, aucun événement de perturbation par la technologie 5G du bon fonctionnement des radioaltimètres n’a été rapporté à la DGAC par les opérateurs français. Cette question est également abordée au niveau européen et la France se coordonne étroitement avec l'Agence de sécurité aérienne de l'Union européenne (AESA)” précise de son côté la DGAC.

Dans les prochaines semaines, un dispositif adapté aux aéroports et inspiré de ce qui est fait en France ou en Europe pourrait être mis en place aux Etats-Unis. Sur son site, la FAA évoque par ailleurs la nécessité de mieux contrôler les altimètres, afin qu’ils ne captent que les fréquences qui leur sont allouées. Les autorités américaines vont ainsi approuver chaque modèle d’altimètre, afin de s’assurer que l’équipage et les passagers des vols américains ne courent aucun risque.

Comme le rappelle le site américain Forbes, cette polémique pourrait aussi être consécutive à des querelles entre la FAA et la FCC, le régulateur américain des télécommunications, et à une pression des géants de l’aéronautique, peu enclins à investir massivement pour moderniser les systèmes de navigation.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co