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Tiktok: au Népal, des utilisateurs réclament le retour du réseau social

Accusé de nuire à "l'harmonie sociale" du pays, le réseau social est interdit depuis novembre 2023.

L'interdiction de l'application chinoise Tiktok, annoncée au Népal en novembre dernier, a suscité une vive opposition parmi ses usagers dont celle de l'avocat Sunil Rajan Singh, qui conteste la décision devant la Cour suprême. "La décision du gouvernement va à l'encontre de la liberté d'expression garantie par la constitution du Népal", a déclaré à l'AFP l'avocat.

Au Népal, l'application a servi notamment à mobiliser des manifestations antigouvernementales. "Sur Tiktok, le public peut être informé de la corruption, des détournements financiers et autres activités immorales des dirigeants", ajoute-t-il.

En effet, le ministre népalais des Communications a justifié la décision d'interdire la plateforme en novembre 2023 en l'accusant de diffuser des contenus nuisant à "l'harmonie sociale" de la république himalayenne.

2.2 millions d'utilisateurs au Népal

Tiktok est l'une des applications les plus populaires de la planète avec plus d'un milliard d'utilisateurs. Sa croissance exponentielle offre une audience phénoménale aux célébrités, créateurs de contenu, séduits par ses fonctionnalités d'édition et son algorithme basé sur l'intelligence artificielle (IA).

Mais l'application est aussi accusée de diffuser de la désinformation, et les liens présumés de ByteDance, maison mère de Tiktok, avec le gouvernement chinois inquiètent. La semaine dernière, les États-Unis ont adopté un texte qui oblige ByteDance à céder son application dans un délai de douze mois, sous peine d'interdiction sur le territoire américain.

Le recours de Sunil Rajan Singh devant la Cour suprême doit être examiné la semaine prochaine mais elle ne devrait pas se prononcer avant plusieurs semaines ou mois. Mais l'enjeu pour les 2,2 millions d'utilisateurs de Tiktok au Népal, n'est pas seulement la défense de la liberté d'expression, il est aussi d'ordre économique. Sangma Bomjan, 28 ans, dont le mari a perdu son emploi pendant la pandémie de Covid-19, a alors lancé un commerce de vêtements d'occasion pour enfants sur TikTok et sauvé son foyer de la misère.

"Nous étions inquiets, mais Tiktok nous a donné de l'espoir", confie-t-elle à l'AFP. Les commandes affluaient au point que le couple devait travailler même la nuit pour honorer les livraisons à travers le pays. Mais il gagnait quelque 1.800 euros par mois. Alors Mme Bomjan a eu recours à VPN pour contourner le blocage sur Tiktok imposé par les fournisseurs de services internet locaux et continuer à y diffuser les vidéos nécessaires à la bonne marche de son commerce.

Un chiffre d’affaires divisé par deux

Mais son chiffre d'affaires a été divisé par deux, faute d'audience népalaise. "Mes clients dans les zones reculées (...) ne savent pas utiliser les VPN", dit-il. L'effondrement de ses revenus a incité son mari à partir travailler en Corée du Sud, pour subvenir aux besoins de sa femme et leurs deux enfants.

Selon des employés du secteur, l'interdiction de Tiktok au Népal a torpillé un marché appelé à croître rapidement et estimé à plus de 4,6 millions d'euros par an pour les annonceurs et les créateurs de contenu.

Après avoir ouvert un compte sur Tiktok en 2018, les sœurs jumelles Prisma et Princy Khatiwada comptaient près de huit millions d'abonnés qui visionnaient leurs vidéos de danse synchronisée. Cette notoriété leur a valu des accords de parrainage et des contrats de mannequinat dans des vidéoclips et des publicités.

Les jumelles continuent de diffuser leurs vidéos qui ne comptabilisent que quelques dizaines de milliers de visionnages en moyenne, une chute drastique en comparaison de leur record battu à 70 millions avant l'interdiction de l'application.

"Là où nous en sommes aujourd'hui c'est grâce à TikTok (...), tant de gens gagnaient de l'argent et bénéficiaient d'opportunités", souligne Prisma à l'AFP, "nous espérons la levée de l'interdiction."
Salomé Ferraris