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Suicide d'une ado: quelle est la responsabilité pénale de TikTok?

Une plainte a été déposée ce mois-ci contre le réseau social après le suicide d'une jeune fille en 2021.

TikTok devra-t-il répondre devant la justice française? Une plainte a été déposée ce mois-ci par les parents de Marie, une adolescente de 15 ans harcelée, qui s'est donnée la mort à Cassis en septembre 2021.

En cause, l'algorithme du réseau social chinois accusé d'avoir accentué le mal-être de la jeune fille. Cette dernière avait publié une vidéo sur la plateforme pour raconter le harcèlement qu'elle subissait. Selon les parents, l'algortihme de TikTok aurait alors proposé automatiquement d'autres vidéos similaires, accentuant le sentiment de malheur de la jeune fille.

Ils ont donc porté plainte au pénal pour "provocation au suicide", "non-assistance à personne en péril" et "propagande ou publicité des moyens de se donner la mort". Cette plainte contre TikTok a-t-elle une chance d'aboutir? En réalité, elles sont minces, concernant les réseaux sociaux.

"L'intermédiaire technique n'est pas responsable pénalement, y compris en tant que complice" explique à Tech&Co l’avocat spécialisé en droit du numérique Alexandre Archambault.

En clair, à ses yeux, la responsabilité est à chercher auprès des cyberharceleurs et du non du côté de l'outil dont ils se servent.

Décisions contraires

En matière de modération, les réseaux sociaux ont l'obligation de retirer les contenus "manifestement illicites" comme l'apologie des crimes contre l'humanité, l'incitation à la haine raciale, la pornographie enfantine ou encore l'incitation à la violence, la haine.

En l'occurrence, la vidéo où Marie évoquait son mal-être n'avait donc pas vocation à être modérée par TikTok. L'algorithme de recommandation, qui lui aurait diffusé des vidéos susceptibles de l'inciter au suicide, est-il alors en cause? Là encore, ce sera difficile à démontrer, explique Alexandre Archambault même si, pour le moment, aucune décision de justice dans l'Union européenne n'est venue statuer sur ce sujet spécifique.

Aux yeux de l'avocat, le statut d'hébergeur est toujours susceptible de protéger les plateformes, qui n'ont que rarement été considérées comme pénalement responsables des contenus diffusés par les utilisateurs, quand bien même leurs systèmes de recommandation décident de les diffuser aux utilisateurs ou non.

Au Royaume-Uni, des parents ont toutefois fait condamner Instagram et Pinterest, qui ont été reconnus en partie responsables du suicide d'une adolescente de 14 ans en 2017, Molly Russel.

Le secret des messageries

Une décision contraire a été observée aux Etats-Unis, où une décision de la Cour suprême américaine, questionnée sur le rôle de l'algorithme de Twitter dans le cadre des attentats du 13-Novembre, a statué sur l'absence de responsabilité de la plateforme.

"Le fait que des mauvais acteurs profitent de ces plateformes ne suffit pas à assurer que les accusés ont consciemment apporté une aide substantielle" ont affirmé les juges américains.

Dans le cadre du cyberharcèlement, le principal problème reste qu'il se déroule souvent à travers des messages privés, que ce soit les messageries des réseaux sociaux ou WhatsApp.

Là encore, les plateformes ne risquent pas grand-chose sur le plan pénal car la jurisprudence est aussi claire sur ce sujet: une messagerie instantanée est une correspondance privée. Les réseaux sociaux n'ont donc pas à opérer une modération sur les échanges.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business