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Qu’est-ce que l’effet "terrier de lapin", qui pousse l’UE à menacer Tiktok?

La Commission européenne s’inquiète de la tendance du réseau social à enfermer ses jeunes utilisateurs dans des "terriers de lapin" avec son algorithme de recommandation.

Soupçonnant Tiktok de mal protéger les mineurs sur son réseau social, Bruxelles a annoncé lundi l’ouverture d’une enquête. Elle permettra de vérifier si la plateforme chinoise enfreint le règlement sur les services numériques (DSA), entré pleinement en vigueur ce 17 février.

Comme le rappelle Thierry Breton, commissaire européen, sur Twitter (X), la procédure se concentrera notamment sur la conception du système de Tiktok, à commencer par ses algorithmes. Ces derniers sont ainsi susceptibles de "stimuler des dépendances comportementales et/ou créer des 'effets de terrier de lapin'", selon les termes évoqués par la Commission européenne dans un communiqué.

Un terme qui fait référence à l'enfermement des utilisateurs - souvent jeunes - mis en place par l'application, afin de maximiser le temps qu'ils y passent. Le tout en accentuant considérablement la part des vidéos jugées adaptées à leurs intérêts, par l'algorithme.

Plus extrême que les "bulles de filtre"

Cette expression est en effet employée pour désigner la tendance du réseau social à enfermer ses jeunes utilisateurs dans des univers virtuels en leur recommandant des vidéos autour d’un seul et même intérêt. Un phénomène plus extrême que les "bulles de filtre" des autres réseaux sociaux, qui a déjà été pointé du doigt dans des études. Après avoir proposé une première série de vidéos à un utilisateur, Tiktok détermine rapidement ses intérêts en fonction de son engagement sur celles-ci et s’affine de plus en plus.

Autrement dit, une fois que l’algorithme de la plateforme connaît les intérêts de l’utilisateur, il lui recommande des vidéos toujours plus spécifiques, même si elles sont moins populaires, l’enfermant ainsi dans un microcosme autour d’un seul et même intérêt, ou d'une poignée d'intérêts: ce qui pousse les experts à nommer le phénomène “terrier de lapin”.

A la différence des autres plateformes, qui intègrent malgré tout un "tronc commun" de contenus, Tiktok va utiliser chaque seconde de visionnage, ainsi que le comportement de l'internaute face à une séquence, pour "améliorer" ses recommandations. Avec le risque de provoquer un isolement toujours plus important.

Risques pour la santé mentale

Si les utilisateurs s’intéressent à des sujets inoffensifs, comme les animaux ou la danse, sur l’application, ils peuvent aussi y trouver des vidéos relatives à la santé mentale, le réseau social se présentant parfois comme un lieu de soutien ou de partage pour les personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire ou d’autres affections mentales.

Mais, en regardant ce type de contenus, ils indiquent à l’algorithme qu’ils s’y intéressent et finissent par se voir principalement proposer des vidéos sur des thématiques liées à ces sujets.

En 2021, le Wall Street Journal a par exemple créé un faux compte sur Tiktok programmé pour regarder des vidéos associées à la dépression et à la tristesse. Après seulement 36 minutes de visionnage par le profil, 93% des contenus recommandés par l’application concernaient la dépression. Fin 2023, l’ONG Amnesty International a aussi mis en lumière ce problème. Avec à chaque fois le risque d'accentuer les difficultés mentales des utilisateurs les plus jeunes et les plus fragiles.

Bruxelles estime "qu’une telle évaluation est nécessaire pour contrer les risques potentiels pour l’exercice du droit fondamental au bien-être physique et mental de la personne, au respect des droits de l’enfance ainsi qu’à son incidence sur les processus de radicalisation”.

A l'issue de son enquête, la Commission pourrait sanctionner Tiktok d’une amende allant jusqu’à 6% de son chiffre d’affaires annuel mondial et prendre d’autres mesures à l’encontre du réseau social.

Kesso Diallo