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Pourquoi le gouvernement n'intègre pas de photo au pass sanitaire pour lutter contre la fraude

Face à des contraintes techniques, mais aussi à des considérations pratiques, l'exécutif ne semble pas disposé à enrichir le pass sanitaire d'une photo de son détenteur.

Début janvier, le gouvernement dénombrait 200.000 faux pass sanitaires. Un chiffre lié à des QR Codes générés à l'aide du compte d'un professionnel de santé (complice ou victime d'un piratage), qui ne tient pas compte d'une fraude bien difficile à estimer: l'utilisation du QR Code d'un proche pour accéder à un bar ou à un restaurant.

Pour éviter un contrôle d'identité par les restaurateurs (supprimé par le Sénat mais qui pourrait être rétabli par l'Assemblée nationale), certains élus réclament l'intégration d'une photo au pass sanitaire, bientôt transformé en pass vaccinal.

Dans les faits, le portrait du détenteur légitime du pass sanitaire apparaitrait automatiquement sur les applications de contrôle, comme TousAntiCovid Verif.

Problème d'interopérabilité

Interrogé par BFMTV, le cabinet du secrétaire d'Etat au numérique Cédric O balaie pour l'heure cette hypothèse. Pour des raisons techniques, tout d'abord, en raison du format choisit par le gouvernement, conçu pour fonctionner dans de nombreux pays, dont les pays européens.

"Plusieurs impacts ont été identifiés dans la mise en place de ce dispositif, notamment en termes de comptabilité avec le cadre européen. Le cadre d’interopérabilité européen DCC (le format du pass sanitaire européen, ndlr) ne permet pas d’intégrer une photo de la personne dans le pass sanitaire, ce cadre est utilisé par plus de 60 Etats à date" précise l'équipe de Cédric O.

Autre limite évoquée: le fait que l'Assurance maladie ne dispose pas de photo d'identité de l'ensemble des assurés. Ce qui impliquerait de nouvelles démarches en laboratoire ou en centre de vaccination, pour ceux qui devraient alors fournir le document.

Mauvais choix de norme?

Auprès du site spécialisé Next INpact, le député MoDem Philippe Latombe critique toutefois le choix de l'éxécutif, estimant que la technologie utilisée pour créer les QR Codes du pass sanitaire (la norme 101), trop rigide, ne permet pas d'ajouter de nouvelles informations (comme une photo) a posteriori, contrairement à des normes plus évoluées comme la norme 105.

"On aurait pu le faire depuis le début. Le problème est que la norme 101 est celle utilisée par l’Imprimerie nationale (désormais baptisée IN Groupe, ndlr) dans le cadre de la carte d’identité. Or, elle est en retard. Elle ne maitrise pas cette norme 105 et le gouvernement lui fait confiance" déplore Philippe Latombe.

Interrogée sur le sujet par BFMTV, IN Groupe n'a pas souhaité répondre, précisant toutefois n'être en charge que de l'application TousAntiCovid Verif, utilisée pour scanner les QR Codes. De son côté, l'équipe de Cédric O précise qu'un tel choix impliquerait de revenir en profondeur sur le fonctionnement de TousAntiCovid.

L'hypothèse d'une solution à deux QR Codes (l'un pour la France, avec photo, aux côtés du pass sanitaire européen actuel) est également balayée, en raison de difficultés d'utilisation et de coûts supplémentaires.

Parallèlement à ces questions techniques, le cabinet du secrétaire d'Etat au numérique avance que la fraude au pass sanitaire consistant à utiliser le QR Code d'un proche est "amenée à se réduire" en raison de la part toujours plus importante de vaccinés parmi les Français.

Le gouvernement assure par ailleurs que la fraude consistant à générer un faux pass sanitaire est "la plus constatée à ce jour". Une situation dans laquelle l'ajout d'une photo d'identité ne serait d'aucune utilité: ces faux pass sanitaires étant générés par les canaux officiels, le cliché serait intégré automatiquement au document.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co