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"Mon espace santé": le gouvernement active le dossier médical numérique pour tous les Français

Une carte Vitale.

Une carte Vitale. - Philippe Huguen - AFP

Le gouvernement s'apprête à déployer un service censé regrouper l'ensemble des données médicales des assurés. Il sera activé automatiquement.

Ce 3 février 2022 marquera les débuts de "Mon espace santé", un nouveau service public numérique intégrant le dossier médical informatisé que les gouvernements échouent à imposer depuis 15 ans, et qui sera désormais créé automatiquement pour chaque assuré. Son lancement a été retardé d'un mois, à cause de la cinquième vague de Covid-19.

Dans un communiqué de presse, le ministère de la Santé et des Solidarités parle d'une "nouvelle révolution" du système de santé, comparable au déploiement de la carte Vitale il y a un quart de siècle.

Stocker les données "en sécurité"

Ce service public doit permettre à "tous les Français de stocker et d'accéder à leurs données de santé en toute confidentialité", précise l'Assurance maladie. Il est pour l'instant disponible sous la forme d'un site web, en attendant l'application pour smartphones.

Ordonnances, comptes rendus d'hospitalisation, ou encore résultats d'analyses: tous les documents médicaux ont vocation à s'y retrouver, à l'initiative des soignants ou de l'assuré lui-même, qui pourra également renseigner ses vaccins, allergies et traitements en cours.

Chacun disposera d'une messagerie sécurisée pour échanger des informations avec ses professionnels de santé, et d'un agenda pour gérer ses rendez-vous médicaux. Des services de base, qui seront complétés par un "catalogue" d'applications référencées par les pouvoirs publics, par exemple pour le suivi de maladies chroniques, la téléconsultation ou la prévention.

Refus possible

La "révolution" sera rapide: d'ici l'été, les quelque 68 millions de Français, enfants compris, se verront automatiquement dotés de cet "espace santé". Il est toutefois possible d'en refuser la création: une option de retrait est proposée directement sur le site.

Il faudra pour cela utiliser un "code provisoire" reçu par mail ou par courrier, valable seulement six semaines. Passé ce délai, il sera toujours possible pour un patient de clôturer son "espace santé", mais ses données resteront archivées dix ans par l'Assurance maladie.

Cette logique dite "d'opt-out", ("option de retrait", en français) tranche avec ce qui avait été fait pour le dossier médical partagé (DMP, désormais intégré à "Mon espace santé"), qui était basé sur l'adhésion volontaire. Le compteur s'est toutefois arrêté à 10 millions de DMP créés mi-2021, loin de l'objectif de 40 millions d'ici 2023, affiché par l'exécutif au début du quinquennat.

Après quinze ans de ratés et de relances à répétition, "il fallait quelques actions volontaristes", affirme auprès de l'AFP le président de France Assos Santé, Gérard Raymond, partisan de cette "forme de responsabilisation des citoyens".

Sa fédération d'associations de patients insiste toutefois sur "l'accompagnement de proximité des usagers", en particulier ceux qui risquent de "se retrouver en difficulté face aux outils numériques": personnes agées, en situation de précarité, isolées, en situation de handicap, ou encore les migrants.

"Passage en force"

Une phase pilote a été menée l'an dernier, au coeur de l'été, dans trois départements: la Haute-Garonne, la Loire-Atlantique, et l'Oise. Son résultat témoigne de la nécessité d'un effort de communication des autorités: dans les trois départements, on dénombre moins de 0,7% de refus, sur 3,3 millions d'assurés.

Un score qui atteste d'un "passage en force" et d'une "négation du droit des patients sur le consentement libre et éclairé", s'offusque le Syndicat de la médecine générale (SMG), très minoritaire dans la profession.

Malgré sa généralisation programmée, "Mon espace santé" n'est pas à l'abri d'un nouveau fiasco, si les dossiers créés demeurent des coquilles vides à l'abandon. Installé près de Toulouse, le Dr Jean-Louis Bensoussan l'a "très peu utilisé" pendant l'expérimentation.

D'ailleurs "aucun patient ne me l'a proposé", ajoute le secrétaire général de MG France (principale organisation chez les généralistes libéraux), qui dit avoir reçu "très peu d'informations" sur cet outil dont il "n'a pas forcément besoin". Le plus dur reste à faire.

Victoria Beurnez avec AFP