"J'ai été happé dès les premières secondes": qu'est-ce qui fascine tant les joueurs de PowerWash Simulator?

Plusieurs jeux de simulation proposent à leurs utilisateurs de nettoyer voitures ou maisons. Une activité décrite comme satisfaisante et relaxante par les joueurs, qui en redemandent.

Passer des heures à nettoyer et astiquer différents types d’objets de manière virtuelle serait-il devenu le meilleur moyen de se détendre? C’est en tout cas ce qui semble se dessiner quand on voit l’attrait généré par le jeu PowerWash Simulator depuis sa sortie en juillet 2022.

Des centaines de milliers de joueurs ont développé une véritable passion pour ce jeu de simulation, où le nettoyeur haute pression est l'arme ultime pour venir à bout de la crasse la plus tenace. Sur la plateforme Steam, 97% des plus de 31.000 évaluations du jeu se sont révélées "extrêmement positives". Le jeu est en effet une manière pour beaucoup de compléter les jeux vidéo classiques, souvent plus stressants.

"Il y a quelque chose de magnétique avec ce jeu"

A entendre les joueurs de PowerWash Simulator, ce jeu aurait toutes les vertus du monde. Presque à en manquer de superlatifs: "magnétique", "satisfaisant" (mot qui revient le plus souvent) ou encore "reposant" sont sur toutes les lèvres quand on demande des qualificatifs pour définir le jeu.

Un jeu que beaucoup ont découvert un peu par hasard, sur la plateforme Steam, avec le Game Pass de Xbox ou via des parties en direct de streameurs. "J’ai toujours été fan des jeux de gestion. Tout ce qui peut se gérer dans le monde (zoo, hôpital, équipe de foot), je l’ai fait grâce aux jeux vidéo. Mais les jeux dits satisfaisants où il faut ranger, nettoyer ou trier, c’est plus récent. C’est venu avec la trentaine je crois", confie par exemple Baptiste, qui a en partie découvert le jeu avec les tests du streameur Mynthos.

Passer son après-midi à nettoyer des toboggans est possible grâce à PowerWash Simulator © Square Enix

Alex est également rentré dans le cycle de lavage après de multiples recommandations de connaissances: "J’ai tout de suite compris pourquoi le titre a eu autant de succès. Il y a quelque chose de magnétique avec ce jeu. Evidemment, c'est très reposant comparé à la grande majorité des jeux actuels (si on exclut la scène indépendante)", explique le jeune homme en formation de communication. "Je suis de base un grand amateur de vidéos satisfaisantes. PowerWash Simulator m'a donc fourni tout ce que j'aimais. Couplé à ma nature perfectionniste dans le rangement et les petits détails de la vie quotidienne, j'ai été happé dès les premières secondes."

Et d'après Yann Leroux, psychologue et psychiatre spécialiste des jeux vidéo, le succès de ce type de jeux de simulation s'explique assez facilement: "Ce sont des jeux qui permettent de satisfaire le besoin de compétences. Vous avez une tâche à accomplir avec un objectif final: rendre les choses plus proches qu’elles ne l’étaient."

"Pendant la partie vous avez un indicateur qui vous montre que vous êtes dans la bonne direction, que vous êtes en train de progresser, ça vous renforce dans l’idée que ce que vous faites a du sens, a de l’importance. Ce sont des besoins psychologiques fondamentaux", précise le psychologue.

Satisfaction visuelle...

Ce qui fait le charme de PowerWash Simulator, c’est ainsi son fonctionnement basé sur les missions et les défis, avec un game design presque cartoonesque, pas forcément fidèle à la réalité d’un point de vue graphique, mais qui procure sa petite satisfaction dès que le métal ou le plastique brillent enfin. Le jeu offre également des gimmicks sonores à chaque tâche enlevée et un timelapse en fin de partie qui retrace l'épopée de nettoyage.

Une satisfaction visuelle et sonore qui a séduit Marc, employé dans une conciergerie: "J’aime que PowerWash Simulator soit plus un jeu qu’un vrai simulateur car quand c’est le cas, cela peut devenir moins stimulant, je joue avant tout pour m’amuser."

"C’est l’archétype du bon jeu vidéo: reproduire le quotidien en trouvant la mécanique la plus satisfaisante. C’est un jeu vidéo avec un grand J", s’emballe même Marc.

Alex a également sa petite idée pour expliquer le succès du jeu vidéo: "Inconsciemment, la période estivale à laquelle est sortie le jeu a peut-être ajouté sa pierre à l’édifice. Tous ces jets d’eau à haute pression ont sans doute permis aux gens de combattre la chaleur à leur manière."

... et cerveau apaisé

Plus pragmatique, Baptiste confie de son côté que ce type de jeux offre surtout une belle complémentarité avec les jeux vidéo classiques. Car avec PowerWash Simulator, "il y a certes des objectifs, mais pas de chrono, pas de stress, pas de boss durs à battre ou quoi que ce soit de potentiellement négatif. On ne peut pas échouer, pas mourir ni même être en difficulté." Le mode carrière n'impose en effet aucune limite de temps et laisse au joueur toute la liberté de nettoyer pendant des heures (les joueurs que nous avons interrogé avouent avoir passé plus d'une cinquantaine d'heures chacun).

Yann Leroux insiste également sur cet aspect évolutif et non contraignant du jeu: "Le jeu est conçu pour ne pas vous donner des tâches trop simples sinon cela vous ennuierait, ni des tâches trop compliquées car ça vous ennuierait d’une autre manière. Ça nuierait à votre sentiment de compétences et à l’estime que vous avez de vous-même. Vous êtes dans un flux constant qui génère bien-être et plaisir."

Les bienfaits des jeux de vidéo de nettoyage seraient d'ailleurs les mêmes que ceux générés par l'ASMR. Arthur Trognon, neuropsychologue, évoque d'ailleurs un "état de plénitude méditatif" lorsque l'on regarde des vidéos de nettoyage.

Et si le côté relaxant du jeu ressort régulièrement, l’attrait vers PowerWash Simulator est parfois plus surprenant. N’étant pourtant pas un extrême maniaque, Baptiste avoue que cette passion du nettoyage n’est pas née avec les jeux vidéo mais bien avant, avec son ancien métier de directeur de crèche. Mais le jeu vidéo a toutefois pu susciter des vocations… et des névroses.

"Je n’ai jamais eu l’occasion de tester l’utilisation d’un vrai nettoyeur haute pression mais j’avoue que depuis le jeu, j’en rêve secrètement", s’amuse Baptiste.

"Pendant le jeu, je prends mon temps, mais je déteste ne pas terminer complètement un niveau avant de quitter le jeu. J’ai l’impression de laisser du sale dans mon ordinateur", poursuit-il.

Et si cet essor des jeux de nettoyage, mais également des vidéos virales sur les réseaux sociaux du même type, reflétait notre société? C'est l'une des hypothèses de Yann Leroux qui aimerait analyser les grands thèmes de contenus qui sont tendance sur les réseaux sociaux et qui agitent la société et reflètent cette dernière.

"Les vidéos où on voit des presses hydrauliques écraser des objets, un temps tendances, est-ce que cela reflète la compression sociale dans laquelle on est? Les vidéos de nettoyage, est-ce que ça dit quelque chose d’un imaginaire de la saleté qu’il y aurait à nettoyer dans notre société? Et ce n’est pas forcément gai car on pense de suite aux idées des extrêmes. Mais c’est possible que cela soit un écho plus ou moins lointain", analyse le spécialiste des jeux vidéo.

Le nettoyage à la mode

Les jeux vidéo de simulation de nettoyage se sont ainsi développés ces derniers mois, avec des variantes permettant également de rénover de fond en comble des maisons (House Flipper) ou des stades (Stadium Renovator).

Le jeu House Flipper demande aux joueurs de nettoyer et rénover des maisons en ruine. © PlayWay

Des variantes un peu plus sordides sont également disponibles pour les amateurs de science-fiction ou d'horreur. Viscera Cleanup Detail vous invite à venir nettoyer des scènes de crime après une attaque extra-terrestre dans un vaisseau spatial. Les joueurs doivent alors user de leurs serpillères et seaux d'eau pour remettre au propre des salles jonchées de sang.

Et un petit nouveau devrait voir le jeu en 2023: Pool Cleaning Simulator. Ce jeu de simulation permettra aux passionnés de nettoyer de laver piscines de luxe, jacuzzis et piscines municipales. Autant dire que l'engrenage de la passion du nettoyage n'est pas prête de s'encrasser.

Julie Ragot