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Pourquoi l’annulation de l’E3, grand-messe du jeu vidéo, n’a rien de surprenant

Ce vendredi, les organisateurs du plus grand salon du jeu vidéo au monde ont annoncé l’annulation de l’E3 2023. Une décision qui n’a pas surpris grand monde.

Chaque année, c’est l’événement le plus attendu du monde vidéoludique. Pourtant, l’annulation de l’E3, le plus grand salon du jeu vidéo au monde, n’a rien de surprenant. Les organisateurs ont annoncé ce vendredi que l’édition 2023 n’aura pas lieu. Un choix qui vient confirmer le manque "d’intérêt soutenu nécessaire".

Fortement affecté par la pandémie de Covid-19, le rendez-vous ne s’était pas tenu en physique depuis juin 2019. Une édition numérique avait bien tenté de reprendre le relais en 2021, mais sans grand succès.

Une ouverture au public en 2017

En réalité, cela faisait déjà plusieurs années que la grand-messe du jeu vidéo a perdu de sa superbe. Dès l’édition 2017, le journaliste Sean Hollister (aujourd’hui chez The Verge) avait invité les joueurs à rester chez eux alors que le salon s’ouvrait pour la première fois au public. "Croyez-moi: vous feriez mieux de regarder l’événement confortablement installé dans votre canapé", écrivait-il.

Le passage d’un salon professionnel - depuis son lancement en 1995 - à un salon ouvert au public avait pourtant permis de faire exploser l’audience de l’E3, avec une affluence record en 2018 de 69.200 personnes.

Mais cette nouveauté n’a pas empêché Sony de quitter l'événement l’année suivante. Le fabricant de la PlayStation a fait l’impasse sur le rendez-vous 2019. Déjà en 2015 et 2016, Bethesda puis Electronic Arts, deux éditeurs majeurs de l'industrie, avaient décidé de tenir leur propre événement en marge de l’E3. Et ce sont bien ces défections consécutives de la part d’acteurs cruciaux qui ont eu raison du salon.

En avril 2022, les organisateurs avaient annoncé l’annulation de l’édition prévue quelques mois plus tard. Si l’espoir d’un épisode 2023 avait été conservé, un retour semblait d’ores et déjà difficile.

"Pour ces grands événements, il faut des grands sponsors. Il faut que les grandes sociétés viennent et investissent pour pouvoir permettre de rentabiliser l’événement", pointait alors Christophe Aulnette, Senior Advisor chez Apax Partners, sur le plateau de Tech&Co.

Une concurrence féroce

Ces propos de l’an dernier résument encore très justement la situation actuelle. La venue à l’édition 2023 des cadors du secteur - Sony, Microsoft, Nintendo - avait été écartée dès le mois de janvier. Mais ces derniers jours ont vu les entreprises afficher leur intention de ne pas participer au regroupement annuel du secteur. Ainsi, le japonais Sega, le chinois Tencent (groupe numéro un du marché) ou l’américain loufoque Devolver Digital ont indiqué qu’ils ne feraient pas le déplacement.

Au-delà de simplement faire l’impasse sur l’E3, l’éditeur français Ubisoft a donné rendez-vous aux joueurs le 12 juin pour une présentation de ses jeux à venir. Une première édition de cette conférence en ligne avait été tenue en septembre 2022.

C’est vers ce genre de rendez-vous plus personnalisés que les acteurs du jeu vidéo se sont tournés. D’abord, pour des raisons de restriction en pleine crise sanitaire mais ensuite pour des intérêts économiques. Nintendo a d'ailleurs organisé l’une de ces sessions Nintendo Direct la semaine dernière pour présenter en longueur le prochain Zelda attendu pour le 12 mai.

Surtout, il faut ajouter à cela la concurrence féroce d'un nouvel événement: le Summer Game Fest. Porté par le journaliste Geoff Keighley, ce rendez-vous entièrement numérique offre une visibilité de choix aux studios depuis 2020. Chaque été, des présentations majeures y sont réalisées. Cela a notamment été le cas pour les premières images de jeu d'Elden Ring en 2021 ou encore de l'annonce en 2022 d'un titre multijoueur dans l'univers de The Last of Us.

"Tous ces grands acteurs se sont rendus compte qu’ils ont pu trouver des moyens marketing de pouvoir continuer à faire connaître les jeux, à adresser leur base d’utilisateurs. Et donc finalement, la nécessité d’avoir ce moment E3, on l’a pas eu pendant deux ans, et on se dit ‘est-ce qu’on va en avoir besoin?’", analysait Christophe Aulnette en avril 2022.

La réponse à cette question semble aujourd’hui connue. Interrogés par le site spécialisé GameIndustry, les organisateurs du salon n’ont pas été en mesure d’affirmer qu’une édition 2024 serait mise en branle. Si la structure reste déterminée à offrir une plateforme sectorielle pour le marketing et la rencontre des entreprises du marché, elle estime devoir évaluer les besoins du milieu. Un milieu qui semble avoir déjà trouvé des alternatives.

Pierre Monnier