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Comment Batman a boulversé le jeu vidéo de superhéros

Avant de réaliser Suicide Squad, les développeurs de Rocksteady ont connu le succès avec la trilogie Arkham. En mettant en scène Batman, le studio avait redéfini la manière de traiter les superhéros en jeu vidéo.

Après près de dix ans d'attente, le studio Rocksteady revient sur le devant de la scène. Le studio britannique sort ce vendredi 2 février Suicide Squad: Kill the Justice League. En mettant en scène les méchants de la franchise de superhéros DC Comics, le jeu vidéo crée une attente immense.

Et pour cause. À la fin des années 2000, les développeurs de Rocksteady ont révolutionné le traitement des superhéros en jeu vidéo avec une trilogie de titres emblématiques. Car c'est ce studio qui a conçu Batman: Arkham Asylum (2009), Batman: Arkham City (2011) et Batman: Arkham Knight (2015).

Renouveler l'intérêt des joueurs

Cette série de jeux à succès - acclamés par la critique - a permis à Rocksteady de s'installer comme un spécialiste du genre. Mais surtout, le travail sur la trilogie Arkham a révolutionné la manière dont les aventures de superhéros sont adaptées manette en main.

Car dans les années 2000, les jeux de superhéros se sont souvent contentés d'accompagner des sorties de films. Principalement menées par la trilogie Spider-Man de Sam Raimi. L'homme araignée avait pourtant fait sensation avec Ultimate Spider-Man (2005). Un épisode se rapprochant beaucoup plus des comics: graphiquement d'abord, mais aussi avec un ton et un esprit davantage portés sur l'humour. Les joueurs préféreront oublier l'adaptation de X-men Origins: Wolverine (mai 2009).

Car moins de trois mois plus tard, Batman: Arkham Asylum (août 2009) mettait un grand coup de pied dans le domaine des jeux de superhéros. Dans ce scénario inédit, écrit spécifiquement pour le jeu, Batman se retrouve coincé dans l'asile d'Arkham, l'hôpital psychiatrique servant de prison pour les adversaires du héros.

Une astuce qui va avoir deux conséquences très positives. D'abord, l'intérêt du joueur est renouvelé car il peut découvrir pour la première fois librement un lieu mythique de l'univers de Batman. Mais surtout, cela ajoute de la cohérence à l'histoire en justifiant la présence de bon nombre des ennemis du héros.

Une recette gagnante

Mais ce que les joueurs retiennent, c'est la sensation d'être Batman. Car aucun jeu n'avait jusqu'alors permis une incarnation aussi fidèle du Chevalier noir. Coups de poing, coups de pieds, exécutions, même face à une foule d'assaillants, le héros s'en sort toujours. Notamment grâce à un gameplay, repris par tous depuis, permettant de taper d'une touche et d'esquiver d'une autre. Le tout au service d'un tabassage en règle.

Mais c'est également par ses phases d'infiltration que Batman: Arkham Asylum avait bluffé. Tapi dans l'ombre, le Chevalier noir pouvait éliminer ses adversaires les uns après les autres, faisant naître un sentiment d'insécurité chez les derniers survivants. Un état dans lequel leur rythme cardiaque s'accélérait et les coups de feu partaient au moindre petit bruit. Des situations jouissives quand on sait que le personnage de Batman cherche avant tout à semer la peur chez les criminels.

De plus, les développeurs n'ont pas oublié d'ajouter des gadgets propres au détective masqué. Des éléments indispensables pour résoudre des phases d'énigmes, partie intégrante des aventures du justicier. Ils permettent de faire exploser des murs, trouver des indices ou encore pirater des serrures.

Cette recette magique, Rocksteady l'a reproduite à trois reprises. Allant chaque fois un peu plus loin dans la liberté apportée aux joueurs. Dans Batman: Arkham City (2011), l'asile devient une véritable prison à ciel ouvert, offrant un terrain de jeu aussi grand qu'une ville. De quoi rendre la progression du héros encore plus immersive avec des déplacements requérant encore davantage l'usage de la cape de Batman, faisant office de paravoile pour planer dans les airs.

Le dernier opus de la trilogie se fait attendre un peu plus. Cet intervalle de quatre ans - principalement dû à une nouvelle génération de console - laisse le temps aux équipes de Warner Bros. Games Montréal d'intercaler un jeu moins marquant dans les pas de la série: Batman: Arkham Origins (2013).

Un dernier épisode un peu boudé

Jusqu'alors habitué à la Playstation 3 et la Xbox 360, Rocksteady doit désormais compter avec les Playstation 4 et Xbox One, sortie en fin d'année 2013. C'est pour cette raison que Batman: Arkham Knight n'est dévoilé qu'au mois de juin 2015. L'épisode est marqué par l'intégration de la Batmobile, le véhicule iconique du Chevalier noir.

Mais la voiture ne suffit pas à effacer les nombreux bugs présents au lancement du titre. Laissé longtemps dans un état peu attrayant, Warner - l'éditeur du jeu et détenteur des droits d'exploitation de la licence Batman - va jusqu'à proposer un remboursement aux joueurs fin 2015. Et ce, malgré quatre mois de travail pour corriger le titre.

C'est notamment pour cette raison que Batman: Arkham Knight reste le titre le moins mémorable des adaptations de Rocksteady. Il faut aussi compter avec le manque d'innovation pour renouveler l'intérêt des joueurs. Après avoir enfermé le héros dans la prison d'Arkham avant de le libérer dans une prison-ville, le dernier opus semble pâtir de sa propre évolution passée. Provoquant un long trou de près de dix ans sans publication pour le studio britannique.

Néanmoins, la trilogie reste un exemple de réussite. Aujourd'hui devenue la référence absolue des jeux de superhéros, il est possible de retrouver son héritage partout. Les différents jeux Spider-Man, conçus par Insomniac Games, sortis sur Playstation 4 et 5, reprennent ainsi le système de combat. Pourtant, la série a vu le jour en 2018, près de dix ans après Batman: Arkham Asylum.

Désormais, les regards se portent sur Suicide Squad: Kill the Justice League. Avec ce titre, Rocksteady a choisi de changer de formule. Le jeu solo laisse place à un jeu-service obligeant une connexion constante pour fonctionner. Reste à savoir si les joueurs adhéreront à ce nouveau genre. Ou si une nouvelle catastrophe - à l'image du désastre Marvel's Avengers - est inévitable.

Pierre Monnier