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Faux sondages, complotisme: la désinformation autour de la présidentielle a eu des effets limités

Image d'illustration - Un électeur tient sa carte électorale et son bulletin de vote face au buste de Marianne, dimanche 19 juin 2022, lors du second tour des élections législatives

Image d'illustration - Un électeur tient sa carte électorale et son bulletin de vote face au buste de Marianne, dimanche 19 juin 2022, lors du second tour des élections législatives - Ludovic Marin - AFP

Une étude évalue les effets des tentatives de manipulation sur les réseaux sociaux pour influencer l'élection présidentielle, et, dans une moindre mesure, les législatives.

Les tentatives de désinformation et de manipulation lors de la période électorale française en 2022 ont été nombreuses sur les réseaux sociaux mais leurs effets pour remettre en cause la sincérité du scrutin sont restés limités, selon une étude publiée ce mardi 28 juin.

Comme le précisent les auteurs, ils ont pu compter sur l'aide de plusieurs plateformes comme Twitter, YouTube ou TikTok. En revanche, Facebook et Instagram (appartenant au groupe Meta) n'ont jamais répondu à leurs sollicitations, assurent-ils à BFMTV.

"On a eu de la chance en 2022" car les contenus "problématiques" observés en ligne sont restés cantonnés à certaines "communautés", a déclaré à l'AFP Théophile Lenoir, chercheur-associé à l'Institut Montaigne et co-directeur de l'étude, à laquelle ont notamment contribué les organisations Checkfirst, l'Institut des systèmes complexes (CNRS), le centre de recherches Geode (Université Paris 8) ou l'Institute for Strategic Dialogue (ISD).

Théories importées des Etats-Unis

La mobilisation des pouvoirs publics sur les questions de désinformation, l'influence des médias traditionnels sur l'agenda médiatique et les réseaux de vérification mis en place par plusieurs médias avec des plateformes ont notamment participé à la résilience du système informationnel français, selon le rapport.

Cependant, le développement des discours qui remettent en cause la validité des sondages, le comptage des voix ou qui contestent la légitimité de la réélection d'Emmanuel Macron, inquiète les chercheurs.

Ceux-ci ont notamment repéré des théories directement importées des Etats-Unis, comme un prétendu accord secret passé entre l'Etat et la société Dominion, accusée par Donald Trump et ses soutiens d'avoir facilité des fraudes lors des élections américaines de 2020, pour fausser le résultat des votes en faveur du président sortant.

"Si ces narratifs n’ont clairement pas eu la portée et la viralité qu’ils avaient pu avoir autour du scrutin américain, ce qui s’explique également par le contexte différent autour de l’impossibilité en France de voter à distance, le mot 'Dominion' a tout de même été mentionné 45.000 fois en deux jours sur Twitter, ce qui est comparable en termes de volume à une polémique passagère mais relativement proéminente dans certaines communautés par ailleurs ultra engagées sur Twitter" précise le rapport.

Faux sondages chez Zemmour

Les chercheurs ont aussi relevé un "comportement inauthentique coordonné" concernant la campagne présidentielle d'Eric Zemmour, pour amplifier de manière artificielle de faux sondages sur les réseaux sociaux. L'entourage du candidat avait alors mis en avant les chiffres d'une obscure application baptisée Qotmii, dont les estimations se sont révélées totalement erronées par la suite.

Capture d'écran d'un compte Twitter militant pour Eric Zemmour, en 2022
Capture d'écran d'un compte Twitter militant pour Eric Zemmour, en 2022 © BFMTV

Selon le rapport, la guerre en Ukraine et la disparition des médias Russia Today et Sputnik des grandes plateformes européennes a "fragilisé l'arsenal d'influence" de la Russie, pointée du doigt pour ses ingérences dans de précédents scrutins du monde occidental, et les stratégies de déstabilisations provenaient cette année d'acteurs domestiques.

"L'influence étrangère qu'on craignait tant n'est pas si nécessaire que ça pour diffuser des rhétoriques visant à remettre en cause la légitimité des institutions démocratiques", estime Iris Boyer, co-directrice de l'étude et secrétaire générale de l'ISD France.

Le rapport pointe toutefois du doigt certaines publications de médias appartenant à des puissances étrangères, notamments "des États autoritaires". Sur YouTube, la chaîne AJ+ français, de la chaîne Al Jazeera, appartenant au Qatar, a publié une vidéo baptisée "Comment manipulent-ils les sondages". Une séquence qui cumule à ce jour près de 100.000 vues.

Capture d'écran de la chaîne YouTube AJ+, appartenant au Qatar
Capture d'écran de la chaîne YouTube AJ+, appartenant au Qatar © BFMTV

Parmi les pistes de réflexion, le rapport recommande d'approfondir la régulation des grandes plateformes et d'améliorer la capacité d'analyse des groupes de diffusion sur les applications de messagerie, notamment Telegram, pour les chercheurs.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably avec AFP Rédacteur en chef adjoint Tech & Co