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Pour espionner Snapchat, Facebook a transformé le smartphone de ses utilisateurs en mouchard

Selon des documents publiés dans le cadre d'une enquête, Facebook aurait utilisé son outil VPN pour espionner Snapchat, Youtube et Amazon. L'objectif, rivaliser plus efficacement avec ses concurrents.

Le projet Ghostbusters. Non, il ne s'agit pas d'un énième remake du film de 1984. Mais d'un projet confidentiel initié par Facebook en 2016. Son objectif est clair: intercepter et analyser les communications entre les utilisateurs de Snapchat et les serveurs de l’application entre 2016 et 2019. Le but: comprendre le succès de l'application rivale, pour mieux répliquer (par exemple en copiant le format des Stories en 2016).

Cette fois-ci, les révélations sont issues de l'autre côté de l'Atlantique. Un tribunal fédéral californien a publié de nouveaux documents accusant Facebook d'espionner ses concurrents dans le cadre d'une enquête sur les pratiques anticoncurrentielles de la plateforme.

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15:27

Tout est parti d'un simple constat de Mark Zuckerberg en 2016. "Chaque fois que quelqu'un s'interrroge sur Snapchat, nous n'avons aucune réponse car le trafic de l'application est chiffré", a regretté le patron de Meta dans mail adressé à trois dirigeants de Facebook, publié dans le cadre du procès.

"Compte tenu de rapidité avec laquelle ils se développent, Il semble important de trouver une nouvelle façon d'obtenir des analyses fiables à leur sujet... Vous devriez trouver comment procéder", réclame Mark Zuckerberg.

Un projet étendu à Amazon et Youtube

Concrètement, le groupe a utilisé Onavo, une application proposant un service de VPN (réseau privé virtuel) acquise par Facebook en 2013. Pour rappel, un VPN fait transiter les données d'un utilisateur par ses propres serveurs, souvent afin de simuler une connexion depuis un autre endroit. Par exemple pour accéder à un catalogue étranger de Netflix ou pour tenter de camoufler son adresse IP.

Téléchargé par plusieurs dizaines de millions d'utilisateurs, le VPN appartenant à Facebook aurait donc capté les informations de trafic de ses utilisateurs, et mesuré précisément l’utilisation des applications par les internautes. Le tout, à l'insu de ces derniers.

A la clé, des milliards de données pour étudier le comportement des utilisateurs Snapchat et rivaliser plus efficacement avec son concurrent. Le projet a ensuite été étendu à d'autres applications rivales, comme Amazon et Youtube.

Au total, 41 avocats et une équipe de cadres supérieurs ont travaillé sur le projet Ghostbusters, selon les documents déposés auprès du tribunal.

De multiples enquêtes

Onavo a fermé en 2019, à la suite d'une enquête de la commission parlementaire britannique. La Chambre des Communes avait accusé le réseau social d'utiliser son VPN pour divulguer des données personnelles d'utilisateurs sans leur consentement à certaines entreprises.

Ce n'est pas la première fois que Meta est accusé de pratiques anticoncurrentielles. En 2020, une plainte collective a été déposée contre Facebook par Sarah Grabert et Maximilian Klein. Ces derniers accusent l’entreprise d'avoir dissimulé ses méthodes de collecte de données et d’avoir exploité de manière abusive ces informations pour identifier et concurrencer de façon déloyale ses rivaux.

Meta est également dans le viseur de l'Union européenne. Le groupe fait l'objet d'une enquête, aux côtés d'Apple et Meta, concernant le respect des règles de concurrence dans le cadre du nouveau règlement sur les marchés numériques (DMA).

Salomé Ferraris