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Capitaine Marleau vs Captain America: pourquoi Salto n'a jamais réussi à s'imposer

Salto, la plateforme de M6, TF1 et France Télévisions

Salto, la plateforme de M6, TF1 et France Télévisions - Capture d'écran - Salto.fr

La plateforme française, qui devait concurrencer Netflix va finalement disparaitre, faute d'accord entre les différents acteurs. Retour sur un pari perdant.

Peu de gens y croyaient, et finalement peu seront déçus. Salto n’a finalement pas trouvé son public. Malgré ses 800.000 à 900.000 abonnés, le "Netflix à la français" reste un gouffre financier pour ses trois actionnaires. Si TF1 et M6 ont fait savoir leur envie de quitter le capital dès fin novembre, France Télévisions, qui avait inscrit la dissolution de la plateforme à l'ordre du jour d’un comité social économique central extraordinaire ce vendredi 20 janvier, a finalement tranché dans le vif: la plateforme a annoncé ce lundi la fin de son existence sur son site internet.

En réunissant les créations françaises, Salto avait pourtant l’ambition de révolutionner la manière de consommer la télévision. C’est du moins ce qu’assurait Thomas Follin, le directeur de la plateforme lors de son lancement en octobre 2020.

Le point fort à l’époque? Donner accès à l’intégralité des programmes. Quand une chaîne diffuse un unique épisode hebdomadaire, Salto propose de tout regarder, du premier épisode au dernier disponible. La plateforme espèrait alors jouer cette carte sur les feuilletons. De Demain Nous Appartient à Ici tout commence en passant par feu Plus Belle La Vie, les passionnés de ces récits au long-court avaient accès en avant-première à des épisodes avant leur passage à la télévision. Il en allait de même pour des programmes phares tels que L’Amour est dans le Pré.

Capitaine Marleau Vs Captain America

Initialement, Salto devait sortir au premier trimestre 2020. Comme tout projet, le retard accumulé n’a pas permis une première phase de test avant le mois de juin 2020. Ensuite, il a fallu s’adapter à la pandémie mondiale. Et donc décaler la fenêtre de lancement à septembre, puis finalement à octobre 2020.

Or pendant ces tergiversations, les Français ont pris de nouvelles habitudes au cours d’un premier confinement. Le lancement de Salto - quelques jours avant un deuxième confinement - n’a malheureusement pas modifié les réflexes de consommation télévisuelle prise en début d’année. Surtout avec l’arrivée de Disney+ en mars 2020.

Car en plus de Netflix déjà bien installé, le public s’est vu proposé d’un côté, les films et séries Disney, Marvel et Star Wars. En face: les enquêtes de Capitaine Marleau, les épreuves de Fort Boyard ou encore les aventures des Marseillais, des programmes gratuits à la télévision.

Côté exclusivité, la plateforme française s’est tardivement ouverte à des programmes non issus du catalogue de ses trois actionnaires. C’est pourtant ce qui fait la force des services concurents. En mai 2021, un épisode spécial de la série Friends apparaît sur Salto. La suite des péripéties sentimentales de Carrie Bradshaw pimente à son tour l’intérêt avec la série And Just Like That - suite de Sex & the City - en fin d’année 2021. De même pour les retrouvailles du casting de la saga Harry Potter accessible pour le jour de l’an 2022.

Combat inéquitable

Mais cette série de micro-événements ne suffit pas à garder les spectateurs sur le long terme. En septembre 2021, un baromètre OTT NPA Conseil / Harris Interactive indique que le taux de pénétration de Salto n’est que de 2,4%. C’est bien moins que Disney+ (16,3%), Amazon Prime Video (24,9%) ou le leader Netflix (38%).

D’autant que sur le plan financier, la donne se complique. Comment lutter avec un budget de 135 millions d’euros quand Netflix dispose de 17 milliards de dollars pour financer ses programmes.

Le tout se complexifie une nouvelle fois lorsque TF1 et M6 envisagent de fusionner. Delphine Ernotte, la patronne de France Télévisions, ne voit pas d’avenir dans le projet pour le groupe audiovisuel public. Elle pense ainsi sérieusement à vendre ses parts de Salto. "Dans le contexte de fusion TF1-M6, c’est une option afin de concentrer nos efforts sur France.tv", expliquait-elle alors.

Chacun reprend ses parts

Une fois le mariage du siècle avorté, l’enthousiasme de TF1 et M6 pour Salto patauge. Surtout que les pertes s’accumulent: 80 millions d’euros en 2022, selon Les Echos. Depuis le lancement, le gouffre financier s’élève à 200 millions d’euros, soit un peu plus de 66 millions d’euros pour chacun des actionnaires.

Fin 2022, les deux chaînes privées ont pris la décision de quitter la plateforme. Face à cette défection, France Télévisions devait faire de même. L’avenir de Salto semblait ne tenir qu’à l’arrivée d’un nouvel actionnaire. Mais le profil du seul candidat, l’espagnol Agile, ne laissait que peu d’espoir. Surtout qu’avec leurs parts, chaque actionnaire reprendra ses programmes, qui constituent aujourd’hui le seul intérêt pour un futur acquéreur.

Pour Salto, c'est donc la fin d'une courte aventure.

Pierre Monnier