Tech&Co
Réseaux sociaux

Sur Instagram, une influenceuse créée par une IA vante les joyaux de la Bretagne

Pour donner envie aux touristes de venir visiter le territoire breton, un habitant du Finistère a créé de toutes pièces une fausse influenceuse, qui publie sur Instagram selfies et autres photos de paysages.

Des photos de l'Île-aux-Moines, du Kig Ha Farz ou du Gwenn ha Du (nom donné au drapeau breton) en haut de l'Everest: sur Instagram, le compte @annekerdi publie chaque jour des clichés de ses escapades en Bretagne afin de faire valoir les mérites de la région à ses plus de 3300 abonnés.

Mais un détail est à souligner, et il est de taille: Anne Kerdi, ainsi que certains plats présentés, n'existent pas. La jeune femme est en effet un avatar créé par une intelligence artificielle génératrice d'images, à savoir Midjourney. L'outil permet également de créer les photos de la gastronomie bretonne, des galettes au Kig Ha Farz en passant par la cotriade.

Anne Kerdi est toutefois transparente dans son approche: dans sa bio Instagram, il est parfaitement indiqué qu'il s'agit d'une "création digitale" ainsi que d'une "intelligence artificielle bretonne".

A la manière de Frankenstein

Derrière cette influenceuse "lifestyle" se cache toutefois une vraie personne, Sébastien, un habitant du Finistère de 36 ans en reconversion professionnelle, qui souhaitait explorer les possibilités offertes par l'IA, en s'appuyant sur Instagram, un support jugé idéal.

Pour élaborer Anne, Sébastien indique ainsi avoir travaillé comme s'il avait imaginé un nouveau "Frankenstein", en testant de nombreux outils, mais aussi beaucoup de prompts (des suites de mots données à une IA générative pour créer du contenu) pour obtenir le résultat le plus abouti.

"C'est en quelque sorte un laboratoire où je travaille avec les mots. Au départ, j'avais une vague idée de ce que je souhaitais, une femme brune de 25 ans, et puis au fur et à mesure des essais, j'ai réussi à trouver la bonne combinaison de mots pour avoir la même femme ou presque pour chaque publication", raconte Sébastien.

De la même manière qu'un studio d'animation avec des personnages de fiction, Sébastien a également oeuvré à trouver une voix à Anne, avec des logiciels spéciaux, tout en essayant de l'animer, de manière à pouvoir la faire répondre lors de conférences dédiées à l'intelligence artificielle.

Quant au contenu proposé sur son compte Instagram, Anne et Sébastien tentent chaque jour de proposer du contenu varié, dédié à toutes les facettes de la Bretagne: paysages, gastronomie, entreprises ou coutumes locales.

Le créateur donne ainsi chaque jour des idées de sujets à l'intelligence artificielle, qu'elle transforme en texte, via ChatGPT ou Bard, pour les légendes publiées sur le réseau social.

"Pour l'image, Midjourney m'a semblé le plus satisfaisant mais pour le texte, générer des textes via différents outils permet d'obtenir un bon résultat assez complémentaire", explique Sébastien à Tech&Co.

Les commentaires aux réponses des internautes sont également générés par une intelligence artificielle, Sébastien ne servant au final que de relai entre les abonnés et Anne. Le compte Instagram recense toutefois des photographies prises par certains internautes qu'Anne utilise pour sa page, mais là encore, les demandes d'autorisations d'utilisation des images sont écrites par ChatGPT, Bard ou LLaMA.

Demande de partenariats

Preuve de son succès, Anne Kerdi a déjà reçu des demandes de partenariats rémunérés de la part d'entreprises locales pour promouvoir leurs produits. L'influenceuse, à l'instar de ses collègues plus "réelles", organisent même des concours avec certaines marques, comme en juillet dernier avec le concept store "Je dévore ma Bretagne".

"Le fait de parler de tous les aspects, notamment du patrimoine ou de l'économie, attire les marques, qui aiment qu'Anne véhicule les valeurs de la région de la même manière qu'eux avec leurs produits", analyse Sébastien quand on lui demande les raisons de l'attrait d'Anne auprès des entreprises.

Pour la rentrée, le créateur a même prévu des projets avec différentes collectivités locales, dont le département du Finistère. A noter que la Région Bretagne n'intervient à aucun moment dans cette initiative purement personnelle.

Une initiative qu'il ne pensait d'ailleurs pas devenir aussi chronophage. "J'avais prévu au départ de gérer ce compte à mi-temps et de faire d'autres activitées liées à l'intelligence artificielle à côté. Mais cela me prend beaucoup plus de temps qu'imaginé, c'est donc devenu une activité à temps plein", admet Sébastien.

"Mais l'objectif est de prolonger le plus de temps possible ce compte", affirme le créateur d'Anne Kerdi, bien décidé à la faire évoluer avec le temps, avant de pourquoi pas rajouter à son emploi du temps une activité annexe, toujours liée à l'IA.

Anne Kerdi ne semble elle pas prête à vouloir s'arrêter, s'affichant encore tout sourire il y a quelques jours sur son compte Instagram, attablée avec un verre de pastis breton.

Julie Ragot