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Les influenceurs ont-ils le droit de faire de la publicité pour de l'alcool?

Si la loi Evin encadre strictement les publicités liées à l'alcool pour les médias "classiques", sur Internet, les règles sont parfois plus confuses. Un flou juridique dont profitent certains influenceurs.

Des photos au soleil, verre de cocktail à la main et des légendes toujours pleines d'extase: "On profite des plaisirs de la vie" ou "On prolonge le plaisir d'un bon Spritz même en cette période de l'année". Les influenceurs se livrent aujourd'hui à de plus en plus de publicités (cachées ou non) pour des marques d'alcool.

Une pratique qui interroge quant à sa légalité, notamment par rapport à la loi Evin. Cette loi encadre entre autres la promotion pour l'alcool. La télévision et le cinéma ont par exemple interdiction de proposer des publicités pour des marques de vins, spiritueux et autres alcools forts. Jusqu’en 2009, la publicité pour l’alcool n’était également pas autorisée sur Internet. Mais une modification de la loi permet aujourd'hui de promouvoir l'alcool sur le net, sauf sur les sites destinés à la jeunesse ou dédiés au sport et à l’activité physique.

Un contenu très encadré

Dans les faits, la promotion d'une marque d'alcool est possible sur les réseaux sociaux, mais sous des conditions très strictes. L'influenceur doit notamment indiquer la mention légale "L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération" dans la légende de sa publication ou dans sa story.

Comme pour toute publicité sur les réseaux sociaux et en accord avec la loi pour la confiance en l'économie numérique, l'influenceur doit également apposer la mention "Publicité" ou "Sponsorisé" dans son contenu. L'ARPP précise dans son guide des bonnes pratiques des publications sponsorisées que la mention "Ad" n'est pas recommandée car peu compréhensible pour les non-anglophones.

Là où la loi est plus floue, c'est sur la teneur du message sponsorisé. L'association Addictions France indique sur son site Internet que les publicités liées à l'alcool ne doivent comporter que des indications objectives sur le produit: degré d'alcool, provenance, composition, etc.

"À travers ce cadre strict et limitatif, l’alcool ne peut pas être présenté sous un angle favorable ou attractif", précise l'association.

Ainsi, un créateur de contenu ne peut pas faire la promotion de l'alcool dans un contexte de fête, de vacances ou de moments joyeux. Ce qui limite ostensiblement les contenus possibles. "Officiellement, on peut faire de la publicité pour de l'alcool mais officieusement, quasiment 100% des contenus peuvent être retoqués par la loi", confie Franck Lecas, responsable juridique chez Addictions France, qui espère une évolution des lois Evin et pour la confiance en l'économie numérique pour contrer "la profusion des contenus liés à l'alcool"

Quid des "influenceurs food"?

Certains influenceurs spécialisés dans les recettes de cuisine ou de cocktails ont également l'opportunité de faire des partenariats avec des marques d'alcool et plus généralement de publier du contenu mettant en avant certaines boissons. Là aussi, le contenu peut dans les faits être jugé illégal.

"Tout est jugé au cas par cas. Les influenceurs cuisine ou barmaids ne sont toutefois pas une priorité pour nous car leur contenu est focalisé là-dessus. Nous préférons nous concentrer sur les influenceurs plus généralistes avec une large audience, jeune, qui vont faire une publicité presque cachée au milieu de leurs autres contenus", indique Franck Lecas.

Le juriste précise surtout que l'association vise avant tout la prévention plutôt que la sanction, même s'il est difficile selon lui aujourd'hui d'arriver à ses fins sans poursuites judiciaires.

Sur Instagram, il est aujourd'hui possible de signaler un contenu pour "vente de produits illégaux ou régulés" comme l'alcool, mais ces signalements sont le plus souvent vains. En témoigne la récente décision de justice concernant Meta et Instagram, obligés de supprimer plusieurs dizaines de contenus relevant de la publicité pour différentes marques d'alcool.

Julie Ragot