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Données personnelles

Testée dans les rues d'Orléans, l'audiosurveillance algorithmique jugée illégale par la Cnil

La ville a testé, pendant un an, un dispositif de surveillance "intelligent". La Cnil a jugé que celui-ci constituait une infraction aux libertés.

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a tranché: l'expérimentation de la captation de son et de vidéo simultanées dans l'espace public est une infraction à la protection des données personnelles.

C'est la ville d'Orléans qui a fait les frais de cette décision de la Cnil. Elle s'est associée en 2021 avec l'entreprise orléanaise Sensivic, spécialisée dans la détection audio intelligente, pour mettre en place un dispositif visant à capter les éventuelles anomalies sonores dans les rues.

Le dispositif a duré un an, à titre de test. Or, les appareils prêtés par Sensivic - de manière gratuite et temporaire - ont été placés sur des caméras de vidéosurveillance déjà présentes dans la ville, plus précisément sur quatre places publiques. Le dispositif a alerté la Quadrature du Net, une association française indépendante de défense des droits et des libertés sur internet, qui a saisi la Cnil.

Dans le détail, le dispositif utilisait un algorithme d'apprentissage automatique lui permettant d'analyser en continu les bruits ambiants, afin d'y détecter d'éventuelles anomalies. En cas de bruit suspect, comme "des cris de peur, des bris de verre, des coups de feu", précise le contrat, une alerte était envoyée aux agents de sécurité mobilisés, alors en mesure de consulter les images enregistrées par les caméras de vidéosurveillance.

Mais, interrogé par France 3, Hervé Zandrowickz, directeur marketing de Sensivic, a affirmé que les "sons captés étaient immédiatement traduits en métadonnées", rendant impossible la traduction d'un dialogue, par exemple.

Toutefois, dans sa première saisie, la Quadrature du Net, a dénoncé le caractère flou du dispositif, et pointé du doigt l'impossibilité de savoir "ce que recouvre la notion d'anomalie, qui est laissée à la libre interprétation de la police ou de l'entreprise privée, aux dépends de la population et de l'Etat de droit".

Au terme de l'expérimentation, la Cnil a rendu sa décision. Selon l'autorité, le fait de coupler la vidéo et le son constitue "un traitement de données à caractère personnel illicite, en ce qu'il est susceptible de permettre la réidentification d'une personne physique", et que "rien n'autorise", a-t-elle indiqué dans un courrier à la Quadrature du Net, relayé par l'Usine Digitale le 2 octobre.

La question de la vidéosurveillance algorithmique fait débat, notamment au regard de la préparation des Jeux olympiques de Paris 2024. Ces systèmes, qui ne sont pas équipés d'outils de reconnaissance faciale, sont conçus pour analyser les mouvements des passants pour détecter tout comportement suspect.

En mars dernier, l'Assemblée nationale a débattu sur la législation "à titre d'expérimentation" de cette vidéosurveillance algorithmique automatisée, jusqu'à la fin de l'année 2024. Suscitant là encore des craintes pour la vie privée. L'article a finalement été adopté, malgré les critiques, tandis que le gouvernement évoque déjà une utilisation plus pérenne par la suite.

Victoria Beurnez