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Des pays européens veulent s’attaquer au chiffrement de WhatsApp ou iMessage

Un document du Conseil de l’Union européenne fait état des positions de différents pays concernant l’usage des messageries chiffrées. Plusieurs souhaitent limiter ce chiffrement pour lutter contre la pédopornographie.

WhatsApp, iMessage ou Signal pourront-ils bientôt voir vos messages? Ces messageries sont connues des utilisateurs pour offrir un chiffrement de bout en bout des messages. Seuls l’expéditeur et le destinataire ont ainsi accès au contenu des messages, sans possibilité pour les entreprises elles-mêmes ou un autre tiers (par exemple la police) d'accéder aux échanges. Mais ce principe est remis en question par plusieurs pays européens depuis plusieurs mois, notamment dans l’obstacle que ces messageries seraient devenues dans la lutte contre la diffusion de contenus pédopornographiques.

Dans un document du Conseil de l’Union européenne daté du 12 avril 2023 et rendu public par le média Wired, 20 pays européens ont donné leur point de vue sur le chiffrement de bout en bout en tant que frein à la lutte contre les abus sexuels sur les enfants. Ils ont également été invités à dire s’ils sont favorables à l’évolution de la loi Child Sexual Abuse Regulation (ou CSAR, "régulation visant à prévenir les abus sexuels sur les enfants"). La France ne fait pas partie des pays sondés dans le document.

Interdiction du chiffrement pour l'Espagne

Et l’Espagne fait ainsi preuve de sévérité sur la question, affirmant vouloir complètement interdire le chiffrement de bout en bout des conversations. "Idéalement, pour nous, il serait souhaitable d'empêcher par voie législative les fournisseurs de services basés dans l'UE de mettre en œuvre le chiffrement de bout en bout", a ainsi indiqué l’Espagne. Dans les faits, cela reviendrait à obliger des entreprises comme Apple (iMessage) ou Meta (WhatsApp) à mettre fin à la protection de la confidentialité des conversations.

"Il est impératif que nous ayons accès aux données et que nous ayons la capacité de les analyser, peu importe le volume", précisent les représentants du pays.

Sur les vingt pays interrogés (dont l’Irlande, l’Allemagne, l’Italie ou encore la Belgique), quinze déclarent ainsi être en faveur d’une certaine forme de contrôle des messages chiffrés, sans pour autant être aussi radical que l’Espagne. L’Italie a de son côté qualifié cette mesure de disproportionnée: "Imposer une obligation automatique de vérification des messages représenterait un contrôle généralisé sur tous les échanges chiffrés du web. Cela semble inapproprié d’altérer le système actuel, qui semble offrir un bon équilibre avec le respect de la vie privée."

La Finlande souhaite quant à elle davantage d’information sur les solutions qui pourraient être apportées pour réussir ce "déchiffrement", afin de ne pas être en opposition avec sa constitution. Car une solution pour mettre en œuvre ce contrôle reste toutefois à trouver, de façon à scanner les messages sans altérer le chiffrement. Ce procédé reste toutefois selon de nombreux spécialistes impossible à mettre en œuvre.

"Une menace pour la confidentialité"

En avril dernier, WhatsApp avait déjà évoqué la question lors des débats au Royaume-Uni sur le "Online Safety Bill". Ce projet de loi britannique est censé mieux encadrer les plateformes du numérique sur le territoire, n’étant plus soumis aux règles européennes et aux futurs Digital Market Act et Digital Services Act. Le projet inclut entres autres des limites au chiffrement des messages.

"Ce projet de loi constitue une menace sans précédent pour la confidentialité et la sécurité, non seulement des citoyens et citoyennes du Royaume-Uni, mais aussi des personnes avec lesquelles ils et elles communiquent dans le monde entier, tout en encourageant d'autres gouvernements à rédiger des projets de loi semblables", avait alors réagi WhatsApp dans une lettre ouverte, signée également par les dirigeants des applications Element et Signal.

"Les personnes à l'origine de ce projet de loi disent reconnaître l'importance du chiffrement et de la confidentialité, mais affirment qu'il est possible de surveiller les messages sans compromettre le chiffrement de bout en bout. La vérité, c'est que cela n'est pas possible", affirme la messagerie du groupe Meta.

Le document du Conseil de l’Union européenne ne fait pour le moment office que de concertation. Aucune véritable mesure n’a pour le moment été annoncée.

Julie Ragot