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Société

Un sexisme "tabou", "massif" et ignoré en gynécologie et obstétrique

Une femme enceinte en consultation (photo d'illustration)

Une femme enceinte en consultation (photo d'illustration) - Philippe Huguen-AFP

Le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes appelle à une "prise de conscience" quant aux actes sexistes trop courants durant le suivi gynécologique et obstétrical des femmes.

Un sexisme "tabou", "massif", "impuni" et ignoré des soignants. Le Haut Conseil à l'égalité (HCE) entre les femmes et les hommes a remis ce vendredi à Marlène Schiappa son rapport sur les actes sexistes subis par les femmes durant le suivi gynécologique et obstétrical. Examens brutaux, paroles déplacées, insultes et violences: selon lui, ce phénomène est loin d'être isolé.

Selon le HCE, ces actes sexistes "peuvent prendre des formes très diverses, des plus anodines en apparence aux plus graves et sont le fait de soignant.e.s -de toutes spécialités- femmes et hommes, qui n'ont pas nécessairement l'intention d'être maltraitant.e.s".

3,4% des plaintes pour agressions sexuelles et viols

Parmi ceux-ci, "la demande systématique de se déshabiller pour une consultation alors même que cela n'est pas nécessaire"; des propos porteurs de jugements sur la sexualité, la tenue, le poids, la volonté ou non d'avoir un enfant; des injures sexistes; des actes exercés sans le consentement de la patiente, comme des touchers vaginaux ou encore des violences sexuelles, du harcèlement au viol.

Des violences loin d'être anecdotiques. Le HCE fait part d'un chiffre inquiétant: 3,4% des plaintes déposées auprès des instances disciplinaires de l'Ordre des médecins en 2016 concernaient des agressions sexuelles et des viols commis par des médecins.

Ces derniers années, le hashtag #PayeTonUtérus et le Tumblr "Je n’ai pas consenti" avaient recueilli de nombreux témoignages glaçants. Comme une jeune femme qualifiée de "salope" lors d'un dépistage après un rapport sexuel; un commentaire de la part d'un gynécologue particulièrement déplacé -"mon gynéco m'a dit une fois 'votre col de l'utérus doit être parfait pour la levrette'"- ou encore d'autres propos blessants proche de la maltraitance. 

"La meilleure contraception, c'est de fermer les cuisses", "Si je vous fais mal, c'est parce que vous êtes trop grosse", "Lorsque nous avons perdu notre bébé, verdict de la gynéco: 'c'est un coup pour rien, un coup dans l'eau'." D'autres femmes avaient également évoqué des violences de la part de médecins. "À 19 ans j'espérais être enceinte, je le dis au médecin, il m'a palpé les seins vingt minutes pour être sûr."

Des actes sexistes "largement impunis"

Le Haut Conseil dénonce par ailleurs un défaut d'empathie chez les soignants, un sexisme "encore très prégnant dans le secteur médical", une histoire de la gynécologie "marquée par la volonté de contrôler le corps des femmes" et regrette que les actes sexistes soient encore "largement ignorés" et "impunis".

Il formule ainsi 26 recommandations, parmi lesquelles la reconnaissance de "l'existence et l'ampleur des actes sexistes", le renforcement de la formation initiale et continue des professions médicales, la mise en place d'une procédure disciplinaire spécifique en cas de plaintes pour violences sexuelles ou encore la publication des données, maternité par maternité, relatives aux actes médicaux pratiqués lors de l'accouchement.

Le HCE envisage également de rendre explicite l'interdit des actes sexistes dans le cadre de soins. Et propose ainsi d'ajouter un point dans le code de déontologie médicale sur les obligations du médecin vis-à-vis de ses patients quels que soient leur sexe, identité de genre ou orientation sexuelle.

Un état de stress post-traumatique pour les victimes

Des actes sexistes qui ne sont pas sans lourdes conséquences pour ces femmes. Le HCE évoque ainsi la perte de l'estime de soi, la culpabilité, une vie de famille et de couple perturbées accompagnées d'un état de stress post-traumatique avec des répercussions à long terme. Certaines d'entre elles refusent ensuite de se faire soigner par peur d'être à nouveau confrontée à une situation sexiste. Des conséquences similaires à celles vécues par les femmes victimes de violences sexuelles.

Le HCE pointe également la "difficile reconstruction" après ces actes médicaux traumatisants pour les victimes "qui font face à la méconnaissance du phénomène". Le Haut Conseil dénonce en effet un "tabou", "l'ignorance" et le "refus" des soignants à prendre au sérieux ces souffrances.

Une ignorance également partagée par les premières intéressées. "Le phénomène est encore méconnu et mal appréhendé, en premier lieu par les victimes elles-mêmes pour qui il peut être difficile de révéler des faits trop souvent banalisés et perçus comme 'normaux'", ajoute le HCE.

Céline Hussonnois-Alaya