BFMTV
Société

Tirs dans le Thalys: les cinq phases de l'attaque d'El Khazzani

-

- - Philippe Huguen - AFP

Le 21 août, Ayoub El Khazzani monte dans le Thalys Amsterdam-Paris armé d'une kalachnikov, d'un pistolet et d'un cutter. Deux heures plus tard, le bilan se limite à trois blessés grâce à l'héroïsme de plusieurs passagers.

Les récits de l'attaque menée par Ayoub El Khazzani se croisent et se contredisent parfois. Que s'est-il passé exactement à bord du Thalys Amsterdam-Paris le 21 août dernier ? Voici le déroulé des événements tel qu'ils sont racontés par les premiers témoins de l'attaque: les passagers du train.

>> Première phase, El Khazzani prépare son attaque

Michel est contrôleur à bord du train. Tout se passe normalement à bord du Thalys 9364 qui vient de faire étape à Bruxelles avant de reprendre sa route vers Paris. Vers 17h50, une passagère, Maty, citée par La Voix du Nord, raconte avoir entendu deux claquements provenant de l'intérieur des toilettes situés entre les voitures 11 et 12. "On a d'abord cru que ça venait du train, qu'il y avait un problème technique" raconte la passagère.

En réalité, un passager de la voiture 11 (la dernière du train), Ayoub El Khazzani, un Marocain de 26 ans, s'est enfermé aux toilettes pour se préparer. Il y a enlevé son t-shirt et y a chargé ses armes. Il ignore que de l'autre côté de la porte, quelqu'un attend son tour pour utiliser les toilettes. Lorsqu'il en sort, prêt à commettre son acte, il trouve en face de lui un passager français de 28 ans, qui souhaitait se rendre aux toilettes. La scène se déroule entre les voitures 11 (au niveau de l'étoile sur les schémas) et 12 du train et elle est racontée par le contrôleur du train.

La rame numéro 11 du Thalys
La rame numéro 11 du Thalys © Montage BFMTV - DR - Thalys
La voiture numéro 12 du Thalys
La voiture numéro 12 du Thalys © Montage BFMTV - DR - Thalys

>> Deuxième phase, la première confrontation

Michel, le contrôleur du Thalys, dit avoir "entendu un peu de vacarme". "Au niveau des toilettes, j'ai vu deux hommes se battre. Je n'ai pas tellement réagi, ça arrive, et puis je me suis rendu compte que l'une des deux personnes avait un pistolet à la main et une mitraillette autour du cou" se souvient l'employé du train.

Devant lui, une première confrontation a éclaté entre le Marocain et le passager français qui tente de le désarmer. Rapidement, El Khazzani parvient à maîtriser son assaillant et part, armes au poing, en direction de la voiture 12, après avoir également envoyé au tapis le contrôleur qui raconte avoir été "pointé avec un pistolet". L'homme se dirige alors vers la voiture 12 dans laquelle se trouvent plusieurs touristes américains, un employé de la SNCF en repos ainsi que d'autres voyageurs.

>> Troisième phase, les premiers coups de feu

Il fait feu à l'entrée de la voiture 12, blessant au dos un passager Franco-Américain de 51 ans. La balle lui perfore un poumon avant de ressortir au niveau de la clavicule. Un deuxième coup de feu est tiré, dont la balle va se loger juste au-dessus de la tête d'une passagère américaine. Assise dans la voiture 12, Christina, une touriste New Yorkaise, raconte au Parisien avoir eu "terriblement peur".

L'homme traverse alors la rame pour se diriger vers le wagon n°13 comme le raconte Damien au Monde. "Il s'est arrêté entre les deux wagons, a tiré, ça a fait clic-clic-clic sans faire de coup de feu" selon ce passager français. C'est alors qu'El Khazzani revient sur ses pas et pénètre à nouveau dans le wagon 12. Ce qu'il ignore, c'est qu'après son premier passage, deux militaires américains, Spencer Stone et Alek Skarlatos, ainsi que leur ami Anthony Sadler, ont compris ce qui se passait. "Au début, personne n'a réagi, parce que personne n'a compris que c'était un coup de feu" explique Spencer Stone. Ce qui expliquerait comment El Khazzani a pu traverser la rame n°12 sans être inquiété, même si cette traversée de la rame 12 suscite encore quelques doutes. 

>> Quatrième phase, l'intervention décisive des quatre passagers

C'est à son retour dans la rame n°12 qu'El Khazzani se trouve confronté aux trois Américains. De leur place, et comprenant que la situation est désespérée, les trois amis décident d'agir. "Il avait l'air d'avoir du mal à manipuler son arme alors on n'a pas réfléchi, et on a couru vers lui" raconte Spencer Stone. La lutte entre les trois hommes s'engage.

"Alors qu'on essayait de le maîtriser, il semblait sortir des armes de partout, il a blessé Spencer" se souvient Alek Skarlatos. En voyant ses assaillants, El Khazzani sort en effet un cutter et son revolver. Il lacère Spencer Stone au niveau du cou et du pouce avant de finalement tomber sous les coups des trois Américains, rejoints par un Britannique, Chris Norman qui se souvient de la scène.

Chris Norman est intervenu pour aider les trois amis américains à maîtriser l'assaillant. "Je me suis dit, quitte à mourir, autant essayer" se souvient l'homme. Il attrape le bras droit d'El Khazzani et tous ensemble, il plaque au sol le tireur qui a perdu conscience. De son côté, Michel, le contrôleur du Thalys, informe le conducteur du train et demande que les secours se tiennent prêts en gare d'Arras. Devant la gravité de la situation, il requiert également la présence des forces de l'ordre et du SMUR.

>> Cinquième phase, l'épilogue

Dans la voiture 12, Spencer Stone oublie ses blessures pour tenter d'aider le passager franco-américain qui a été touché au dos et au poumon. "J'ai vu qu'il saignait beaucoup, j'ai compris qu'une artère était touchée, alors j'ai fait pression avec ma main pour arrêter l'hémorragie" raconte le militaire. 

Les trois héros américains et l'ambassadrice des Etats-Unis en France, lors d'une conférence de presse.
Les trois héros américains et l'ambassadrice des Etats-Unis en France, lors d'une conférence de presse. © AFP

Le trajet prend finalement fin en gare d'Arras où le train est arrêté par le conducteur. Un impressionnant dispositif de sécurité met fin au calvaire des passagers qui retrouvent l'air libre après une heure d'angoisse.

Dans le sac du tireur, 8 chargeurs de kalachnikov, soit environ 300 balles, sont retrouvés. Remis entre les mains de l'antiterrorisme, Ayoub El Khazzani devra désormais expliquer son geste. Il nie d'ores et déjà toute volonté terroriste, affirmant avoir voulu rançonner les voyageurs du Thalys à l'aide de ses armes.

Paul Aveline