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ÉDITO - Pédocriminalité dans l'Église: "l'assourdissant silence" de la classe politique

Si quelques élus ont réagi mardi à la suite de la publication du rapport Sauvé, véritable coup de tonnerre pour l'Église catholique, le gouvernement et l'Élysée sont restés, jusque-là, silencieux, comme le note notre éditorialiste politique Matthieu Croissandeau.

"Un désastre", "une honte absolue", "l'effroi"... Les mots n'étaient jamais assez forts mardi, à la suite de la publication du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels de l’Église (Ciase) depuis 1950. Cette enquête de deux ans et demi estime à 216.000 le nombre de personnes de plus de 18 ans ayant fait l'objet de violences ou d'agressions sexuelles pendant leur minorité de la part de clercs ou de religieux catholiques en France de 1950 à 2020.

Quelques députés ont appelé mardi l'Église catholique à "des évolutions nécessaires", mais notre éditorialiste politique Matthieu Croissandeau note surtout, ce matin, le silence du gouvernement, et des candidats à la présidentielle, sur ce sujet.

"On pleure sur Notre-Dame, et on ne pleure pas sur les enfants?"

"La première chose qui frappe, c'est une forme d'assourdissant silence. La commission Sauvé, qui a fait un travail aussi remarquable que considérable, révèle hier qu'il y a 216.000 victimes d'actes pédocriminels depuis les années 1950 de la part de prêtres et de religieux, 330.000 si on élargit à des gens qui gravitent dans l'orbite de l'Église catholique de France. Cela pose d'énormes questionnements sur le caractère systémique de ces violences, sur les façons de les éviter, de les indemniser... Et au sommet de l'État, pas un mot.

Emmanuel Macron a su trouver les mots lundi pour pleurer l'abandon de 100.000 chats et chiens par an, mais là on révèle 330.000 abus sexuels, et il n'y a rien de la part du chef de l'État. On pleure sur Notre-Dame, et on ne pleure pas sur les enfants? Rien de la part du Premier ministre non plus, rien de la part du ministre des Cultes, c'est quand même assez ahurissant.

Et je parle là de l'exécutif, mais je pourrais élargir aux candidats à la présidentielle. Hier Marine Le Pen s'est émue du sort de 18 enfants qui se sont suicidés à cause du harcèlement scolaire. Pas un mot non plus sur les victimes d'actes pédocriminels dans l'Église. Vous avez entendu Xavier Bertrand? Valérie Pécresse? Non. Il y a du monde pour parler de l'immigration, mais pour parler de cela absolument personne. On ose imaginer les réactions si ces révélations avaient touché non pas des prêtres, mais des imams".

"Toutes les propositions n'ont pas forcément brillé"

"Il y a une gêne qui est réelle bien sûr, et puis il faut dire que c'est compliqué de réagir et qu'hier toutes les propositions n'ont pas forcément brillé. Olivier Becht président du groupe Agir à l'Assemblée nationale déclarait: 'si j'étais à la place de l'Église catholique, je m'interrogerais sur des évolutions nécessaires comme la chasteté des religieux ou la fin du célibat des prêtres'. C'est aussi la proposition de Jean-Christophe Lagarde, président de l'UDI: 'cela doit poser la question à l'Église catholique du mariage de ses prêtres'.

Autant le rappeler tout de suite, ce n'est pas parce qu'on est célibataire qu'on peut devenir pédophile, cela n'a absolument aucun rapport. Cela revient au fond à donner des circonstances atténuantes aux prêtres qui auraient, par défaut de sexualité, envie de toucher des petites filles ou des petits garçons. Cela n'a jamais empêché les pédophiles de sévir. Comme le dit Jean-Michel Sauvé [président de la Ciase], si le célibat n'est pas la cause des abus, et il faut le dire clairement, le regard porté sur lui a pu porter un facteur aggravant, parce qu'il y a une sorte d'héroïsation, estime-t-il, du célibat au sein de l'Église catholique, qui tend à mettre le prêtre sur un piédestal.

Ségolène Royal, qui a été ministre de la Famille et de l'Enseignement scolaire, a proposé d'engager le même travail de vérité et de réparation dans tous les métiers liés à l'enfance: sport, éducation, loisirs, maison de l'enfance... C'est quelque chose qu'il serait intéressant de regarder parce que ce que le rapport Sauvé a montré aussi, c'est qu'il y avait des abus sexuels dans d'autres sphères, et même si c'est plus important dans l'Église, cela existe aussi dans les fédérations sportives, l'Éducation nationale, et il y a donc un travail à engager."

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