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"Du bien à l'âme": le pape livre ses impressions de retour d'Irak

Le pape François est rentré à Rome ce lundi après un périple de trois jours en Irak, lors duquel il a lié soutien aux chrétiens locaux et dialogue interreligieux. Dans l'avion qui le ramenait en Italie, il a livré ses impressions de voyage.

Pendant trois jours, de vendredi à dimanche, le pape François a sillonné l'Irak au cours d'un voyage historique. Trois jours, un laps de temps qui peut paraître bref mais pourtant très densément rempli.

À Bagdad, comme dans le sud du pays puis au nord, à Mossoul et Erbil, le souverain pontife a témoigné son soutien aux chrétiens d'Irak dont la situation est si difficile, et toujours exposés aux persécutions. Il a rencontré les autorités politiques du pays, mais aussi ses autorités religieuses, à commencer par l'ayatollah al-Sistani, sommité chiite. À Ur, il a prié avec des musulmans, des yézidis, des mandéens.

Dans l'avion qui l'a ramené ce lundi midi à Rome depuis Bagdad, le pape a passé en revue tous ces sujets devant les 75 journalistes l'ayant accompagné dans son périple. L'agence de presse romaine I. Media a retranscrit ses propos, relayés ici par Le Figaro.

"Après ces mois de prison"

La volonté du pape de se rendre en Irak afin de se rapprocher des chrétiens du pays était connue de longue date. Mais François a d'abord expliqué ce qui l'avait poussé à accomplir cette visite alors que le monde est toujours parcouru par la fièvre du Covid-19 et que l'Irak est encore traversé de menaces sécuritaires. Il a ainsi révélé que c'était la lecture d'un livre récemment publié en Italie, Ma fille de Nadia Murad, évoquant les yézidis, qui avait servi de déclencheur:

"Pour moi cela a été le l'inspiration de Dieu pour prendre ma décision."

Le pape, qui est vacciné contre le Covid-19, a dit avoir longuement soupesé sa décision de se rendre dans un pays durement frappé par la maladie: "J'ai pris la décision, librement, mais qui venait de l'intérieur (…) Mais après la prière et après la conscience des risques, après tout." Lui-même a ressenti cette sortie diplomatique comme une délivrance: "Après ces mois de prison, vraiment, je me suis senti emprisonné, il s'agit de revivre, toucher l'Église, le saint peuple de Dieu, tous les peuples."

L'éloge pontifical à l'ayatollah al-Sistani

Il est surtout longuement revenu sur son entretien, samedi matin à Najaf, avec l'ayatollah Ali al-Sistani, première autorité chiite d'Irak. Et il n'a pas tari d'éloges sur ce personnage en lequel il a dit voir "un grand, un sage, un homme de Dieu". "On percevait cela, seulement en l'écoutant. C'est une personne qui a cette sagesse mais aussi de la prudence", a-t-il ajouté.

Les images ayant filtré de leur entrevue, les montrant assis face à face, le pape tout habillé de blanc, l'ayatollah vêtu entièrement de noir et coiffé d'un turban, ont fait le tour du monde comme un symbole d'une nouvelle étape de l'échange entre le christianisme et l'islam.

"Il a été si respectueux pendant notre rencontre que je me suis senti honoré. Il ne se lève jamais habituellement pour saluer, mais s'est levé pour me saluer par deux fois", s'est ému le pape face aux reporters. Il est allé plus loin: "Cette rencontre m'a fait du bien à l'âme. C'est une lumière. De tels sages sont partout parce que la sagesse de Dieu a été semée dans le monde entier."

"Qui vend les armes?"

Après sa rencontre avec l'ayatollah, le pape avait mis le cap sur Ur, au milieu d'une plaine désertique où la Bible situe la naissance d'Abraham. Là, il a prié, entre autres, avec des musulmans, des yézidis et des mandéens, accomplissant une étape inédite dans l'histoire du dialogue interreligieux. Un geste, toutefois, qui lui vaut des détracteurs, ce dont le souverain pontife est bien conscient.

"Il y a quelques critiques, que le pape n'est pas courageux, qu'il est inconscient, qu'il fait des pas hors de la doctrine catholique, qu'il est à un pas de l'hérésie! Ce sont des risques. Ces décisions se prennent toujours par la prière, dans le dialogue, en demandant conseil. C'est une réflexion, pas un caprice. C'est aussi la ligne du concile Vatican II", a-t-il lancé.

Il a aussi abordé le chapitre de sa visite de Moussoul, ville ravagée par l'occupation de Daech. Sur place, il s'est notamment transporté auprès des décombres d'une église détruite par la milice salafiste. "Je n'avais pas de mots. C'était incroyable", a-t-il commenté à bord de son avion. Il a étendu les responsabilités de ces exactions, des horreurs de la guerre aux marchands d'armes: "Mais qui vend les armes à ces destructeurs? Ils ne les ont pas fabriquées à la maison… Qui vend les armes? Qui est responsable?"

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV