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Burkini: au-delà de la polémique française, que se passe-t-il à l’étranger?

Une dizaine de femmes portant un burkini ont été contrôlées depuis la fin juillet.

Une dizaine de femmes portant un burkini ont été contrôlées depuis la fin juillet. - Fehti Belaid - AFP

Alors que la polémique autour du burkini ne semble pas près de s’éteindre en France, la presse étrangère ironise et commente ce débat national enflammé, avec parfois beaucoup d’incompréhension. Entre indifférence, tolérance ou interdictions partielles, comment le burkini est-il perçu au-delà de nos frontières? Tour d’horizon.

Lancé il y a quelques semaines en France après l’annulation d’une "journée burkini" dans un parc aquatique des Bouches-du-Rhône, le débat autour de ce maillot intégral porté par des femmes musulmanes bat son plein dans l’Hexagone. Au grand dam de la presse internationale, qui, dans sa grande majorité, fait part de son incompréhension face à ce débat. Pour n’en citer qu’un parmi une dizaine de titres assassins, celui du Guardian fait mouche: "Cinq raisons de porter un burkini, et pas seulement pour embêter les Français", écrit le quotidien britannique. De l’autre côté de la Manche, le débat français sur le burkini laisse pantois et la question semble indifférer les Britanniques. Ce qui n’est pas le cas chez tous nos voisins.

Après la décision de plusieurs maires français d’interdire cette tenue sur leurs plages, plusieurs pays se posent, au moins localement, la question. Dans certains, le burkini est déjà interdit partiellement dans des lieux de baignade, tandis que dans d'autres, on ne voit simplement pas où est le problème. Tour d’horizon des attitudes à l’égard du burkini au-delà de nos frontières.

En Italie, le débat est récupéré par l’extrême-droite

Si la presse européenne est majoritairement ironique à l’égard du débat français, la presse italienne n’est pas aussi acerbe. Dans le pays, le débat inspire en tout cas le parti populiste et xénophobe et la Ligue du nord, qui compte bien le récupérer localement. "Il n’y a pas qu’en France. En Lombardie aussi, on discute du burkini", écrit le quotidien de centre gauche La Repubblica, qui définit cette tenue comme "une burka" destinée à la baignade. Si le terme est en effet une contraction de "burka" et "bikini", le burkini s’éloigne de la burka parce qu’il ne dissimule pas le visage. Le quotidien nous apprend que Fabio Rolfi, conseiller régional de la Ligue du nord, veut le faire interdire dans les lacs et les piscines de cette province du nord du pays, qui n’a pas d’accès à la mer et qui est connue pour abriter plusieurs des plus célèbres lacs italiens. Une motion a été déposée au Conseil régional et le texte sera présenté en septembre, précise l’agence de presse Ansa.

Après les attentats de Paris, la Lombardie a déjà décidé d’interdire la burka et le niqab dans les hôpitaux et les bâtiments publics de la région. Dans la droite ligne de cette décision, Matteo Salvini, le leader de la Ligue du nord, appelle aussi les maires italiens des communes littorales à "suivre l’exemple des Français".

Dans le pays, le burkini fait surtout débat dans les piscines, où il est question de savoir s’il est accepté ou non, au regard des règles d’hygiène et en fonction, parfois, du tissu dans lequel il est fabriqué. Depuis 2009, La Repubblica note que la question s’est posée plusieurs fois en différents endroits et que la même année, le maire d’une petite ville du Piémont, Gianluca Buonanno, membre de la Ligue du nord, a fait interdire le burkini dans les piscines, fleuves et torrents de la petite ville de Varallo Sesia. Le quotidien ne précise pas si des amendes (de 500 euros) ont réellement été distribuées. Ironie du sort, l’élu a en tout cas été condamné à une amende cinq ans plus tard… pour discrimination raciale. Pour l’anecdote, le même homme politique, habitué des provocations, avait réclamé en 2014 des amendes pour les couples homosexuels s’embrassant en public.

Dans les piscines suisses, le burkini fait aussi des vagues

En Suisse, c’est à Bâle que le sujet est apparu en mai dernier. La ville a modifié les règles vestimentaires qui prévalent dans ses piscines, fréquentées par de nombreuses femmes musulmanes venues de l’Alsace toute proche. Alors que les bikinis, le topless et les burkinis moulants sont autorisés dans les bassins réservés aux femmes, le burkini dans sa version ample est interdit.

Le sujet fait parfois polémique localement, comme en juillet dernier, à Carouge, une commune du canton de Genève. Une femme en burkini s’était vu refuser l’accès à la piscine, alors qu’elle accompagnait ses enfants. D’abord restée au bord du bassin, elle avait dû quitter la zone de baignade. Et avait d’elle-même demandé au sauveteur si elle avait l’autorisation de se baigner avec son burkini, ce à quoi il lui avait répondu par la négative. Problème: un responsable de l’établissement avait ensuite invoqué un mauvais motif, expliquant que cette tenue était interdite en tant que signe distinctif religieux, alors qu’elle est prohibée "pour des questions d’hygiène et de sécurité", au même titre que les shorts arrivant au-dessous du genou, précise la Tribune de Genève, qui relate l’incident.

Les nationalistes belges veulent une interdiction totale

En Belgique, la question a pris une ampleur nationale, inspirée par le débat français. Comme en Italie, c’est l’extrême-droite qui tente de s’approprier le sujet, et le parti nationaliste N-VA veut désormais l’interdire complètement, soir au niveau flamand, soit au niveau fédéral. "Si vous autorisez cela, vous mettez les femmes en dehors de la société", estime la députée N-VA Nadia Sminate qui a présidé la commission Radicalisation au parlement flamand.

"Le service d’étude de la N-VA s’assure pour l’instant d’examiner si cette interdiction tiendrait la route juridiquement, faute de quoi il reviendrait aux bourgmestres (équivalent des maires en France, ndlr) d’intervenir. Toutefois, interrogés mercredi dans la presse du nord du pays, plusieurs bourgmestres de la côte relativisent: ils n’ont jamais constaté de problème particulier lié au port du burkini dans leur commune…", explique La libre Belgique.

Au Québec, le gouvernement prône la tolérance

Autre pays francophone touché par le débat français, le Québec s’est aussi emparé de la question du burkini récemment. Mercredi, une députée du parti Coalition avenir Québec a prôné son interdiction pure et simple. Pour Nathalie Roy, le burkini est "un symbole d’intégrisme religieux" qui "nie l’égalité entre les hommes et les femmes". Comme en Belgique et en Italie, c’est l’argument de l’égalité hommes-femmes qui est mis en avant.

Mais face à cette proposition, le gouvernement québécois se montre très prudent, prônant plutôt la tolérance, comme le rapporte Radio Canada: "une femme a le droit de se vêtir comme elle le souhaite", a réagi la ministre de la Justice Stéphanie Vallée. "C'est un débat qui est de l'autre côté de l'océan. On va le laisser de l'autre côté de l'océan", a-t-elle ajouté. "Dans l’espace public, c’est très difficile d’interdire", a renchéri la ministre des Relations internationales et de la Francophonie, Christine St-Pierre, qualifiant la question "d’absolument délicate".

Au Maroc, un houleux débat citoyen

Dans le royaume, où l’Islam est la religion d’Etat, le burkini fait débat au sein de la société. Sur les plages, burkinis, vêtements et bikinis se côtoient, mais la confrontation entre pro et anti est "bien réelle", selon Jeune Afrique, qui consacre un article à ce sujet. "Cette année encore, le burkini suscite une polémique au Maroc. Les femmes en burkini n’en sont pas à leur premier été de médiatisation. Leur vue suscite curiosité et malaise chez les baigneurs", écrit Jeune Afrique.

Certaines piscines privées interdisent cette tenue, notamment dans les établissements hôteliers, où les touristes sont nombreux. C’est le cas à Marrakech ou à Casablanca, où plusieurs parcs aquatiques ont aussi franchi le pas.

Les autorités ne sont en tout cas pas encore impliquées, mais le maillot intégral représente dans le pays un marché juteux. "Depuis quelques années, les produits turcs à bas prix ont envahi le marché. Dans les souks, cette combinaison intégrale est vendue à partir de 300 dirhams (30 euros)", explique le magazine, qui voit dans ce débat un énième affrontement "entre modernistes et conservateurs". "Les "anti" disent stop à ces tenues qui ne sont pas traditionnelles au Maroc et sont arrivées ces dernières années des pays du Golfe. Les "pour" défendent la liberté individuelle", résume aussi le correspondant de France Info au Maroc.

Charlie Vandekerkhove