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Regret maternel: une mère raconte comment elle a "appris à aimer son enfant"

Certaines femmes témoignent de leur regret d'avoir été mère, un phénomène plus répandu qu'il n'y paraît (illustration).

Certaines femmes témoignent de leur regret d'avoir été mère, un phénomène plus répandu qu'il n'y paraît (illustration). - PIERRE-OSCAR BRUNET / BFMTV

Elles regrettent d'avoir eu des enfants. Comment ces femmes ont réussi à dépasser le regret maternel.

Gwen, une auxiliaire de puériculture de 38 ans qui habite Nantes, est la mère d'un petit garçon de 4 ans. Elle le sait, elle n'aura pas d'autres enfants. La jeune femme explique à BFMTV.com ne pas arriver à "faire le deuil" de sa vie d'avant. Si elle affirme cependant aimer sont fils "de tout (s)on cœur", elle reconnaît que si c'était à refaire, il n'est pas certain qu'elle redeviendrait mère.

Elle n'est pas la seule: depuis peu, la parole se libère autour des difficultés liées à la maternité, souvent idéalisée. Les hashtags #MonPostPartum et #RegretMaternel ont ainsi essaimé ces derniers mois sur les réseaux sociaux. La documentariste Stéphanie Thomas a de son côté rencontré dix femmes qui partagent le sentiment de Gwen. Elle en a tiré un livre, Mal de mères (éd. Jean-Claude Lattès), paru ce mercredi.

"Ces femmes se sentent enfermées dans le statut de mère", analyse-t-elle pour BFMTV.com. "Ça les paralyse. C'est comme une étiquette qui ne leur convient pas, un costume qui n'est pas ajusté."

"Déçue" à l'accouchement

Gwen se souvient qu'elle n'a jamais vraiment eu envie d'avoir un enfant jusqu'à ses 30 ans. "Je travaillais en crèche, ça me suffisait. Et puis j'ai travaillé en maternité, en salle de naissance. Je voyais tous ces parents avec leur bébé et j'ai eu peur de regretter de ne pas avoir vécu ça."

À cette époque, sa sœur aînée vient de dépasser la quarantaine, elle n'aura pas d'enfant, le regrette et s'en émeut auprès d'elle. Gwen est en couple depuis sept ans, installée, "tout le monde nous demandait quand on allait faire un bébé". Avec son conjoint - qui n'était pas non plus pressé de devenir père - ils décident de se lancer.

Après une première fausse couche et des difficultés à concevoir, ils entament un parcours de PMA. Deux ans plus tard, un "miracle" se produit: Gwen tombe naturellement enceinte. Elle accouche de son petit garçon mais les choses ne se passent pas comme elle s'y attendait.

"J'étais déçue. Je n'ai pas eu ce coup de foudre dont tout le monde parle quand la mère voit son enfant pour la première fois. Je ne ressentais pas ça."

"Comme une étiquette qui ne leur convient pas"

Comme pour Gwen, il est parfois difficile pour ces femmes de dépasser ce regret. "Ce sont toutes des femmes fortes, droites dans leurs bottes et qui ont beaucoup réfléchi à ce que représentait la maternité", poursuit Stéphanie Thomas, l'auteure de Mal de mères. "Mais elles ont aussi toutes cette part de fragilité, comme un vernis qui craquelle."

Selon une étude menée sur des parents polonais, quelque 13% de ceux âgés de moins de 40 ans regrettent d'avoir eu des enfants - un chiffre à nuancer car en Pologne, l'IVG est quasi-interdite. En France, aucune étude de ce genre n'a été menée. "Ces femmes se mettent une pression de dingue pour être exemplaires", continue Stéphanie Thomas. "Comme des robots. Elles ont cette image de la mère parfaite et, quelque part, elles essaient de compenser ce regret en étant les plus irréprochables."

Ce que confirme Gwen. La jeune femme explique avoir été "plus dans le soin que dans l'affect" avec son bébé. "Je m'occupais de lui comme des autres bébés de la maternité. En fait, j'avais l'impression d'être au travail, j'étais plus une auxiliaire de puériculture qu'une maman."

"Elles disent qu'elles n'y arrivent pas"

Déborah Schouhmann Antonio, thérapeute en périnatalité spécialiste de la maternité et de l'infertilité, a reçu certaines de ces femmes qui regrettent. "Les mères évoquent un mal-être, que c'est dur, qu'elles n'y arrivent pas, ne s'en sortent pas", pointe-t-elle pour BFMTV.com.

L'impression de ne pas correspondre à des injonctions. "Il y a plus de pression à être une bonne mère qu'un bon père. Un homme qui n'est pas souvent là, on dira qu'il travaille beaucoup. Pour une femme, que c'est une mauvaise mère."

"Mais c'est quoi une bonne mère? Je n'ai pas la définition. Et ce n'est certainement pas à la société de nous le dire. Tout ce que je vois, ce sont des femmes qui font du mieux qu'elles peuvent."

Si c'était l'enfant du voisin, ce serait "pareil"

Un sentiment qui reste tabou pour la plupart de ces femmes. "Très peu en parlent et elles camouflent très bien", remarque Stéphanie Thomas. Si Gwen, pour sa part, l'évoque librement avec ses proches, elle reconnaît que cela a parfois choqué. Sa belle-mère, notamment, qui ne veut pas l'entendre. "Elle n'arrête pas de me demander: 'c'est pour quand le deuxième?' Elle ne comprend pas."

Gwen a néanmoins réussi à tisser des liens avec son fils, surtout depuis qu'il est plus grand, qu'il parle et que les interactions sont possibles. "Je suis plus devenue une maman." Elle a également appris à vivre avec cette ambivalence vis-à-vis de la maternité, un sentiment également observé par Stéphanie Thomas, l'auteure de Mal de mères.

"L'une des mères que j'ai rencontrées m'a dit: 'je pourrais tuer pour mon enfant' et la seconde d'après, elle me disait que si c'était l'enfant du voisin ou d'une copine, ce serait 'pareil' pour elle."

"J'ai appris à l'aimer"

Ces enfants risquent-ils d'être moins choyés, moins aimés? Pour Véronique Borgel Larchevêque, psychologue clinicienne spécialisée en périnatalité, le regret maternel ne joue pas nécessairement sur la relation avec l'enfant.

"Les liens se créent par les sens, le contact physique, la présence", analyse-t-elle pour BFMTV.com. "Peu importe que le parent regrette ou pas, ce n'est pas en lien avec l'amour que l'on porte à son enfant. L'attachement se fait, même si l'on regrette."

Et quand ces femmes parviennent à dépasser ce sentiment de culpabilité très souvent associé, elles finissent en général par l'accepter et cohabiter avec le regret. Si certains moments ont ainsi été difficiles à vivre pour Gwen, elle assure cependant avoir beaucoup appris, notamment sur le plan professionnel dans son accompagnement auprès des mères qui viennent d'accoucher.

"Je le vois tout de suite chez certaines mamans quand elles sont surprises de ne pas avoir ressenti ce coup de foudre à la naissance. Alors je les rassure, je leur dis que c'est la société qui leur impose ça. Beaucoup de mères apprennent à aimer leur enfant. Moi, j'ai appris à l'aimer."
https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV