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Société

Polémique à l'université de Lille 2 après la réflexion sexiste d'un enseignant

Dans un amphithéâtre universitaire à Caen, en 2004 (photo d'illustration)

Dans un amphithéâtre universitaire à Caen, en 2004 (photo d'illustration) - Mychèle Daniau - AFP

Après avoir déclaré "c'est comme les femmes, faut taper dessus deux fois pour qu'elles comprennent", un enseignant de l'université de Lille 2 risque l'exclusion. Il réfute tout sexisme et se défend en évoquant "l'humour noir et l'ironie". Il doit présenter des excuses à ses élèves ce mardi.

La réflexion ne passe pas. Mardi dernier, un professeur de droit de l'université de Lille 2 se prépare à faire cours. Mais il remarque que son micro ne fonctionne pas. Il le frappe alors "contre le bureau", comme le rapporte sur les réseaux sociaux un étudiant présent dans l'amphithéâtre. Et ajoute: "C'est comme les femmes, faut taper dessus deux fois pour qu'elles comprennent".

Une observation peu goûtée par une quinzaine d'étudiants qui décident de partir en signe de protestation. Ce qui fait réagir l'enseignant: "Ça, c'est les féministes qui se lèvent (...) Ça ne me dérange pas tant qu'il n'y a pas des Femen, manquerait plus que ça... Enfin quoi que!" 

Des propos qui "banalisent les violences faites aux femmes"

Le syndicat étudiant Unef a dénoncé dès le lendemain des propos qui "banalisent les violences faites aux femmes". Et a rappelé les chiffres de ces violences. "Chaque année ce sont 164.000 femmes qui subissent des violences conjugales et une femme qui meurt de ces violences tous les trois jours".

"Il n'y a donc pas de quoi prétendre faire de l'humour et encore moins dans le cadre d'un cours à l'université", a insisté l'organisation étudiante, qui a demandé que la direction de l'établissement condamne ces propos et prenne des mesures contre le sexisme.

"Une procédure disciplinaire sera mise en œuvre"

Le lendemain de la condamnation de l'Unef, le président de l'université a réagi lors d'une conférence de presse et s'est dit "très en colère".

"Ce qui s'est passé est tout aussi stupide qu'inexcusable, a déclaré Xavier Vandendriessche, rapporte La Voix du Nord. Les propos tenus sont sans retenue. Il croyait faire un trait d'humour, mais dans un amphithéâtre de 400 ou 500 étudiants, tout enseignant a une certaine responsabilité. Je vais saisir la commission de discipline pour qu'elle instruise une enquête. Une procédure disciplinaire sera mise en œuvre."

"Nous allons tirer profit de cet événement pour que cela ne se reproduise pas", a promis le président de Lille 2, où un groupe de travail sur l'égalité femmes-hommes avait été mis en place à la rentrée 2015, selon le quotidien régional. Dans un communiqué, l'université a également annoncé une campagne de sensibilisation "afin que de tels errements ne se reproduisent jamais".

Mais après avoir rencontré l'enseignant, le président a indiqué au Monde que ce dernier "s'est expliqué et excusé". Et devait à nouveau s'excuser ce mardi devant ses élèves. "Il ne voulait aucunement faire une apologie de la violence faite aux femmes, c'était du second degré", selon lui.

"J'ai dit ça sur le ton de l'humour noir"

De son côté, le professeur a réfuté tout sexisme sur LCI, dénonçant une polémique "disproportionnée". "Les phrases telles qu'elles sont présentées sont exactes. Mais ça a été complètement interprété par quelques étudiants", a confié l'enseignant sous couvert d'anonymat, qui s'est défendu en évoquant une plaisanterie.

"J'ai dit ça sur le ton de l'humour noir et de l'ironie, pour dénoncer la bêtise du sexisme. Ça n'aurait jamais dû être pris au premier degré", a-t-il ajouté, précisant que dans sa carrière d'avocat il avait défendu des femmes victimes de violences conjugales. "Me sentir accusé de sexisme et d'apologie de la violence sur les femmes, c'est une aberration et c'est tellement contraire à ce que je pense." 

Sur France bleu Nord, l'enseignant a indiqué qu'il évoquerait l'incident auprès de ses étudiants pour le "clore" et pourrait proposer "un cours sur l'histoire des idées politiques du féminisme".

"Il paie un peu pour les autres"

Afin de "soutenir un bon enseignant", une pétition a été lancée par des étudiants samedi, évoquant "le droit à l'humour noir". Elle totalisait ce mardi près de 3.000 signatures. Elle dénonce "les conséquences d'une blague malheureuse" dont "l'atteinte à la réputation et à l'honneur d'un mari aimant, d'un père dévoué et d'un enseignant compétent". 

Pour une étudiante interrogée par La Voix du Nord, "le président de Lille 2 a sans doute voulu mettre un coup d'arrêt à des propos sexistes ou moralisateurs récurrents". Et estime "qu'il paie un peu pour les autres".

Céline Hussonnois-Alaya