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Naufrage de migrants: pourquoi est-il si périlleux de traverser la Manche, même par beau temps?

Six exilés afghans sont morts ce samedi en tentant de rallier l'Angleterre. Alors que la traversée entre la France et les côtes anglaises est relativement courte, le passage est extrêmement dangereux pour ces embarcations de fortune.

"Les migrants ont parcouru des milliers de kilomètres semés d'embûches et de là où ils sont, on voit les côtes anglaises donc ils se disent qu'ils n'ont qu'une mer à traverser". Sur BFMTV, Olivier Folcke, pêcheur à Calais et président de l'association le Loup de Mer, donne quelques pistes sur la raison pour laquelle autant de migrants tentent la traversée de la Manche.

"Ils ont réussi à traverser la Méditerranée et se disent 'de toute façon c'est devant nous et on va y aller' mais le passage est très très dangereux", met-il en garde.

Ce samedi, six exilés afghans sont morts dans le naufrage d'une embarcation dans la Manche. Au total, 58 à 59 rescapés ont été secourus.

"Ils prennent tous les risques"

Le passage le plus court pour rallier la France à l'Angleterre part du cap Gris-Nez. De là, la côte anglaise n'est qu'à une trentaine de kilomètres. "Mais à cet endroit, il y a des pointes qui peuvent aller jusqu'à 5 nœuds, soit 8-9km/h", explique Olivier Folcke.

"En plus du courant, il y a le trafic maritime qui est intense: c'est un cargo toutes les 3 ou 4 minutes qui passent à côté de vous", poursuit le pêcheur.

Le détroit du Pas-de-Calais est la voie maritime la plus fréquentée au monde, avec près de 25% du trafic mondial, ce qui constitue un risque important de collision, avec des cargos si gros qu'ils ne peuvent en aucun cas s'arrêter en vue d'un zodiac. D'autant plus que les traversées de migrants s'effectuent généralement la nuit. "Les gros porte-conteneurs font des vagues avec entre deux et trois mètres de creux", ajoute par ailleurs Olivier Folcke. Même par beau temps.

Ce dernier explique également que sur la Manche, les vents sont extrêmement changeants car il s'agit d'un couloir et, qu'en outre, la température de l'eau peut y être très froide. Les personnes secourues sont très souvent retrouvées en hypothermie.

"Ils prennent tous les risques car c'est leur dernière ligne droite avant l'Angleterre", résume le pêcheur, qui a lui-même sauvé plusieurs migrants de la noyade en novembre dernier.

Une mer "déchaînée"

"Les passeurs ont profité de cette fenêtre de beau temps pour lancer ce matin de très nombreux bateaux", explique de son côté Franck Dhersin, vice-président des Hauts-de-France.

Depuis mercredi soir, les tentatives de traversées se sont multipliées: le ministère britannique de l'Intérieur a recensé ce jeudi 755 arrivées, un record journalier depuis le début de l'année.

Toutefois, ces derniers jours, "la mer est trop déchaînée", affirme Olivier Folcke, expliquant que même les bateaux de pêche, plus gros et plus rapides que les bateaux de migrants, ne sortent que très peu en mer.

Contrôles accrus

"Les morts vont continuer à s'accumuler tant qu'on n'aura pas des routes sûres pour faire passer ces populations", déplore auprès de BFMTV Yann Manzi, de l'association Utopia 56.

Il est devenu de plus en plus compliqué pour ces migrants d'accéder aux ports ou au tunnel sous la Manche en raison de contrôles accrus et des dizaines de kilomètres de barbelés haute sécurité qui bordent une partie de la zone. De plus, de nouveaux moyens très sophistiqués ont été développés comme des capteurs de chaleur ou de CO2 pour repérer la moindre présence humaine.

Ainsi, les migrants "essaient" de partir "de plus loin", explique sur franceinfo Thomas Chambon, chargé de mission des maraudes sur le littoral pour Utopia 56. "Il y a de plus en plus de départs du Touquet, ce qui multiplie le temps de traversée par deux ou trois, et les met encore plus en danger", détaille-t-il.

Les autorités estiment à un millier les migrants actuellement sur le littoral Nord de la France dans l'attente d'un passage.

Salomé Robles