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Mort de Steve Maia Caniço: pourquoi la promesse de "transparence" du gouvernement n'apaise pas la colère?

Le ministère de l'Intérieur a promis de faire "toute la transparence" sur la mort de Steve Maia Caniço. Une promesse déjà faite il y a un mois et qui intervient après la publication du rapport contesté de l'IGPN.

Christophe Castaner a certifié mardi dans une interview à Ouest-France que "toute la transparence" serait faite sur la mort de Steve Maia Caniço, lors d'une intervention de police à Nantes le soir de la Fête de la musique. Cette promesse, tardive, intervient après la découverte du corps du jeune Nantais dans la Loire et la publication du rapport d'enquête de l'IGPN sur l'opération de maintien de l'ordre. Mais cet engagement de "transparence" est loin d'apaiser les tensions

• Le rapport de l'IGPN est publié le jour de la confirmation de l'identité du corps

Edouard Philippe a décidé d'annoncer les conclusions du rapport de l'enquête de l'Inspection générale de la Police nationale (IGPN) mardi, soit quelques heures après la confirmation que le corps retrouvé dans la Loire était bien celui de Steve Maia Caniço. Un rapport pourtant daté du 16 juillet, et que le ministère de l'Intérieur avait donc en sa possession depuis deux semaines. Une concordance de calendrier qui ne passe pas auprès de la famille de la victime:

"Au milieu de leur chagrin, alors qu'ils sont étourdis de malheur, ils ont été obligé d'entendre que la police, n'a, selon ce rapport, aucune responsabilité dans sa disparition. On ne laisse même pas un petit temps de recueillement à la famille. Pour moi, c'est extrêmement malheureux", regrette Me Cécile de Oliveira dans les colonnes du Monde

Seule une synthèse d'une dizaine de pages a été rendue publique, sur l'intégralité des plus de 200 pages que compte le rapport de l'IGPN.

• La police enquête sur la police

Il s'agit d'un reproche qui revient à chaque affaire de violences policières. L'institut en charge d'enquêter sur l'une opération de maintien de l'ordre n'est autre que la police elle-même. Pour l'opposition, le rapport de l'IGPN rendu public mardi, qui dédouane les forces de l'ordre et indique que l'intervention de police était "justifiée" ne peut pas avoir été produit de façon indépendante.

"L'IGPN ne réglera pas la question, on estime depuis longtemps que ce n'est pas à la police d'enquêter sur la police", a ainsi déclaré sur BFMTV le député LFI Eric Coquerel.

Une critique partagée par Cécile de Oliveira, qui a dénoncé au micro d'Europe 1 un rapport fait "à la hâte" sans "l'audition de témoins qui étaient dans l'eau au même moment que Steve", sans "l'audition complète des personnes présentes sur les lieux" et sans "l'expertise balistique sur le nombre de projectiles lancés par la police, balles de défense, grenades lacrymogènes". 

• L'IGPN pointe du doigt la mairie qui n'est pas dans son champ d'enquête

Comme nous vous l'expliquions quelques jours après disparition de Steve Maia Caniço, la portion du Quai Wilson où a eu lieu le rassemblement musical durant lequel la police est intervenue le 21 juin au soir n'était pas protégé de barrières.

Un dispositif dénoncé par l'IGPN, qui rappelle aussi que seuls "deux agents d'une société privée de sécurité" avaient été embauchés "afin d'empêcher la foule attirée par les sound systems de tomber dans le fleuve proche". Chargé d'enquêter sur l'action des forces de l'ordre, l'IGPN n'a pourtant pas l'autorité pour juger des prises de décisions de la mairie pour la Fête de la musique.

• L'émotion tardive du gouvernement

Depuis cinq semaines, l'exécutif est resté silencieux sur la disparition de Steve Maia Caniço, et ce, malgré la mobilisation continue des habitants de Nantes, qui demandaient lors de chaque manifestation "Où est Steve?". Durant cette période, l'une des seules déclarations officielles de l'Intérieur s'est déroulée à l'Assemblée nationale le 26 juin, lorsque Christophe Castaner, répondant à à une question de la députée LFI Muriel Ressiguier a adressé "une pensée pour la famille du jeune homme" et déclaré: 

"Un jeune homme a disparu et peut-être est-ce lié à une opération, à une intervention de la police sur laquelle j'ai demandé des explications à la police des polices pour y voir plus clair". 

"Il nous faut sur ce sujet faire toute la transparence", avait-il alors déjà exigé. Progressivement, l'opposition, députés insoumis en tête, s'est emparée de la question. Mais l'Intérieur et le ministère de la Culture n'ont pas été très loquaces envers la famille de la victime.

Depuis ce lundi en revanche, Christophe Castaner a multiplié les déclarations: "Le président de la République et le Premier ministre, avec lesquels nous avons échangé régulièrement, ont tout comme moi été touchés par ce drame", a-t-il notamment déclaré à Ouest-France. Ce mercredi, il a également annoncé avoir "écrit à la famille". Des marques d'attention qui passent pour une "mise en scène politique", selon Aymeric Seassau, adjoint PCF à la maire de Nantes interrogé par Franceinfo

Esther Paolini