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Radicalisation sociale : "la traduction d'un désarroi total"

Un manifestant face aux forces de l'ordre lors d'un rassemblement mardi en soutien aux salariés de Goodyear.

Un manifestant face aux forces de l'ordre lors d'un rassemblement mardi en soutien aux salariés de Goodyear. - -

Le secteur industriel, touché de plein fouet par la crise, fait face à une radicalisation des actions syndicales. Décryptage.

PSA, Goodyear, ArcelorMittal… Les plans sociaux se multiplient dans le secteur industriel, extrêmement touché par la crise. Et les réponses des salariés sont à la mesure de leur désarroi. Dernier fait marquant, les ouvriers d'une fonderie dans l'Allier, sur le point de fermer faute de repreneur, menacent "de tout faire sauter" avant d'être licenciés.

Une radicalisation que craint le gouvernement, comme l'a confié la semaine dernière Manuel Valls sur BFMTV. "La colère sociale, avec les conséquences de la crise économique et financière, la précarité, le chômage, les plans de licenciements, elle est là, elle gronde depuis des années. Aujourd'hui on assiste moins à des mouvements sociaux, qu'à des implosions ou explosions sociales."

Décryptage de ce phénomène avec Françoise Piotet, professeur de sociologie à l'Université Paris I et auteur d'un livre sur la CGT (*).

Assiste-t-on à un durcissement des mouvements sociaux ?

Ce n'est pas nouveau, il y a déjà eu il n'y a pas si longtemps des actions extrêmes. Je me souviens d'ouvriers il y a quelques années qui avaient menacé de déverser des produits toxiques dans les rivières. En revanche, il est certain qu'actuellement, le secteur industriel est très frappé par la crise.

Les syndicats sont-ils parfois dépassés par leurs bases ?

A la CGT, oui. Dans le secteur industriel, les syndicats majoritaires sont la CGT et la CFDT. Lorsque les combats sociaux sont menés par la CGT, ils peuvent assez rapidement se radicaliser et devenir de fait difficiles à gérer. Historiquement, les sections CGT ont toujours été en opposition avec la ligne confédérale. A la CGT, les mots d'ordre ne viennent pas du sommet. Les bases sont très autonomes et décident de leurs actions en fonction de ce qu'il se passe sur le terrain. Ce n'est pas le cas chez la CFDT, qui est plus structurée et organisée.

Manuel Valls a évoqué le risque la semaine dernière d'"explosion sociale". Pourquoi ce phénomène ?

Ces explosions sociales sont la traduction d'un désarroi total lorsque les salariés apprennent qu'ils sont victimes d'un plan social. Il y a une très grande difficulté à anticiper en France, c'est un des problèmes majeurs dans les relations professionnelles. On informe à la dernière minute les représentants du personnel qu'il va y avoir un plan social, et on met les salariés devant le fait accompli, quand le couperet tombe. En Allemagne par exemple, les salariés sont associés à toutes les décisions de gestion et d'orientation de leur entreprise. La mesure d'introduire des salariés dans les conseils d'administration en France va dans ce sens.

(*) La CGT et la recomposition syndicale, Ed. PUF, 2009