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Qui vient à "Nuit debout"? Des sociologues décrivent un mouvement diversifié

Un rassemblement de "Nuit Debout" place de la République à Paris, le 30 avril 2016.

Un rassemblement de "Nuit Debout" place de la République à Paris, le 30 avril 2016. - Miguel Medina - AFP

Des chercheurs ont fait passer des questionnaires en avril place de la République pour mieux connaître le public de "Nuit Debout". Leurs premières conclusions balayent de nombreuses idées reçues.

"Des bobos parisiens", "des punks à chien", ou encore "des étudiants gaucho". Sur "Nuit debout" et son public, beaucoup de choses ont été dites, des clichés ou des avis tranchés la plupart du temps. Face à ces généralités souvent stigmatisantes, une trentaine de chercheurs en sciences sociales se sont relayés place de la République à Paris durant six soirées, entre le 8 avril et le 13 mai, afin de faire passer en face-à-face un questionnaire auquel près de 600 personnes ont répondu.

Après l'exploitation des 328 premiers questionnaires, huit sociologues de l'EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales), du CNRS (Centre National de Recherche Scientifique) et de l'ENS (Ecole Nationale Supérieure) ont présenté les premières conclusions dans une tribune publiée mardi par les sites du Monde et Reporterre. De quoi démonter bien des idées reçues.

> Selon l'heure, l'âge varie

"La palette des âges est très large et varie suivant les heures", écrivent les chercheurs, qui contestent l'idée que le mouvement serait surtout composé de jeunes d'une vingtaine d'années. Cela est surtout faux en début de soirée (entre 18h et 18h30), moment où la moitié de la population a plus de 33 ans et où une personne sur cinq a plus de cinquante ans.

> Les hommes représentent deux tiers du public

Première exception parmi les idées reçues à balayer, le public est bien en majorité masculin, aux deux tiers précisément. Les chercheurs l'expliquent par le fait que le mouvement prend place dans "un espace public urbain et [à d]es horaires tardifs, qui ne favorisent pas la présence des femmes, du fait de possibles engagements familiaux et de l’exposition au harcèlement de rue". Ils rappellent que ce manque de parité "est l’objet de réflexions et d’actions au sein du mouvement, en commissions féministes comme en Assemblée générale".

> Un tiers des participants vient de banlieue

Concernant l'origine géographique des participants, l'étude révèle qu'"un participant sur dix n’habite pas même en région parisienne". Parmi ceux d'Ile-de-France, 37% sont des habitants de banlieue. Et concernant la majorité de Parisiens, les chercheurs indiquent qu'ils viennent surtout de l'Est de la capitale.

> Les diplômés du supérieur et les chômeurs surreprésentés

La deuxième idée reçue confortée par l'étude est le niveau d'éducation des participants: 61% d'entre eux sont diplômés du supérieur long, contre seulement 25% pour l'ensemble de la population française. Pour autant, les chômeurs sont aussi surreprésentés dans le public de "Nuit debout". "Le taux de chômage est de 20 % parmi les participants, soit le double de la moyenne nationale", écrivent les chercheurs, ajoutant que les ouvriers représentent 16% des participants, soit trois fois plus que leur proportion à Paris.

> Deux tiers du public n'a pas manifesté contre la loi Travail

L'amalgame entre "Nuit debout" et la mobilisation contre la loi Travail n'est pas à faire: près des deux tiers des personnes interrogées n'ont pas participé à une manifestation contre le projet de loi El Khomri. Pour autant, le public est largement engagé. Aide aux réfugiés, maraudes, associations de parents d'élèves ou de défense de l’environnement... plus de la moitié des participants à "Nuit debout" a déjà eu un ou plusieurs engagements citoyens, associatifs ou caritatifs. Et la politique n'est pas en reste: "La proportion des enquêtés déclarant avoir déjà été membre d’un parti politique est remarquable dans un contexte de désaffection militante: 17 %", notent les chercheurs, ajoutant que 22% du public interrogé a déjà cotisé à un syndicat.

> 80% des participants ne veulent pas d'une transformation en parti politique

Si certains viennent "'pour regarder', se tenir au courant, ou pouvoir dire qu’ils y ont été", note l'étude, la majorité montre une implication certaine. "Deux enquêtés sur trois ont apporté du matériel ou des denrées, donné de l’argent, pris la parole en Assemblée générale ou participé à une commission", écrivent les chercheurs, ajoutant que "10% des enquêtés sont même devenus des quasi permanents, qui se rendent à la place de République tous les jours". Enfin, concernant l'avenir de "Nuit debout", seules 20% des personnes enquêtées ont déclaré souhaiter la transformation en parti politique.

Ma. G.