BFMTV
Logement

Logements vides réquisitionnés : "Ce n'est pas une spoliation"

Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du Droit au Logement, le 27 décembre 2012.

Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du Droit au Logement, le 27 décembre 2012. - -

La ministre du Logement Cécile Duflot annonce ce jeudi que les bâtiments réquisitionnés ne seront libres qu'à partir de mars. Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du Droit au Logement, le regrette vivement.

Tignasse grisonnante, lunettes sur le nez et sourire goguenard, Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole et co-fondateur du Droit au Logement, use ses semelles depuis une vingtaine d'années sur le bitume afin de venir en aide aux mal-logés. Ardent défenseur de la réquisition des immeubles vides, "une procédure qui doit devenir normale" selon lui, il confesse sa déception de voir le gouvernement actuel "traîner" sur ce sujet. Jeudi, la ministre du logement a en effet annoncé que les premières mises à disposition d'immeubles réquisitionnés ne se feraient pas avant fin mars.

En 2012, près de 27.000 ménages ont attendu un logement en Ile-de-France. Or, il y a là environ 330.000 logements vacants. Comment l'expliquer ?

Oui, et parmi ces 330.000 logements vides, 27.000 sont des logements HLM en attente de destruction ou de réparations. Sauf que cette attente dure parfois plusieurs années ! Le système est aberrant. Selon nous, il faudrait la réquisition de 100.000 logements en France, dont 50.000 en Ile-de-France, pour faire avancer d'un grand pas la situation des sans-abri.

Selon la ministre Cécile Duflot, la mise à disposition de certains bâtiments ne se fera pas avant mars. Trop tard selon vous ?

Bien sûr. Il y a deux procédures pour effectuer des réquisitions. L'une date d'une ordonnance de 1945 et permet d'installer des sans-abri dans un logement vide depuis plus de six mois, pour une durée d'un an, renouvelable chaque année, moyennant une indemnisation pour le propriétaire. L'autre procédure provient d'une loi de 1998. Le gouvernement, pour des raisons que j'ignore, a choisi la procédure de 1998. Or, elle est plus longue, ne vise que les personnes morales (et non les particuliers, ndlr), les logements vacants depuis au moins douze mois, et permet plus aisément aux propriétaires de s'y soustraire. C'est dommage.

Certaines voix s'élèvent contre les réquisitions en invoquant le "traumatisme" des propriétaires. Qu'en pensez-vous ?

Il faut remettre les choses à leur place : le véritable traumatisme, c'est celui que vivent les familles à la rue, qui ne savent pas où elles vont dormir le soir même, qui ne savent pas si elles pourront amener leur enfant le lendemain à l'école. Ce n'est pas celui des riches héritières exilées fiscalement qui ont un immeuble vide à Paris ! Le logement est devenu un bien spéculatif, or rappelons nous qu'il sert avant tout à loger des gens. Il est normal que l'Etat utilise temporairement des biens immobiliers vides à des fins sociales. Ce n'est pas de la spoliation.

RTL évoque ce matin la fermeture d'hôtels sociaux en Ile-de-France. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Un propriétaire, qui gère au moins quinze hôtels sociaux, va fermer sept d'entre eux, à Paris et à la Plaine-Saint-Denis. Les gens qui y vivent, près d'un millier, sont principalement des femmes seules avec leurs enfants. Pour elles, et pour les autres, qui vivent là pour la plupart depuis plusieurs années, il est hors de question de se retrouver à la rue, balloté d'hôtel en hôtel : une semaine à Saint-Denis, une autre à Montreuil, une autre dans le 18e... Cela signifie une scolarité impossible pour les enfants, et un emploi difficile à garder pour les adultes. Sans autre solution stable de relogement, ces gens ne partiront pas de leurs chambres. Nous sommes en hiver, ce n'est pas le moment de fermer des hôtels sociaux.

Ces chambres coûtent entre 1.800 et 3.000 euros par mois. N'est-ce pas totalement ubuesque ?

Bien sûr que oui, car pour ces prix-là, les gens pourraient bénéficier d'un véritable appartement, bien plus luxueux et confortable qu'une chambre dans un hôtel social. C'est pour cela que nous réclamons la construction de logements sociaux. Mais en attendant que ce soit fait, nous avons besoin de ces hôtels.

|||Réquisition : comment ça marche ?

La loi Duflot adoptée le 18 décembre dernier instaure le fait que les logements vacants depuis plus de douze mois et appartenant à des personnes morales (entreprises, administrations, etc.) peuvent être réquisitionnés par l'Etat. Lorsqu'un bien immobilier est identifié comme tel, le préfet envoie un courrier au propriétaire. Pour échapper à une réquisition, ce dernier doit présenter un projet d'utilisation du bien sous deux ans. S'il ne le fait pas, la réquisition devient effective sous trois à quatre mois. Le propriétaire touche alors une indemnisation inférieure à un loyer HLM. Le bail est renouvelable chaque année, pour une durée de six ans maximum.