BFMTV
Société

"J'ai rajeuni de 20 ans": le premier homme greffé deux fois du visage témoigne

Cette prouesse médicale a été réalisée à l'hôpital européen Georges-Pompidou de Paris, par une équipe menée par le professeur Laurent Lantieri. Il a effectué en 2010 la première greffe totale du visage en France.

Au cours de sa vie, Jérôme Hamon aura eu trois visages. Agé de 43 ans, ce Français a été greffé du visage une deuxième fois en janvier dernier, et cette opération constitue une première mondiale. Atteint d'une maladie génétique qui déforme son visage, la neurofibromatose de type 1 (maladie de von Recklinghausen), il a reçu une première greffe en 2010.

En 2015, à l'occasion d'un banal rhume, il est soigné par un antibiotique incompatible avec son traitement immunodépresseur. En 2016 il commence à montrer des signes de rejet chronique, et le visage se dégrade. À l'été 2017 il est hospitalisé, et en novembre, son visage greffé, qui présente des zones de nécrose, doit lui être retiré.

"C’est la première fois qu’on retransplante un patient qui avait eu une première greffe de face", témoigne sur BFMTV le professeur Laurent Lantieri, qui a dirigé l'équipe chargée de cette prouesse médicale et technique à l'hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris.

L'angoisse de ne pas trouver de donneur

En 2010, ce chirurgien plastique a réalisé en France la première greffe entière du visage sur ce même patient, à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, près de Paris. Elle a consisté à prélever l'intégralité du visage d'une personne décédée, bouche, paupières et système lacrymal comprise, afin de la transplanter sur Jérôme Hamon. 

"Mon angoisse, c’était de ne pas trouver de donneur compatible" pour la deuxième greffe, poursuit-il, hanté à l'époque par l'idée de ne pas savoir combien de temps il faudrait attendre.

L'attente a finalement duré quasiment trois mois, entre le retrait du premier greffon et la deuxième transplantation. Un laps de temps pendant lequel le patient a vécu sans visage, dans sa chambre d'hôpital, sans pouvoir voir, parler, ni entendre.

"Eberlué" par le courage du patient

"Une personne qui se retrouve sans visage, et puis dans l’attente d’un hypothétique greffon pour une durée inconnue, c'est quelque chose que personne n’avait jamais vécu ici. Je suis éberlué par le courage du patient qui a pu traverser une épreuve pareille", explique Bernard Cholley, chef de service en anesthésie réanimation cardio-vasculaire.

Pour réaliser la deuxième intervention, il a fallu nettoyer tout le sang du patient, afin de permettre à la greffe de prendre. Entre le début du prélèvement sur le donneur, à 400 kilomètres de Paris, et la sortie de Jérôme Hamon du bloc opératoire, 36 heures se sont écoulées.

"J'ai 43 ans, le donneur avait 22 ans, donc j'ai rajeuni de 22 ans", confie-t-il avec humour à BFMTV, évoquant une intervention bénéfique. "Je me sens très bien. J'ai hâte d'être libéré de tout ça", a-t-il ajouté à l'AFP.

Une trentaine de greffes dans le monde

Encore hospitalisé trois mois après l'intervention, il subit de lourds traitements et a des difficultés d'élocution. Trois mois après l'intervention, il espère aujourd'hui poursuivre les soins chez lui dans les prochaines semaines. 

La première greffe du visage au monde, partielle, a été effectuée en 2005 par l'équipe du professeur français Bernard Devauchelle. Elle avait bénéficié à Isabelle Dinoire, une femme de 38 ans défigurée par son chien et morte en avril 2016 d'une tumeur maligne. Depuis 2005, seule une trentaine de greffes du visage ont été réalisées dans le monde.

C.V. avec Margaux de Frouville et Vincent Deby