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Société

Harcelée dans un bus à Toulouse, une adolescente dénonce la passivité du chauffeur

Un bus du réseau de transports en commun de Toulouse (photo d'illustration)

Un bus du réseau de transports en commun de Toulouse (photo d'illustration) - Jean-Pierre Muller-AFP

Une jeune fille de 16 ans agressée vendredi dans un bus à Toulouse dénonce l'inaction du chauffeur malgré une récente campagne qui invite les victimes à alerter les agents Tisséo, le réseau de transports en commun de la Ville rose. Une enquête interne a été ouverte.

Une nouvelle affaire qui illustre la difficulté de faire prendre conscience de la gravité du harcèlement dans les transports. Alors que Tisséo, le réseau de transports en commun de Toulouse et de sa région, a lancé il y a quelques jours une campagne de communication contre le harcèlement, une adolescente de 16 ans, harcelée par un passager dans un bus, dénonce l'inaction du chauffeur.

"Il commence à défaire sa braguette"

Vendredi en fin de journée, alors qu'Eva sort du lycée et monte dans un bus dans le centre de la Ville rose, un homme l'interpelle. Comme elle le raconte au journal de la mi-journée de France 3, il lui fait des avances. "Je lui explique que je ne suis pas intéressée. Je prends le bus, je ne veux pas me faire draguer, je veux être tranquille." Mais cela ne le décourage pas. Et amuse même les autres passagers.

"Comme je l'ai rejeté, il a commencé à me dénigrer avec des remarques sexistes, des blagues sur le fait que je suis belle sans mon visage. Et les gens rigolaient. En plus de ça, il commence à défaire sa braguette. Je lui explique que je suis mineure, que ses remarques sont déplacées, que son comportement est désobligeant."

Comme le recommandent les récentes consignes de Tisséo en cas de harcèlement, Eva se tourne vers le chauffeur et lui demande son aide. "Je lui explique qu'un homme me dérange. Il me dit: 'Ah oui oui, je sais, une autre femme est venue se plaindre déjà parce que tout à l'heure, il l'a insultée'. Il me dit qu'il ne peut rien faire." Le chauffeur lui aurait par ailleurs recommandé de porter plainte et d'appeler Tisséo, mais n'avait pas de numéro à lui communiquer, a-t-elle également raconté à franceinfo

"Votre campagne pour vous donner bonne conscience?"

La jeune fille est contrainte de descendre du bus, et non le harceleur, et de rentrer chez elle à pied. Eva, en pleurs, appelle sa mère et lui raconte la scène qu'elle vient de vivre. Cette dernière contacte immédiatement Tisséo. Indignée par son attitude, Stéphanie Lamy relate l'incident sur Twitter.

Elle réclame une sanction pour le chauffeur et interpelle le réseau de transports en commun quant à la sincérité de sa campagne sur le harcèlement. "Votre campagne d'affichage (...) c'était juste pour vous donner bonne conscience?"

Jean-Michel Lattes, premier adjoint à la mairie de Toulouse en charge des déplacements et président de Tisséo-Collectivités, lui a répondu le lendemain, jugeant l'incident "inacceptable". Il assure avoir demandé une enquête interne. Et appelle à une sanction. "L'attitude de ce chauffeur est totalement contraire aux formations qu'il a reçu", ajoute-t-il. Stéphanie Lamy sera informée "des suites qui seront données".

"On n'a aucune formation spécifique"

Romain de Montbel, le responsable des exploitations du réseau de transports en commun, a quant à lui déclaré à France bleu Occitanie qu'il était "trop tôt pour parler de dysfonctionnements". "Ce sont des faits graves et nous les prenons très au sérieux. Nous avons reçu ce lundi le conducteur en interne pour qu'il puisse nous donner sa version et nous recevrons mardi la plaignante pour qu'elle nous explique ce qu'il s'est passé." 

Selon lui, les conducteurs sont formés à gérer des incidents avec les passagers. "Ils doivent alerter, orienter les victimes vers des dépôts de plainte et des prises en charge si besoin". Mais reconnaît que sur le harcèlement, les formations débutent tout juste. 

Ce n'est pas ce que déclare Guy Daydé, de la CGT Tisséo, à la radio régionale. "On n'a aucune formation spécifique quant à ces problèmes de harcèlement." Et ajoute: "il est interdit de quitter notre poste de conduite."

"Ce qui me sidère le plus, c'est que personne ne dise rien"

Ce mardi après-midi, Stéphanie Lamy a été reçue par Tisséo. Elle a partagé sur Twitter les échanges qu'elle a eus avec le réseau de transports toulousains. Elle regrette que seul "le personnel encadrant" ait été "sensibilisé" à la question du harcèlement, et craint que les conclusions de l'enquête interne ne soient pas communiquées.

Eva a quant à elle déposé plainte mais reste choquée, d'autant plus par l'attitude des passagers, qui n'ont pas réagi. "Ce qui me sidère le plus, c'est qu'en 2018, ça soit encore acceptable un tel comportement, que personne ne dise rien."

Céline Hussonnois-Alaya