BFMTV
Politique

Nouvelle contravention et éducation des plus jeunes, les pistes des députés contre le harcèlement de rue

Le rapport parlementaire sur la verbalisation du harcèlement de rue est remis ce mercredi. Il préconise la création d'un outrage sexiste et sexuel puni d'une amende de 90 euros.

Une amende de 90 euros pour outrage sexiste et sexuel. Le rapport parlementaire sur la verbalisation du harcèlement de rue est remis ce mercredi à Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, Nicole Belloubet, ministre de la Justice, et Marlène Schiappa. Commandé par la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et rédigé par cinq députés, il formule 23 recommandations. Première d'entre elles: la création d'une contravention d'outrage sexiste et sexuel.

Une contravention d'outrage sexiste et sexuel

Cette amende, d'un montant de 90 euros, pourrait être majorée jusqu'à 350 euros, sans besoin pour la victime de déposer plainte. Le groupe de travail a estimé qu’il était nécessaire de définir une nouvelle infraction "visant à sanctionner cette zone grise que sont, entre autres, les gestes déplacés, les sifflements, les regards insistants ou remarques obscènes, le fait de suivre volontairement à distance une personne, créant ainsi une situation d'angoisse".

Car selon eux, le harcèlement de rue s'inscrit "dans le continuum des violences sexistes et sexuelles que les femmes rencontrent tout au long de leur vie, dès leur plus jeune âge, tout en contribuant au maintien de rapports inégalitaires entre les femmes et les hommes".

"Les femmes représentent 82% des victimes de gestes déplacés, dont certains d'entre eux constituent des agressions sexuelles", rappelle le rapport, citant une étude de l'Insee. "La drague importune, le harcèlement et les atteintes sexuels ainsi que les violences sexuelles (...) touchent plus d'une femme sur cinq", pointe-t-il encore, évoquant des chiffres de l'Ined.

"Outrage" plutôt que "harcèlement"

Le groupe de travail a ainsi préféré le terme d'"outrage" à "harcèlement". Selon eux, "l'appellation 'harcèlement', de plus en plus floue, fourre-tout et médiatisée à outrance, s'est vidée de toute substance. D'autant que cette expression ne reflète pas véritablement le spectre large des faits s'y rapportant". Les députés recommandent par ailleurs d'employer le terme d'"espace public" plutôt que "rue" qu'ils considèrent "trop restrictif".

Les élus précisent par ailleurs que le phénomène de répétition du harcèlement "vécu par la victime" n'est pas forcément "le fait d'un même auteur". Le document formule ainsi une définition précise de ce nouvel outrage:

"Constitue un outrage sexiste et sexuel le fait d'imposer, dans l'espace public, à raison du sexe, de l'identité ou de l'orientation sexuelle réelle ou supposée de la personne ou d'un groupe de personnes, tout propos ou comportement ou pression à caractère sexiste ou sexuel qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit qui crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante."

Un stage dédié à la lutte contre le sexisme

Cette nouvelle infraction devrait permettre de "poser un interdit social" et de reconnaître le statut de victime aux femmes subissant ces comportements.

"Elle aura aussi pour effet d'encourager les jeunes filles à dire non, à avoir conscience de leur dignité, à savoir qu'elles n'ont pas à subir ce type de comportements", précise le document.

En plus de cette contravention, les députés Sophie Auconie, Laetitia Avia, Erwan Balanant, Elise Fajgeles et Marietta Karamanli recommandent la création d'un stage dédié à la lutte contre le sexisme et à la sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes. Mais pour cela, les députés pointent la nécessité de la part du gouvernement d'engager des moyens financiers supplémentaires "dès le budget 2019".

Affichage public et annonces dans les transports

Les co-auteurs estiment ainsi nécessaire la mise en place d'un affichage public "pour rappeler la nature de la nouvelle infraction et la peine encourue". Un affichage tout autant pédagogique que dissuasif:

"Cette rue (ou autre) est un espace public. Il est interdit d'y imposer, à raison du sexe, de l'identité ou l'orientation sexuelle supposée ou réelle d'une personne, tout propos ou comportement ou pression à connotation sexiste ou sexuelle qui soit porte atteinte à sa dignité."

Les députés souhaitent également que des campagnes de communication soient organisées dans les transports en commun, "au même titre que les annonces sonores faites sur la présence de pickpockets". Avec la diffusion d'un message du type: "Attention: l'outrage sexiste et sexuel est une infraction. Signalez-nous tout comportement offensant ou intimidant."

Le rôle de l'éducation dès le plus jeune âge

Mais pour les co-rapporteurs, la lutte contre le harcèlement sexuel et sexiste ne doit pas se limiter à la seule création d'une contravention. "Le sexisme et les comportements qui en résultent reposent sur des traditions culturelles et des représentations stéréotypées (...) Ainsi l'éducation reste la meilleure solution pour endiguer les discriminations et toutes les formes de harcèlement. Elle passe par la sensibilisation dès le plus jeune âge des valeurs d'égalité et de respect mutuel entre les filles et les garçons." Et invite le ministère de l'Éducation nationale à prévenir et sensibiliser contre les violences sexistes et sexuelles, repérer et prendre en charge les élèves victimes mais aussi former les personnels.

Concrètement, les députés envisagent la mise en place d'une attestation scolaire de prévention des violences et de l'égalité filles-garçons sur le modèle de l'actuelle attestation de sensibilisation à la sécurité routière. Attestation qui serait exigée pour être convoqué à la Journée défense et citoyenneté obligatoire. "Elle deviendrait ainsi une nouvelle étape du parcours citoyenneté", pointe le rapport.

Le document formule enfin des recommandations dans d'autres secteurs, mais que les élus jugent tout autant nécessaires dans le cadre de la lutte contre le harcèlement de rue: faire évoluer le cadre législatif pour mieux punir les auteurs de cyber-harcèlement, mettre en place des arrêts à la demande dans les bus et endiguer les stéréotypes sexistes dans la publicité.

Céline Hussonnois-Alaya avec Charlie Vandekerkhove