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Un professeur devant chaque élève: pourquoi cette promesse d'Emmanuel Macron est difficile à tenir

En dépit de la volonté présidentielle, il manque en moyenne un professeur dans près de la moitié des collèges et des lycées. Plus que les arrêts-maladies, ce sont surtout les contraintes de service et les difficultés à mobiliser des remplaçants qui expliquent la situation.

Un engagement qui n'a pas été tenu, deux semaines à peine après la rentrée scolaire. Si Emmanuel Macron avait affirmé fin août qu'il y aurait bien "un professeur devant chaque élève" tout comme le ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal, le pari est raté. Selon une étude du syndicat national des enseignants du second degré (Snes-Fsu), réalisée dans 500 établissements et révélée ce lundi par franceinfo, il manque au moins un professeur dans près d'un collège et lycée sur deux.

Des absences liées à des obligations de service

Régulièrement réitérée par l'exécutif, la promesse est très compliquée à tenir, même si des marges de progression existent bel et bien. Souvent présentées comme un phénomène global, les absences des professeurs ont en réalité deux versants: d'un côté, les absences pour motifs personnels comme les arrêts maladie (34%) mais aussi des contraintes de service liées directement à l'Éducation nationale, elle-même comme la formation continue, les examens, les sorties scolaires...

Ces "trous" dans les emplois du temps des élèves recouvrent également des réalités bien différentes. D'après un rapport de la Cour des comptes de décembre 2021, 80% des professeurs des écoles sont remplacés dès le premier jour d'absence, très loin des chiffres des collèges et des lycées.

Pour les élèves du secondaire, ce sont ainsi 10% des heures de cours qui ont été "perdues" pour l'année scolaire 2018-2019, soit 24% de plus que l'année précédente.

Un vivier de professeurs titulaires remplaçants de moins en moins fourni

Si cette situation n'est pas nouvelle, elle n'existait pas jusqu'à la fin des années 50. En cas de professeurs absents, les élèves étaient accueillis en "permanence" où ils étaient surveillés ou encadrés par ce qu'on appelait alors des "maîtres d'études" oui des "maîtres répétiteurs". Ce corps a ensuite été supprimé.

L'Éducation nationale a organisé l'embauche de professeurs titulaires spécialisés dans le remplacement des absences dans les années 80.

Problème: si ce vivier existe toujours, il devient de plus en plus limité avec les difficultés à recruter de nouveaux professeurs. Selon la DEEP, le service statistique de l'Éducation nationale, plus de 8% des enseignants sont remplaçants dans le primaire contre 2,7% dans le secondaire.

2 millions d'heures non remplacés dans les collèges et les lycées

Ces chiffres sont également liés aux difficultés à combler les absences de courte durée des professeurs, là où dans le primaire, en plus des enseignants remplaçants, les enfants peuvent être mélangés dans les autres classes.

Résultat: ces absences courtes dans les collèges et les lycées représentent à elles seules presque 2,5 millions d'heures, dont seulement 500.000 environ sont remplacées.

Si la situation n'est pas nouvelle, elle est de moins en moins bien vécue par les familles. En cause notamment: les absences des professeurs sont désormais directement signifiées via Pronote, un outil d'information en temps réel.

Éviter les organisations des examens pendant le temps de cours

Parmi les pistes évoquées par la Cour des comptes pour pallier ce phénomène, on trouve la chasse aux absences institutionnelles. Le rapport de la Cour des comptes appelle à ce que "l'institution scolaire fasse en sorte que l'organisation des examens, des concours ou des réunions pédagogiques ne morde pas systématiquement sur le temps des élèves".

"Les stages de formation doivent avoir lieu en dehors du temps d'enseignement", écrivent encore les magistrats.

De quoi pousser Emmanuel Macron à annoncer en juillet dernier que la formation continue des professeurs se ferait désormais "hors du temps de présence des élèves", sans guère de précisions depuis.

La Cour des comptes juge cela faisable en pointant du doigt l'écart entre le temps de travail des fonctionnaires que doivent sur le papier les enseignants (1607 heures par an) et la réalité de leur obligation de service (972 heures pour un professeur du premier degré.

Le Pacte enseignant peine à décoller

Autre possibilité pour éviter les absences non remplacées: "inscrire le remplacement dans les missions des enseignants" avec l'intégration d'un forfait annuel d'heures de remplacement.

Le gouvernement a lancé une autre option: celle du Pacte enseignant, qui vise à permettre aux professeurs volontaires de remplacer leurs collègues absents en échange d'une meilleure rémunération.

Les professeurs qui signent ce pacte seront mobilisables dix-huit heures par an et sur des créneaux horaires fixes d’au moins une heure par semaine durant lesquels ils ne pourront refuser d’intervenir, qu'ils enseignent ou non la même discipline que le professeur absent et qu'ils enseignent devant une classe qu'ils connaissent ou non.

Des difficultés de recrutement criantes

Pour l'instant, le Pacte enseignant est loin de susciter l'adhésion et ne semble pas en mesure de combler les absences devant les élèves. Sans chiffre précis à avancer pour l'instant, Emmanuel Macron a reconnu lui-même chez le vidéaste HugoDécrypte lundi dernier qu'il fallait "toujours convaincre, expliquer" pour que ce dispositif porte ses fruits.

Reste un dernier problème: celle du manque criant de professeurs dans certaines matières.

"C'est compliqué de remplacer un prof qui est absent pour une certaine durée mais remplacer un prof qui n'existe pas alors qu'il y a une classe qui l'attend, c'est mission impossible", nous résume l'historien de l'Éducation nationale Claude Lelièvre.

3000 contractuels pour pallier les manques

Parmi les matières qui n'arrivent plus à recruter de professeurs, ce sont les matières scientifiques qui souffrent le plus avec les sciences de l'ingénieur, les mathématiques et la physique-chimie.

3000 contractuels ont été embauchés par le ministère de Gabriel Attal pour colmater les absences. Une solution temporaire qui ne résoudra pas la crise sur le long terme, selon Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU sur BFMTV.

"L'urgence pour attirer plus de monde au concours et recruter davantage, c'est bien des mesures salariales beaucoup plus importantes que ce qui a été fait l'année dernière", revendique-t-elle.

En avril, des augmentations pouvant aller jusqu'à 11% en début de carrière ont été annoncées.

Marie-Pierre Bourgeois