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"Stress", "peur" et programme non bouclé: les lycéens abordent les épreuves de spécialité du bac avec appréhension

Des lycéens lors d'une épreuve du baccalauréat (photo d'illustration)

Des lycéens lors d'une épreuve du baccalauréat (photo d'illustration) - Richard Bouhet - AFP

Les épreuves de spécialité, l'une des nouveautés de la réforme du bac, se tiennent ces lundi, mardi et mercredi et pour la première fois au mois de mars. Témoignages de lycéens stressés et profs inquiets.

"Je ne me sens pas prête du tout." Divine, 17 ans, planchera dans quelques jours sur les épreuves de spécialité du baccalauréat qui sont organisées ces lundi 20, mardi 21 et mercredi 22 mars. Innovations prévues par la réforme du bac, ces épreuves de spécialité - trois enseignements de spécialité à choisir en classe de première pour n'en conserver que deux en terminale - se tiennent pour la première fois au mois de mars.

Car si la réforme du bac prévoyait dès le départ que ces épreuves aient lieu au printemps, la crise sanitaire a perturbé leur mise en place. Le Covid-19 a en effet bousculé le calendrier ces deux dernières années: en 2022 les épreuves de spécialité ont été reportées au mois de mai et en 2021 - année d'entrée en vigueur de la réforme - elles ont été annulées au profit du contrôle continu.

Valentin, 17 ans, évoque son "stress". D'autant plus que c'est pour lui, et pour tous les jeunes nés en 2005, sa toute première épreuve en conditions réelles. "En 3e, on n'a pas passé le brevet (en 2020, le brevet a également été évalué au contrôle continu du fait du contexte sanitaire, NDLR)", se souvient-il pour BFMTV.com.

"L'année dernière, pour le français, l'épreuve a été aménagée. Là, ce sera notre premier vrai examen. Ça fait un peu peur."

Le lycéen confie également son sentiment "étrange" de passer des épreuves dès le mois de mars. "C'est bizarre, parce que c'est le stress de passer le bac au milieu de l'année, deux semaines après les vacances d'hiver", témoigne-t-il pour BFMTV.com.

"Toute l'année, ça a été la course"

Un point sur lequel les enseignants sont unanimes: "c'est trop tôt", dénonce Jules Siran, professeur d'histoire-géographie et cosecrétaire fédéral de Sud-éducation. "Les élèves n'ont eu que six mois pour travailler les programmes et se préparer aux épreuves, c'est trop court." Il considère même que des épreuves qui se déroulent au mois de mars "n'ont aucun sens". Son syndicat appelle d'ailleurs à leur report en juin.

Pour Jérôme Fournier, également professeur d'histoire-géographie et secrétaire national éducation du SE-Unsa, le calendrier est inadapté. "Même si les épreuves ne portent pas sur l'ensemble du programme, il a fallu boucler les programmes au pas de charge", déplore-t-il pour BFMTV.com.

Ce que confirme Violette, une élève de terminale de 17 ans. "Toute l'année, ça a été la course", raconte-t-elle à BFMTV.com. "En mathématiques, il fallait s'accrocher." Pas mieux en physique-chimie, son autre spécialité.

"On enchaînait les chapitres. Et pour certains, on n'en voyait que la moitié en cours."

Au point que certains enseignants s'interrogent sur ce que vont en retenir les élèves. "On peut toujours boucler le programme toujours plus vite, mais sans garantie que les lycéens, notamment les plus fragiles, maîtrisent les contenus pour l'examen", pointe pour BFMTV Pierre Priouret, professeur de mathématiques et secrétaire général du Snes-FSU pour l'académie de Toulouse.

"On sait bien qu'on ne peut pas préparer dans de bonnes conditions des épreuves qui se tiennent au mois de mars."

"On n'a pas bouclé le programme"

Divine, interrogée plus haut, confie avoir également "beaucoup d'appréhension", elle qui révise pourtant depuis trois semaines. Parce que pour l'un de ses enseignements de spécialités - en l'occurrence les sciences économiques et sociales (SES) - le programme n'a pas été bouclé en classe.

"Pour tout le chapitre sur l'action publique pour l'environnement, je n'ai qu'une sous-partie", s'inquiète-t-elle pour BFMTV.com. "J'ai peur qu'on tombe là-dessus au bac."

Si son établissement a ainsi proposé toute la semaine précédant l'épreuve des cours de rattrapage, Divine craint que ce ne soit pas suffisant. "Sur la méthode, je n'ai pas tout compris. La dissertation, par exemple, je la sens pas du tout."

Pour Valentin, le programme de SES - qui est également l'un de ses enseignements de spécialité - a quant à lui été bouclé lors de son avant-dernier cours. "Il nous restera une séance pour réviser, et vendredi aussi." Car Pap Ndiaye, le ministre de l'Éducation nationale, a annoncé mardi que les lycées pourraient consacrer la journée de vendredi aux révisions des épreuves de spécialité.

"Ça revient à abandonner les élèves"

Une aberration, s'indigne encore Pierre Priouret, responsable au Snes-FSU du groupe mathématiques - la spécialité la plus choisie. Quelque 56% des élèves de terminale générale suivent en effet un enseignement dans cette discipline. "Les établissements ne peuvent pas réorganiser en deux jours tout l'emploi du temps d'un niveau. Et cela peut créer des situations injustes pour ceux qui pourront et ceux qui ne le pourront pas."

Ce professeur de mathématiques s'alarme d'une situation "confuse" et d'une décision prise dans la "précipitation". "Sans compter qu'à la veille d'un examen, ce ne sont pas des conditions idéales pour assurer la sérénité des épreuves." Le ministre a également évoqué la possibilité de "temps libéré" pour les élèves de terminale. Mais pour Pierre Priouret, cela signifie renvoyer les élèves chez eux.

"Ça revient à les abandonner."

Si le lycée d'Alix est de ceux qui libèrent les élèves de terminale vendredi, la jeune fille a décidé de prendre de la marge et de sécher les cours jeudi après-midi. "Je révise depuis les vacances mais les profs n'ont pas tellement eu le temps de nous faire faire beaucoup de méthodologie", regrette pour BFMTV.com la jeune fille de 17 ans.

"On n'a eu qu'une seule fois, depuis le début de l'année, un devoir de quatre heures comme ce qu'on aura au bac."

"Parcoursup rajoute un peu de pression"

Au stress de ces premières épreuves printanières du bac s'ajoute celui de l'orientation dans l'enseignement supérieur. Ce que confirme Valentin.

"C'est clair que Parcoursup rajoute un peu de pression."

Si Divine a plutôt obtenu de bons résultats lors de ses deux bac blancs - 13,5/20 en SES et 17/20 pour son autre spécialité langues, littératures et cultures étrangères et régionales en anglais - elle s'inquiète de l'importance de ces notes pour son futur.

"Je voudrais faire du droit international mais c'est une filière sélective. Le résultat du bac, c'est en juillet, mais l'admission dans cette formation, c'est en juin. Si je ne suis pas prise, est-ce que ce sera à cause d'une mauvaise note à ces épreuves?" s'interroge-t-elle déjà.

Car les épreuves de spécialité sont dotées d'un coefficient 16 et représentent donc à elles seules 32% de la note finale du bac. Ce qui affole également Alix. La lycéenne vise un minimum de 14/20 aux deux épreuves - histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques (HGGSP) et humanités, littérature et philosophie (HLP).

"Je suis de nature angoissée, j'essaie de ne pas trop y penser mais j'ai choisi des doubles licences avec seulement 10% d'admis. Les notes du bac compteront beaucoup." Les résultats seront connus le 4 juillet.

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV