BFMTV
Education

Sécurité dans les écoles: des consignes difficilement applicables

La rentrée des classes à Marseille en septembre 2016 (photo d'illustration)

La rentrée des classes à Marseille en septembre 2016 (photo d'illustration) - Anne-Christine Poujoulat-AFP

Contrôle des sacs des élèves ou de l'identité des personnes extérieures à l'établissement, attroupement des fumeurs sur le trottoir: plusieurs consignes de sécurité du ministère de l'Éducation nationale semblent difficiles à mettre en pratique.

Rentrée scolaire sous le signe de la sécurité. Nombre de policiers ont été mobilisés en renfort devant les établissements lundi. Certaines écoles ont même mis les bouchées doubles pour que la reprise des classes se fasse en toute quiétude, entre alarme anti-intrusion, interphone, vidéosurveillance et tourniquets d'accès. Officiellement, les recommandations du ministère de l'Éducation nationale n'en exigent pas tant.

Fouille des sacs et contrôle d'identité

Selon le dispositif de sécurité préconisé par les autorités, un adulte doit être présent à l'entrée de l'établissement pour accueillir les élèves, les sacs doivent être contrôlés et l'identité des personnes extérieures vérifiée si elles souhaitent pénétrer l'enceinte.

Rien de nouveau, estime Joël Lamoise, secrétaire national du Snpden-Unsa, le syndicat des chefs d'établissements. Selon lui, certaines de ces préconisations étaient déjà en vigueur. "Au collège, il y a déjà un adulte qui contrôle à l'entrée", indique-t-il à BFMTV.com. "Au lycée, c'est aussi souvent le cas."

Pour d'autres, c'est de la poudre aux yeux. Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes-FSU, le syndicat des enseignements du second degré, estime que nombre de ces recommandations sont inapplicables. "Il nous est impossible de fouiller les élèves, nous n'en avons pas le droit", regrette-t-elle pour BFMTV.com. "Seule la police peut le faire." Sans compter que dans certains établissements, comme les lycées techniques ou professionnels, il est fréquent que des personnes extérieures à la communauté éducative soient accueillies.

"Dans le cas de formations hôtelière, de métiers de bouche ou de mécanique, des personnes viennent déjeuner, faire réparer leur voiture. Si le gardien à la loge peut leur demander qui elles sont, il n'a cependant pas le droit d'exiger leur pièce d'identité. C'est le même problème pour les parents d'élèves."

  • Exercices et failles de sécurité

Durant l'année scolaire, chaque établissement a par ailleurs l'obligation de réaliser trois exercices de sécurité, dont un exercice "attentat intrusion". L'un d'entre eux doit avoir lieu avant les vacances de la Toussaint. Une initiative essentielle, estime Gérard Pommier, président de la Peep, la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public, mais qui doit aller plus loin.

"Ce sont des exercices qu'il faut répéter pour que les élèves assimilent cette culture de la prévention", juge-t-il pour BFMTV.com. "Ce n'est qu'une entame pour que cela finisse par devenir un réflexe."

Selon lui, si dans beaucoup d'établissements des exercices de confinement ont été menés, peu d'exercices d'évacuation, qui demandent davantage de logistique, ont quant à eux eu lieu. "Cela demande une répétition et une diversité des exercices", ajoute le syndicaliste. "Mais pour cela, il faut des moyens techniques et humains."

Pour Albert-Jean Mougin, vice-président du Snalc, le Syndicat national des lycées et collèges, chaque configuration est différente. "Tout dépend de l'architecture des lieux", remarque-t-il à BFMTV.com. "Pour certains établissements clos, avec une seule entrée, la géographie urbaine s'y prête. Mais pour d'autres, avec des espaces ouverts, c'est bien plus compliqué." Un point de vue que partage Frédérique Rolet, du Snes-FSU. "Certains établissements ont des failles dans leur enceinte, il faudrait déjà faire des travaux pour qu'ils soient d'abord complètement fermés."

Quel signal d'alarme?

Des exercices pas si simples à organiser, poursuit Albert-Jean Mougin. Car selon lui, le chef d'établissement n'a pas forcément autorité sur toutes les personnes présentes. "Il y a parfois un conflit et un problème de coordination entre les employés qui relèvent de la région, de la commune ou de l'Éducation nationale. Il faudrait d'abord réaffirmer l'autorité du chef d'établissement."

Autre problème: le signal d'alarme. Car l'alerte en cas d'attentat-intrusion n'a pas été définie de manière nationale, chaque établissement faisant selon ses moyens. "Nous avons comme possibilité de moduler l'alarme incendie ou la sonnerie de fins des cours", explique Joël Lamoise, du Snpden-Unsa et proviseur d'un lycée à Épinal. "Il faut parfois le faire de manière manuelle, en appuyant et relâchant le bouton." Dans son établissement, trois sonneries courtes, puis trois longues. Selon lui, le signal devrait être le même dans toutes les écoles, collèges et lycées de France afin que chaque élève puisse immédiatement l'identifier. Sans compter qu'il faudrait selon lui un autre type de signal pour différencier le confinement de l'alerte évacuation.

En plus de la formation de tous les élèves de troisième aux premiers secours, "la formation des personnels" aux gestes qui sauvent sera "renforcée", selon Le Guide des parents d'élèves pour la sécurité des écoles. "Il est prévu que ce soit prévu", indique Joël Lamoise. S'il a la chance, dans son lycée, que l'infirmier scolaire soit formateur pour son personnel, ce n'est pas le cas de tous les établissements. "Je n'ai pas encore vu de traduction concrète", note pour sa part Frédérique Rolet.

Le problème des élèves fumeurs

Autre recommandation du ministère de l'Éducation nationale: "Une attention particulière doit être portée aux abords de l'établissement, en évitant tout attroupement préjudiciable à la sécurité des élèves". Une consigne qui pose problème compte tenu de l'interdiction des zones fumeurs dans les lycées. Matignon a annoncé le jour de la rentrée que la prohibition du tabac dans l'enceinte des collèges et lycées resterait strictement appliquée.

À la question des attroupements de lycéens à l'extérieur des établissements à l'heure de la pause cigarette, Gérard Collomb, le ministre de l'Intérieur, a répondu que "l'organisation de sécurité devant les établissements scolaires" serait "renforcée". Contacté par BFMTV.com, le ministère n'a pas donné plus de précisions.

"À heure fixe, tous les jours, des centaines d'élèves se retrouvent sur le trottoir, témoigne Joël Lamoise. Empêcher les jeunes de fumer? Des années de lutte associative n'y sont toujours pas parvenues. Certaines mairies ont mis à disposition des terrains à cet effet. Mais pour l'instant, il nous est interdit de sécuriser nos élèves à court terme."

Même inquiétude pour Frédérique Rolet, du Snes-FSU, qui ne voit "pas bien comment on va sécuriser les abords des établissements". "Indépendamment des problèmes liés à la circulation routière et à la mise en contact des jeunes avec de potentiels dealers à l'extérieur du lycée, cela paraît compliqué de placer un policier devant chaque établissement à chaque récréation ou à chaque intercours."

  • Il n'y a pas de "solution immédiate", reconnaît également Gérard Pommier, de la Peep. "Nous sommes pris dans un étau. À un problème sécuritaire, la cause est sociétale. La solution, difficile à trouver, se trouve certainement sur plusieurs plans."
Céline Hussonnois-Alaya