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Fournitures scolaires: cahier 24x32, petits carreaux, 96 pages... les profs peuvent-ils tout imposer?

Fournitures scolaires (illustration)

Fournitures scolaires (illustration) - AFP

Chaque année de nombreux parents se disent confrontés à des listes de fournitures longues et complexes. Des demandes qui enfreignent même les règles de l'éducation nationale.

Petits ou grands carreaux pour le cahier? Combien de pages? De lignes? Peut-être vous êtes vous déjà posé ces questions, plantés au rayon des fournitures scolaires de votre hypermarché à quelques jours de la rentrée des classes, qui aura lieu cette année le 4 septembre.

Chaque année, bon nombre de parents d'élèves arpentent les allées, une longue liste de matériel à la main. Confrontés à des demandes de plus en plus pointues, certains frôlent la crise de nerf, coincés entre les cartables et les agendas.

"D'une certaine manière, les listes se complexifient. Les enseignants sont de plus en plus précis pour éviter l'interprétation. C'est un métier de déchiffrer les listes scolaires!", s'amuse Adrien Peyrolles, le directeur général du papetier Bureau Vallée.

L'entreprise constate au premier plan l'évolution des listes de fournitures, puisqu'elle offre aux parents de réaliser les courses à leur place. "Chaque année on découvre des objets sur les listes qu'on ne nous avait jamais demandé", ajoute le DG. Des crayons, stylos et feuilles de dessin dont le prix a gonflé sous l'effet de l'inflation: +11,3% sur un an selon une enquête de la Confédération syndicale des familles.

Des règles pas toujours respectées

En théorie, les enseignants ne sont pas tout à fait libres de faire ce qu'ils veulent. Plusieurs consignes et conseils sont prodigués par le ministère de l'Éducation. Côté conseils: alléger les sacs, ne pas plomber les budgets et privilégier les objets recyclés et recyclables.

Pour les demandes et interdictions plus strictes, elles sont bien établies dans une note émise en 2013. Deux éléments sont particulièrement importants. "Un enseignant ne peut en aucun cas exiger l'achat d'un matériel d'une marque donnée" d'une part. Et "la liste des fournitures scolaires doit être arrêtée, selon le cas, par le conseil d'école ou le conseil d'administration". Ce qui implique qu'un enseignant n'est pas seul à décider.

Dix ans après la mise en place de ces consignes, nombreux sont les établissements à fermer les yeux sur les écarts. Parmi les demandes les plus originales, des écoles qui demandent des couleurs ou marques particulières pour les cahiers, interdisent les stylos 4 couleurs, ou demande explicitement certaines marques.

"'Ramette de papier', fournitures de 'marque', pas de 1er prix, et surtout à la fin il est mentionné qu'on va devoir payer les fichiers de maths et de lecture aussi... j'hallucine", s'est agacé un internaute à ce sujet le 17 août dernier.

Parmi la vingtaine de listes de courses pour la rentrée des classes 2023-2024 consultée par BFMTV.com, au moins un quart faisaient mention d'une marque ou interdisaient certaines choses. Deux objets reviennent régulièrement. La colle UHU, très prisée. Et le stylo 4 couleurs, détesté. Et ce à tous les âges.

Capture d'écran d'une liste de course pour une classe de CE2 à Dijon pour la rentrée 2023-2024.
Capture d'écran d'une liste de course pour une classe de CE2 à Dijon pour la rentrée 2023-2024. © BFMTV
"Quand vous en avez un qui fait 'clic-clic' à la rigueur, ça va. Mais quand vous en avez dix...", se remémore Guislaine David, enseignante de formation et co-secrétaire générale du syndicat enseignant SNUipp-FSU.

Celle qui va vivre sa 27ème rentrée des classes reconnaît que certaines demandes peuvent paraître saugrenues. "On ne peut pas tout demander, on doit bien garder en tête les budgets des parents. Mais l'objectif de ces listes est de permettre que tous les élèves étudient dans de bonnes conditions matérielles", modère la syndicaliste.

Oui, les dimensions du cahier sont "importantes"

À l'origine, ces listes sont effectivement pensées pour mettre sur un pied d'égalité les élèves. Une théorie qui se trouve remise en question par les écarts que peuvent générer certaines marques. D'où la volonté de certains enseignants d'à nouveau lisser les choses, en oubliant parfois les impératifs budgétaires.

Certaines spécificités qui peuvent sembler incompréhensibles pour les parents font cependant beaucoup de sens pour le personnel pédagogique. Le cahier en est un bon exemple.

"La taille des carreaux est surtout importante lorsqu'on apprend à écrire. Mais les dimensions du cahier sont elles aussi stratégiques d'un point de vue spatialisation. On a tendance à se perdre plus vite dans un grand modèle", analyse Guislaine David.

Un parent reste dans son bon droit s'il ne se plie pas aux exigences exactes de l'enseignant sur l'écart des lignes, par exemple. Mais l'apprentissage de l'élève peut en pâtir.

Bientôt débarrassés de la corvée?

Tantôt un plaisir tantôt une besogne, ces courses de fournitures pourraient être les dernières. Dans plusieurs communes, ce sont les collectivités qui passent commande pour les objets qui remplissent trousses et cartables. Un dispositif que le gouvernement pourrait élargir.

"Mieux accompagner les familles en faisant des achats groupés, je pense que c'est une bonne idée. Est-ce qu'on accompagne les communes? Est-ce que l'Éducation nationale peut elle-même prendre l'initiative? On va pouvoir travailler dessus dans les prochains mois", a lancé la Première ministre Élisabeth Borne au micro de France Bleu.

Cette initiative qui pourrait être pilotée directement depuis les locaux de Gabriel Attal à Paris devra faire l'objet de réflexions et probablement d'un appel d'offres. Le changement pourrait "peut-être" être mis en place "pour la prochaine rentrée", a glissé la locataire de Matignon.

Tom Kerkour