BFMTV
Education

"Lycée à éviter": des syndicats dénoncent la multiplication des avis Google sur les établissements scolaires

Un syndicat des directions d'établissements a dénoncé lundi les avis Google pour noter et critiquer les écoles primaires, collèges et lycées. Le SNES et le Snalc estiment que ces avis ne sont pas constructifs et n'ont pas leur place sur Google.

"Déceptif", "lycée à éviter!", "je ne suis jamais allée dans ce collège mais je sais que ma meilleure amie s'est faite harceler là bas et que aujourd'hui elle est dans mon collège et elle va beaucoup mieux"... Ces mots, qui qualifient des établissements scolaires de Vannes, Lille et Paris, sont tirés d'avis publiés par des internautes sur Google.

Le fait de pouvoir évaluer un collège comme on évaluerait un restaurant n'est pas nouveau, mais le Syndicat des directrices et directeurs d'école dit être "de plus en plus" sollicité à ce sujet.

Dans un tweet publié ce lundi, le SD2É affirme que "des noms sont parfois cités en mal" et qu'"il est très difficile de supprimer les posts", même si le syndicat tente de le faire "à chaque signalement".

Des commentaires "pas représentatifs"

Le Snalc (syndicat national des lycées et collèges) et le SNES (syndicat national des enseignements de second degré) confirment avoir observé la montée de cette pratique, même s'ils n'ont pas plus de signalements ces derniers temps. Pour l'instant, le phénomène n'est "pas très répandu" et "on trouve rarement des centaines de commentaires" pour un établissement, tempère le président du Snalc Jean-Rémi Girard.

Pour autant, les syndicats s'élèvent contre cette pratique. "On est un service public, une institution, et le fait que n’importe qui puisse venir mettre un avis sur quelque chose comme un problème avec tel enseignant, ça ne signifie rien de ce qu’est l’établissement", estime Jean-Rémi Girard, ajoutant que les avis et notes ne sont "pas représentatifs de quoi que ce soit".

La secrétaire générale du SNES-FSU, Sophie Vénétitay, y voit "une frénésie de l’évaluation, du like, qui est assez délétère pour le fonctionnement d'un établissement en mettant une pression sur les collègues".

Certains enseignants sont cités nommément dans ces avis, ce qui peut entraîner une "peur du cyberharcèlement" chez eux et "ne participe pas à la sérénité d’un établissement scolaire", ajoute la professeure de SES auprès de BFMTV.com.

Une vision "consumériste" de l'Éducation nationale

Les deux responsables syndicaux jugent aussi que le fait de noter un établissement scolaire sur Google participe d'une "logique consumériste" de l'Éducation nationale.

"C’est cette idée qu’on consomme l’École, qu’on est client plutôt que de se considérer comme chanceux d’avoir un service public qui offre une scolarité gratuite", affirme Jean-Rémi Girard.

Sophie Vénétitay affirme que cette vision consumériste n'est "pas nouvelle" mais qu'elle "prend de l'ampleur". Elle veut pour exemple les indicateurs et classements concernant les collèges et lycées. Le ministère de l'Éducation nationale a publié en mars, pour la première fois, un indicateur de la "valeur ajoutée" des collèges, un dispositif qui existait déjà pour les lycées.

Cet indicateur prend notamment en compte le taux de réussite au brevet, l'âge et le sexe des élèves, leur origine sociale ou encore leur niveau scolaire à l'entrée au collège. Il a pour objectifs de "rendre compte des résultats du service public national d'éducation" et de "fournir aux équipes de ces établissements des outils d’évaluation pour les aider à améliorer l'efficacité de leurs actions", explique le ministère sur son site.

"L’Éducation nationale n’est pas un produit, un marché, elle ne doit pas l’être. Ce ne sont pas des clients du côté des familles et de l'autre côté des personnels qui répondraient aux injonctions des clients", juge Sophie Vénétitay.

"On travaille sur la réussite de tous les élèves sans espérer de profit", ajoute-t-elle.

Quelle réaction adopter?

Pour les établissements scolaires confrontés à des avis Google négatifs, Jean-Rémi Girard recommande de mener des enquêtes internes lorsque les personnes à l'origine des commentaires peuvent être identifiées. Elles peuvent permettre de régler un problème avec un enseignant mais aussi, si l'établissement juge le commentaire infondé, d'en parler avec l'élève ou les parents concernés. Dans les cas les plus graves, le Snalc conseille de porter plainte, pour diffamation par exemple.

Une autre approche peut être celle encouragée par le SD2É: signaler ces commentaires. Sur sa page dédiée, Google invite ses utilisateurs à ne pas signaler "les avis avec lesquels vous n'êtes pas d'accord ou que vous n'appréciez pas", mais seulement ceux qui entrent ouvertement en contradiction avec ses règles. "Nous autorisons le contenu qui décrit des expériences négatives, mais de manière respectueuse", précise l'entreprise.

Pour le Snalc, il faudrait que les établissements scolaires aient la possibilité de retirer l'espace "avis" de leur référencement sur Google Maps.

Sophie Cazaux